“pour certains patients, ce sera trop tard” – rts.ch

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La facture des médicaments contre le cancer atteint un nouveau sommet : 1,55 milliard en 2023. En réponse, la Confédération a placé les nouveaux traitements sous la surveillance des assureurs. La santé des patients en souffre directement.

Vous allez chez votre médecin qui découvre que vous avez une infection. Il vous remettra une ordonnance vous permettant d’obtenir dans l’heure le produit nécessaire à votre guérison. Si un spécialiste diagnostique un cancer chez un patient, il détermine quel médicament lui donnera la meilleure chance de lutter contre la maladie. Il n’est cependant pas question de commencer un traitement immédiatement.

Il faudra au préalable demander au médecin-conseil de l’assurance de valider le remboursement, même si le traitement est explicitement prévu pour le cancer identifié. S’en suit alors une attente qui peut durer jusqu’à six semaines, avant de commencer le traitement. Face à la hausse des prix, de plus en plus de traitements oncologiques sont soumis à l’approbation des assureurs.

«Nous avons un patient qui se sait atteint d’une maladie mortelle, qui attend fébrilement un traitement mais rien ne se passe», explique Solange Peters, chef du service d’oncologie médicale au CHUV. Les cancérologues voient plusieurs de ces situations chaque jour de consultation.

De plus en plus de soins « sous contrôle » des assureurs

Les cas se multiplient. La RTS a analysé la liste des spécialités en 2020 et 2024. Cette liste regroupe tous les médicaments remboursés et précise dans quelles conditions. Le nombre de principes actifs contre le cancer soumis à cet encadrement complet par les assureurs est passé de 53 à 91. Les molécules et préparations les plus récentes, synonymes de nouveaux espoirs, sont prioritairement concernées.

L’accès aux soins est-il affecté ? Les refus arrivent, mais sont rares, selon les spécialistes consultés. Il est parfois nécessaire de reprendre le dialogue avec les médecins-conseils pour débloquer la situation. Pour l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), cette procédure est essentielle : « il est possible d’agir de manière toujours plus spécifique sur la tumeur individuelle de chaque patient. Ces thérapies nécessitent cependant des contrôles accrus à travers une garantie de prise en charge des frais après évaluation par le médecin-conseil ».

Pierre-Yves Dietrich, oncologue aux Grangettes à Genève, est très critique envers cette opération. «C’est un système obsolète. En oncologie, il existe chaque année des dizaines de nouvelles molécules, de nouvelles indications, de nouvelles combinaisons de traitements. Le seul outil du médecin-conseil sont des listes, jamais à jour, en raison de la rapidité des innovations, nous sommes, de plus, confrontés à un conflit d’intérêts majeur, le médecin-conseil étant employé par la compagnie d’assurance.

Entre deux et six semaines de retard, cela signifie que la maladie aura progressé. Pour certains patients, il sera même trop tard pour commencer le traitement

Solange Peters, chef du service d’oncologie médicale au CHUV

Impossible d’obtenir des statistiques sur les décisions des assureurs. Il n’existe aucune donnée mesurant l’impact des retards sur la santé des patients. Les médecins constatent toutefois que l’attente est très difficile pour les patients. Cela peut même aggraver leur état. « Entre deux et six semaines de retard, cela veut dire que la maladie aura progressé. Pour certains patients, il sera même trop tard pour commencer le traitement » confie Solange Peters.

Qu’est-ce qui justifie ce contrôle du travail des médecins de terrain ? « En retardant les traitements, en réduisant leur espérance de vie, on fera une économie de médicaments. Mais il s’agit d’une économie indésirable selon le serment d’Hippocrate, au détriment des patients», estime le spécialiste du CHUV. De plus, cela met en perspective ces économies. « Du côté des soignants, cela implique du personnel et du temps de travail pour rédiger les documents, simplement en copiant des phrases de la liste des spécialités. C’est un travail inutile et coûteux pour le système de santé.

Des coûts hors de contrôle

Comment est-ce qu’on est arrivés ici? Depuis des années, les autorités sanitaires tentent, en vain, de reprendre le contrôle des dépenses de santé. Les médicaments anticancéreux et leurs prix exorbitants sont directement concernés.

Leur charge sur les primes des assurés augmente cinq fois plus vite que les coûts globaux. Entre 2015 et 2022, il a grimpé de 123 %, selon les données fournies par Curafutura, l’association faîtière des assureurs maladie. Les médicaments oncologiques coûtent désormais plus de 175 francs par an à chaque assuré.

La situation pourrait encore empirer. Ainsi est apparu en le premier médicament anticancéreux dont le prix annuel dépasse le million de francs. Nommé Elzonris, il est, à ce jour, réservé au traitement d’un cancer du sang rare et le plus souvent mortel.

L’industrie pharmaceutique a beaucoup trop de pouvoir et n’est pas contrôlée par les politiciens.

Brigitte Crottaz, conseillère nationale et médecin

Brigitte Crottaz est conseillère nationale et médecin. Elle juge très durement les pratiques des sociétés pharmaceutiques. « Ils fixent des prix déraisonnables, sans aucune transparence. Comme ces médicaments apportent de l’espoir, ils sont acceptés. »

La socialiste n’est pas plus tendre envers les institutions politiques dont elle fait partie : « l’industrie pharmaceutique a beaucoup trop de pouvoir et n’est pas contrôlée par les politiques ».

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Rapport d’échec

En 2019, Brigitte Crottaz avait accepté, comme la majorité du Parlement, une proposition du Conseil fédéral visant à « renforcer la qualité et l’économie » des soins. Le texte prévoit notamment « l’accord du médecin-conseil » pour les mesures « particulièrement coûteuses ».

Elle critique désormais cette décision. «Nous avons voté pour quelques mesures, car les propositions véritablement efficaces sont systématiquement rejetées par la majorité du Parlement. En pratique, ces limitations donnent beaucoup de travail aux médecins hospitaliers et ne sont pas efficaces pour contrôler les coûts. Ils n’atteignent pas les objectifs souhaités.

Les règles du marché régissent la fixation des prix des traitements. Ils pénalisent les patients. Nous devons nous attaquer à cela.

Pierre-Yves Dietrich, oncologue, ancien chef du service d’oncologie aux HUG

Interrogé, l’OFSP estime que les économies possibles « grâce aux garanties de soutien » ne sont « pas mesurables ». L’office annonce même qu’il « ne s’attend pas à des économies considérables ». Une déclaration étonnante, compte tenu des effets sur les patients et sur le système de santé. Pour l’oncologue Pierre-Yves Dietrich, qui était chef du service d’oncologie aux HUG, il faut désormais traiter le problème à sa Source. « Les règles du marché régissent la fixation des prix des traitements. Ils pénalisent les patients. Il faut s’attaquer à cela.

Tybalt Félix, avec Alexandra Richard

Une information reprise dans La Matinale du 19 avril 2024

 
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