trente ans plus tard, à Kinunga, tueurs et survivants côte à côte

trente ans plus tard, à Kinunga, tueurs et survivants côte à côte
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De gauche à droite : Séverin, Boaz, Laurent et Elias, habitants du village de Kinunga au Rwanda, en mars 2024. PIERRE LÉPIDI

Les plantations de bananes et de café coulent vers les eaux bleues et argentées du lac Kivu. En longeant la côte vers le sud, nous découvrons une crique isolée à côté de champs de maïs, de sorgho et de haricots. Pour les plantations de thé vert, il faut monter un chemin escarpé jusqu’à la route goudronnée. S’il n’a pas été emporté par la pluie, il faut compter trois quarts d’heure en moto puis encore trois heures en voiture pour rejoindre Kigali, la capitale. Les habitants du village de Kinunga, majoritairement agriculteurs ou pêcheurs, s’y aventurent rarement.

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Situé sur les coteaux du district de Rutsiro, à l’ouest du Rwanda, Kinunga est aujourd’hui un paisible village de près de 900 habitants. Trente ans plus tôt, elle fut l’un des multiples théâtres du génocide des Tutsi qui fit jusqu’à un million de morts, selon l’ONU. « Il reste beaucoup de cadavres dans les champs, assure Elias, 61 ans. En juin 2023, un voisin retrouve cinq corps alors qu’il cultive sa parcelle. »

Si le génocide fut le point d’achèvement des massacres qui visèrent la minorité Tutsi après l’indépendance du Rwanda, en 1962, à Kinunga on se souvient que c’est à partir de la fin des années 1960 que la situation changea. tendu. « A l’école, les Tutsi, qui devaient avoir six ou sept ans [dans une classe de 30 élèves], étaient toujours séparés des autres, Elias se souvient. Même s’ils étaient premiers de leur classe, les professeurs les faisaient redoubler chaque année. » « On nous traitait de cafards, de serpents, se souvient Marie (le prénom a été modifié à sa demande). Quand nous sortions de l’école, les élèves nous frappaient et nous crachaient dessus. »

Ces violences se sont accentuées dans toute la province après le coup d’État de Juvénal Habyarimana le 5 juillet 1973. Des vaches tutsi ont été volées ou tuées. Les maisons sont incendiées. Parfois pire. «J’avais 10 ans lorsque des voisins ont tué mon pèredit Elias. Ils l’ont frappé à la tête avec un gourdin cloué. Caché dans un arbre, j’ai été témoin de la scène puis je me suis enfui dans la brousse. »

« Chassé partout »

A Kinunga, c’est par la radio que l’on a appris la mort, le 6 avril 1994, du président Habyarimana, tué dans son avion le ramenant à Kigali, accompagné de son homologue burundais. « Le 7 avril au petit matin, tout le monde ne parlait que de ça.se souvient Elias. J’étais très effrayé. » Sur la Radio-Télévision Libre des Mille Collines (RTLM), la mort du chef de l’Etat est attribuée au Front patriotique rwandais (FPR, désormais au pouvoir), le mouvement politico-militaire formé essentiellement par les Tutsi exilés en Ouganda. “La RTLM diffusait chaque jour des messages disant qu’il fallait tuer tous les Tutsi, se souvient Boaz, alors âgé de 25 ans. J’écoutais les émissions avec mon père. Il avait toujours détesté les Tutsi. »

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