la ville de Wimereux face aux drames

la ville de Wimereux face aux drames
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Ils ne font même pas un léger arrêt à côté du gilet de sauvetage orange échoué sur la plage. Captivé par le paysage de carte postale dessiné par la mer bleu cobalt, le couple de touristes hollandais croise cette trace de l’immigration sans y prêter la moindre attention. Interrogée, la femme répond, interloquée : « Je pensais que les migrants étaient à Calais ? Face à l’intensification de la pression policière et des systèmes de surveillance au port et au tunnel sous la Manche, de plus en plus de candidats à l’exil s’éloignent de la ville portuaire pour entamer la traversée risquée du détroit à bord de navires. ‘un simple bateau pneumatique.

Avec 36 000 clandestins identifiés ayant tenté de partir en 2023, les routes vers le Royaume-Uni pullulent sur tout le littoral de la Côte d’Opale. À une trentaine de kilomètres de Calais, la plage sauvage des dunes de Slack, bordée par les stations balnéaires d’Ambleteuse et de Wimereux (Pas-de-Calais), constitue un nouveau point de départ vers l’Angleterre. Les gendarmes patrouillent régulièrement dans les dunes, où les migrants peuvent se cacher des heures avant d’embarquer vers le présumé eldorado, à 40 km à vol d’oiseau.

Des caméras installées le long de la côte tentent également d’identifier les réseaux de passeurs. La nuit, les habitants de la côte entendent le drone de l’hélicoptère de Frontex, l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes.

Naufrages à répétition

Les premiers départs remontent à trois ans. Le maire d’Ambleteuse s’en souvient encore. C’était peu après le début de son mandat, en pleine saison estivale. « Depuis un mois, la police m’appelait tous les soirs pour signaler des naufrages », raconte Stéphane Pinto (Nouveau Centre). Sur place, il découvre à chaque fois « la tristesse et la misère du monde » : Afghans, Irakiens, Syriens… trempés jusqu’aux os et ramenés à Calais par la police.

La seule consolation pour cet élu local était de pouvoir offrir des biscuits et des couvertures aux survivants, ou un petit répit au chaud, à l’intérieur de la salle des fêtes. Stéphane Pinto se perd dans ses pensées lorsqu’il évoque le regard de cette petite fille le suppliant de la laisser partir. «Je ne veux pas que tu te noies», répondit-il. Depuis, ces alertes rythment son quotidien. « J’espère même un temps orageux », glisse sans emphase cet ancien marin.

Dans la région, on regarde désormais la météo à travers ce prisme. “Vous n’en verrez pas cette semaine, ce n’est pas le temps des migrants”, dit Frédéric, la voix étouffée par les vagues agitées, à peine visible malgré la lampe torche vissée sur sa casquette. Minuit approche et il fait noir. Pour ce passionné de surfcasting (pêche dans les vagues), le meilleur moment pour poser l’hameçon dans cette eau froide ; mais on imagine mal un bateau pneumatique surchargé prendre la mer. Cependant, il rencontre souvent du monde. « Un jour, raconte-t-il, une mère a eu peur en voyant la mer agitée. Le passeur lui a arraché son bébé, menaçant de le jeter à l’eau si elle ne montait pas ! Les trafiquants lui font prendre des risques. ces pauvres gens !

Traversées à tout moment

Ce quinquagénaire n’est plus le seul à pouvoir témoigner de telles scènes. Les traversées s’effectuent de plus en plus en journée, sous les yeux des habitants. « Depuis la fenêtre de ma maison, j’ai déjà vu des migrants courir vers la mer avec un bateau », raconte Colombe, 9 ans. Le week-end, elle les voit marcher en file indienne sur la route lorsqu’elle se rend à la boulangerie avec ses parents. Au retour, la famille distribue des baguettes.

Les deux mondes se croisent dans un semblant de banalité. « Ils passent sans déranger », constate une serveuse de Wimereux derrière son comptoir. Sous un ciel bleu clair, sans vent, on peut en compter plusieurs centaines parcourant cette ville cossue de 7 000 habitants aux maisons colorées de style anglo-normand. La police, installée sur le parking de la plage, n’intervient que lorsqu’ils se lancent dans une traversée clandestine.

A Ambleteuse, ces mêmes candidats au départ achètent des provisions au magasin du coin où le couple de commerçants les amène par petits groupes. Certaines voix s’inquiètent de cette présence. Comme un boulanger de Wimereux qui préfère taire son nom. Il a installé des chaînes à l’entrée de son commerce. « Quand je travaille à la boulangerie, le soir, ils me demandent des croissants. Je suis seul dans ma boutique, on ne sait jamais ce qui peut arriver », explique-t-il.

Plus loin, chez un éleveur de moules, le sujet alimente les conversations entre les salariés, chaussés de bottes en caoutchouc jusqu’en haut des cuisses. « Depuis un an, ils ont été formidables », commente l’un d’eux en appuyant son propos d’un geste du pouce. « Avant, ils étaient plus agressifs. » Tout le monde acquiesce. “Mais pourquoi devons-nous les garder s’ils ne veulent pas rester avec nous ?” demande un autre. D’autres villageois s’inquiètent des déchets laissés dans les dunes de Slack, un site naturel protégé où il ne faut, en principe, pas s’aventurer.

Des corps parfois sans vie

Si les candidats à l’exil font désormais partie du paysage pour la plupart des habitants, certains découvrent avec étonnement l’ampleur des allées et venues. Lors d’un apéritif, les invités de Marie-Édith, venus de Lille (Nord), ont vu une cinquantaine de personnes monter dans un bateau pneumatique, non loin des baigneurs. « Oui, c’est un bateau de migrants », répond-elle simplement à ses amis. « Mais pour nous, la vie continue. Nous avons continué à boire nos boissons et à manger des cacahuètes… », raconte la résidente, soudain perturbée, en racontant cette scène devenue banale.

Il y a quelques mois, alors qu’il faisait son jogging sur la plage, Ambroise croisait un corbillard venant ramasser un cadavre. Le 14 janvier, cinq migrants sont morts au large de Wimereux. Désormais, les passeurs opèrent été comme hiver. La tragédie a secoué les habitants du quartier ; certains, en réaction, décident de s’organiser autour d’un collectif pour apporter nourriture et réconfort en cas de naufrage. « On ne peut pas rester sans rien faire », confie Sylvie Marichal, l’une des cofondatrices de L’Escale.

 
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