En Gironde, la fête de la lamproie est annulée « faute de poisson » pour le repas

Le Figaro Bordeaux

Huit poireaux, deux litres de vin, un oignon, deux gousses, de l’ail, du thym, du laurier… et une lamproie vivante prête à être cuisinée à la bordelaise. Dans le petit village girondin de Sainte-Terre, capitale autoproclamée de la lamproie, la recette se transmet de génération en génération. Au point d’être, depuis plus de 30 ans, la clé de voûte du festival qui rassemble « toutes les forces vives des associations de la communauté ». Mais pas de lamproie, pas de fête. Cette année, les célébrations qui devaient se tenir les 26, 27 et 28 avril sont annulées. Et pour cause : depuis avril 2023, la suspension de la pêche à la lamproie en Gironde et en Dordogne empêche de trouver le plat à un prix convenable. Impossible de le mettre en bouche.

« Sans repas, la fête n’aurait pas eu la même saveur »explique le comité d’organisation du 33^e édition de la fête de la lamproie de Sainte-Terre. Prêt à se rabattre sur les anguilles, “un beau plat” proche de leur plat traditionnel, les organisateurs n’ont pas pu commander les 100 kilos de poisson nécessaires aux festivités. « Cela peut paraître paradoxal, mais à l’origine nous souhaitions maintenir la fête pour expliquer la situation de la lamproie en Gironde »explique le président du comité, Patrice Laguillon. « Sainte-Terre, qui est un village de pêcheurs, a été autoproclamée capitale de la lamproie par notre ancien maire, Guy Marty. Ici, on adore ce poisson qui fait travailler autant le maraîcher pour ses poireaux que le vigneron. Contacté par Le Figarol’ancien conseiller du village a refusé de parler.

Confrérie de la Lamproie

Alors pour ce terroir girondin accroché à son emblème au point de se doter d’une confrérie de lamproies – composée de 17 membres -, “frustration” est immense. “En 2010, Alain Juppé qui fut maire de Bordeaux, a été intronisé par notre grand maître honoraire, Jacqueline Rabic (décoré de l’Ordre du Mérite Maritime, NDLR). Elle a consacré sa vie à la défense de la lamproie et, à l’époque, elle tirait déjà la sonnette d’alarme : le problème n’est pas la pêche, c’est le poisson-chat., déplore Joël Duporges, le président de la confrérie. Pour ces passionnés, le poisson-chat – qui abonde dans la Garonne – est un véritable prédateur des lamproies.

Un argument loin d’être suffisant pour l’association de défense des milieux aquatiques, à l’origine de cette interdiction de la pêche à la lamproie, qui a déjà obtenu quatre victoires judiciaires en la matière. En attendant que l’affaire soit jugée au fond, Sainte-Terre s’inquiète. « Depuis l’année dernière, chaque fois que je parle, c’est avec inquiétude quant à notre situation. Un tourment partagé par les protecteurs des traditions d’autres confréries comme les chasseurs de palombes ou les producteurs de canards gras. conclut Joël Duporges.