Quatre mains | Pour ou contre les rues piétonnes toute l’année ?

Plus que jamais, la piétonnisation est en vogue à Montréal. Cet été, la Plaza Saint-Hubert a été ajoutée aux artères piétonnes. On parle même de réserver l’avenue du Mont-Royal aux piétons toute l’année, mais pas avant d’avoir fait quelques travaux d’aménagement. Redonner la rue aux piétons toute l’année, est-ce une bonne idée ? Ou une hérésie ? Nos chroniqueurs en débattent.


Publié à 01:17

Mise à jour à 6h00

Alexandre Sirois: Nous venons d’apprendre qu’il y a des discussions à la Ville de Montréal pour piétonniser l’avenue du Mont-Royal à longueur d’année et je dois vous dire, Nathalie, que je suis ravie de l’entendre. Je suis bien consciente que cette initiative ne fera pas l’unanimité tout de suite. Certains n’ont pas encore digéré le fait que nous interdisions la circulation automobile quelques mois par année sur cette artère. Mais le fait est qu’au fil des années, il y a plus d’appuis et moins de grogne. Et c’est tout à fait normal. Car on gagne beaucoup, notamment en termes de qualité de vie, à laisser les piétons se réapproprier ainsi l’espace public.

Nathalie Collard : J’avoue que j’aime aussi les rues piétonnes. Elles invitent à prendre son temps, à découvrir les boutiques devant lesquelles on passe souvent rapidement. J’aime aussi les structures conviviales qui invitent à s’asseoir, à observer et, pourquoi pas, à discuter avec son voisin.

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PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE ARCHIVES

La place Saint-Hubert a été piétonne tout l’été.

Je me demande cependant si la règle du « tout ou rien » devrait toujours s’appliquer. Je pense à la Plaza Saint-Hubert, qui a été piétonnisée tout l’été. La rue était vide la semaine, mais bondée la fin de semaine. Aurions-nous pu la piétonniser seulement deux jours par semaine pour commencer ? Quant à la piétonnisation à l’année, il faudrait quand même s’assurer qu’il y ait de la circulation tout autour…

Alexandre Sirois: Les rues commerciales sont toujours moins fréquentées en semaine. En les piétonnisant, on ne réussira pas forcément à inverser cette tendance. Mais en règle générale, on arrive à augmenter leur pouvoir d’attraction. Et c’est normal, on transforme ces rues en milieux de vie ! Ça devient tellement agréable d’y aller. L’été, maintenant, je me retrouve à aller me promener sur le Mont-Royal juste parce que… c’est agréable de marcher sur le Mont-Royal. Avant la piétonnisation, j’y allais parce que j’avais besoin de quelque chose, c’est tout. Est-ce qu’on aurait dû y aller progressivement et d’abord interdire la circulation deux ou trois jours par semaine ? Je ne crois pas. Si on veut vraiment piétonniser, notamment en installant toutes les structures conviviales dont vous parlez, ça prend du temps.

Nathalie Collard : Je vois ces rues d’un très bon œil, mais est-ce la panacée ? Je pense qu’il faut faire attention. Je reviens tout juste de Copenhague, où l’on trouve probablement l’une des avenues commerçantes piétonnes les plus importantes au monde : la fameuse Strøget. Pourtant, un professeur d’urbanisme réputé de l’Académie royale danoise m’a expliqué que d’un point de vue urbanistique, on ne referait pas ce genre de rue. Pourquoi ? Parce que lorsque les magasins sont fermés, ces rues deviennent des rues fantômes. Cela m’a rappelé un jeudi soir cet été où je marchais sur une avenue du Mont-Royal presque déserte… à 21 heures. Pour s’assurer qu’il y ait suffisamment de vie en tout temps, il faut aussi s’assurer qu’il y ait des restaurants et autres commerces et services ouverts le soir. Sachant cela, ce serait probablement une très mauvaise idée de piétonniser la rue Sainte-Catherine, par exemple. Quant aux infrastructures conviviales, elles peuvent être installées même sur des rues ouvertes aux voitures. Il suffit simplement de retirer quelques places de stationnement.

Alexandre Sirois: Votre reportage sur Copenhague a été inspirant. Tout comme l’a été, dans la foulée, la table ronde organisée pour réfléchir à la manière dont on peut construire des villes qui rendent les gens heureux, notamment en les transformant pour qu’elles favorisent le vivre-ensemble et des quartiers où l’on peut marcher. La piétonnisation de plusieurs artères commerciales y contribue grandement. Alors, j’y reviens, pourquoi ne pas y penser 365 jours par année dans le cas de l’avenue du Mont-Royal ?

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PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE ARCHIVES

Avenue du Mont-Royal en août dernier

Je suis conscient que cela demandera plus d’efforts et de créativité. Comment déneiger, par exemple? Et comment faire en sorte que la rue piétonne demeure un milieu de vie également en hiver? Mais je suis convaincu que nous pouvons y arriver. Les activités extérieures du festival Montréal en lumière attirent désormais des foules chaque hiver. Je comprends votre prudence. Par contre, je ne voudrais pas que la Ville fasse preuve d’une prudence excessive dans ce dossier… ce qui finirait par rimer avec inaction.

Nathalie Collard : Je pense que l’inaction – ou plutôt l’immobilité – a surtout eu lieu dans les rues du Plateau cet été. Et c’est probablement ce qui irrite les gens qui s’opposent à la piétonnisation : l’impact sur les rues avoisinantes. Quand on piétonnise une rue aussi importante que l’avenue du Mont-Royal (et je le répète, je suis en faveur de la piétonnisation), il faut s’assurer que les rues avoisinantes soient minimalement dégagées. Or, cet été, non seulement le boulevard Saint-Joseph était en travaux, mais aussi une partie des boulevards De Lorimier et Papineau. Cela a créé un gros embouteillage sur le Plateau-Mont-Royal. Le jour où on planifiera mieux toutes sortes de travaux dans la ville, je suis pas mal sûr que les expériences de piétonnisation seront beaucoup mieux accueillies.

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