Les mots d’Yvon, le rêve de Jean-François

Les mots d’Yvon, le rêve de Jean-François
Les mots d’Yvon, le rêve de Jean-François

CHRONIQUE / Tout a commencé par un rêve. Un rêve inattendu, au milieu d’une sieste du dimanche après-midi. Jean-François Blais, réalisateur reconnu, a tout vu : les monologues d’Yvon Deschamps, la scène qui allait se dérouler sous nos yeux, la boutique et ses artisans, les ouvriers qui discutent entre eux, qui vivent à travers les mots de Deschamps leurs propres problématiques autour du travail, des enfants, de l’amour, de la mort…

Il a fallu vite tout écrire avant d’oublier un seul détail ! En l’espace de quelques minutes, Yvon Deschamps raconte à La Shop venait de voir le jour sur le papier du directeur de Louiseville.

Un courriel, un seul, envoyé à Judi Richards, l’associée d’Yvon Deschamps, pour lui présenter le projet. La structure était déjà très solide, le plan bien défini. Il ne manquait plus que l’accord du principal intéressé.

« Le lendemain, je dînais à La Brassette à Louiseville quand j’ai reçu un courriel. C’était Yvon. Le titre du courriel disait « Le spectacle ». Il m’a demandé de venir le rencontrer quelques jours plus tard à Montréal », se souvient celui qui a produit de nombreux spectacles dont En direct de l’univers, La Voix ainsi que des émissions de variétés, des galas télévisés et spectacles de Saint-Jean. Récemment, Isabelle et lui ont également signé l’émission Starmania : 45 ans sous les étoilespour souligner le 45e anniversaire de ce chef-d’œuvre de Luc Plamondon et Michel Berger

Mais avec La boutiqueJean-François Blais se lançait dans une autre aventure. S’il était habitué à la scène, à la musique et à la variété, il s’agissait là d’un tout autre défi : celui du théâtre et de la direction d’acteurs. Un défi qu’il avait peut-être sous-estimé. J’y reviendrai dimanche dans un deuxième texte.

On ne raconte pas l’histoire d’Yvon Deschamps comme on raconterait n’importe quelle autre histoire. Les monologues d’Yvon ont marqué plusieurs générations, ils sont connus de nombreux Québécois et, même plusieurs décennies après leur écriture, ils portent le visage d’un Québec qui se regarde dans le miroir, qui étudie ses travers et ses failles à travers un second degré à la fois tortueux et grinçant.

Tout au long de La boutiquenous suivrons quatre personnages, quatre « gars » (OK, une fille parmi eux) de la boutique qui, entre les cartons roulant sur la chaîne de montage, nous transportera dans les réflexions profondes auxquelles Yvon Deschamps nous convie depuis les années 70. Des textes livrés avec brio par les comédiens Sylvain Marcel, Stéphane Archambault, David Savard et Élizabeth Duperré.

Autour du pianiste trifluvien Guillaume Marchand, les comédiens de La boutique réviser les textes et les chansons.

À cela s’ajouteront la danse, la chanson québécoise, les arts du cirque… Peu de choses dans le monde de la scène québécoise peuvent prétendre ressembler à ce qui sera La boutique.

Des réflexions toujours très actuelles de Deschamps, auxquelles nous avons pu, par transitions, rattacher des concepts on ne peut plus contemporains. Un travail d’écriture mené en parallèle par Jean-François et Isabelle, afin de rendre l’ensemble complètement fluide et pertinent, sans dénaturer l’œuvre de Deschamps.

Parce qu’Yvon parlait de #Metoo avant l’heure. Parce qu’Yvon sensibilisait déjà, avant l’heure, aux discours parfois décousus de ceux qui nous incitent à « faire nos recherches ». Parce qu’Yvon parlait pratiquement d’intelligence artificielle avant même que l’on sache ce que c’était vraiment.

Des textes qui, quand on les regarde de près, n’ont pas pris une ride, pas une ride. Des textes qui nous poussent parfois à nous demander si nous avançons vraiment, ou si notre société tourne simplement en rond.

Même si tu dois constamment t’y mettre changer au deuxième, et parfois même au troisième degré.

Il n’était pas dans les plans d’Yvon Deschamps de monter sur scène pour ce spectacle. Mais il avait envie de raconter cette histoire touchante. C’était aussi la vision de Jean-François Blais, qui l’a convoqué un matin de novembre dernier dans un petit studio de Montréal. Mais pas avant de lui avoir proposé des textes à réciter. Yvon Deschamps, lui, voulait de la structure !

Autour de la table, les gens discutent, révisent et partagent des idées pour rendre le spectacle encore meilleur. (Paule Vermot-Desroches)

Lorsqu’il envoya les textes à Yvon pour approbation, ce dernier lui retourna le document avec quelques notes et idées.

« Quand j’ai appris cela, je me suis effondrée dans mon bureau et j’ai pleuré comme un bébé. C’était réel, ça se passait vraiment. Je n’ai pas pu lui répondre tout de suite, j’étais trop émotive. Judi m’a répondu le lendemain, inquiète. Elle pensait que ça ne me plaisait pas. Je lui ai dit : bienvenue dans le monde des émotions. »

— Jean-François Blais

Dans ce petit studio, bien à l’abri du froid de novembre, les deux hommes ont travaillé sur ces vidéos que le public verra durant le spectacle, avec la présence de cette légende de l’humour, comme un narrateur qui raconte un peu de sa propre histoire. Comme, je dirais même, un père qui, au cours d’une scène touchante, jettera un regard bienveillant sur ceux qui perpétuent son œuvre devant la foule.

En février 2023, j’ai rencontré Jean-François Blais à Saint-Élie-de-Caxton. Il y avait élu domicile temporairement, à côté de son ami Fred Pellerin, en attendant que la construction de sa maison à Saint-Léon-le-Grand soit terminée. Une pause au pays des elfes qui lui a été bénéfique, car il traversait à l’époque une dépression dont il avait accepté de me parler.

Un an et demi plus tard, et sur le point de voir ce grand projet de sa carrière prendre vie, où est-il ?

Ma question tombe comme une tonne de briques. Le silence est long et se fait sentir dans son bureau. Il ravale un sanglot…

« Je vis un second départ dans ma carrière, rien de plus, rien de moins. M’accrocher à cette création et avoir une liberté totale sur elle m’a sauvé créativement. Après la baisse“C’est ça qui m’a permis de me remettre sur pied. Pour moi, c’est le tournant qui m’a confirmé qu’il était temps pour moi de faire mon truc. Le monde n’a aucune idée à quel point j’ai mis ma vie entre parenthèses pour faire ce show”, confie-t-il, sans cacher ses larmes.

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Lundi : « Si Yvon est content, je pense que le Québec suivra »

« Yvon Deschamps raconte La Shop » sera en tournée partout au Québec d’ici mai prochain. Des dates sont prévues à Trois-Rivières, Québec, Sherbrooke, Saguenay, Granby, Gatineau, Victoriaville et Drummondville. Tous les détails ici : https://www.yvondeschamps.com/

 
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