Le domaine Uza est à la pointe de l’asperge bio

Quelques bâtiments intemporels, qui cachent difficilement un passé industriel, se détachent à la sortie d’un des rares virages enserrés par la forêt landaise. Uza, 196 âmes, des maisons ouvrières en briques locales et quelques signes extérieurs de richesse : un étang, deux restaurants et une épicerie fine, des gîtes, mais aussi un château d’inspiration toscane, perché au sommet d’une improbable motte castrale.

Le mariage d’Isabeau de Montferrand et Pierre de Lur, en 1472, rassembla de nombreuses terres, celui de Jean de Lur et Catherine Charlotte de Saluces, en 1586, donna naissance au patronyme actuel Lur Saluces. La forge-fonderie, créée en 1759 par Henri de Saluces et la comtesse de Rostaing, a définitivement cessé son activité en 1981, non sans avoir marqué l’histoire de ce bout du Marensin, petit territoire côtier des Landes de Gascogne.


Les anciennes forges du XVIIIe siècle abritent aujourd’hui la chaîne de tri d’asperges bio d’Uza.

Isabelle Louvier/SO

Entre 90 et 120 tonnes selon les années


Récolteurs espagnols aux champs, trieurs polonais, la récolte sur les terres du Comte de Lur Saluces, depuis 8 ans, est réalisée sous l’expertise de Mathieu Gabin, producteur d’asperges en Haute-Landes.

Isabelle Louvier/SO

Charlotte de Lur Saluces, épouse de Philippe, président du groupe familial (vin, forêt, agriculture, tourisme) depuis le décès de son père, Alexandre, en 2023, a trouvé en Uza les moyens de poursuivre sa carrière dans le marketing et la communication : « Les asperges étaient l’idée du comte [Alexandre de Lur Saluces], qui est née d’une catastrophe : la tempête Klaus de 2009. Les parcelles forestières autour du village ont été impactées, et nous avons tenté plusieurs cultures avant de nous jeter à corps perdu dans les asperges. Avec le physalis et le maïs, l’asperge est arrivée il y a une quinzaine d’années pour diversifier l’activité agricole des domaines, dont le Château de Fargues, à Sauternes, reste le fleuron.

Nous avons essayé plusieurs cultures avant de nous lancer à corps perdu dans l’asperge

Mathieu Gabin, producteur d’asperges, s’occupe du domaine d’Uza depuis huit ans, mais possède également une exploitation à Saint-Symphorien, en Gironde. « Les premières asperges bio à Uza ont été plantées en 2010, il y a aujourd’hui 22 hectares entre Mézos et Uza. » Le sol du Marensin est très hétérogène, le sable va du blanc fin au noir grossier… Aujourd’hui, la production oscille entre 90 et 120 tonnes selon les années. Des saisonniers espagnols et polonais viennent à chaque récolte, qui ne dure que quelques semaines.


Mathieu Gabin, responsable de la culture de l’asperge d’Uza pour le compte de la famille Lur Saluces.

Isabelle Louvier/SO

L’ambition d’excellence

« Il y a une dizaine d’années, le bio était un gage de qualité, et dans nos activités, aujourd’hui assez diversifiées, c’est la recherche de l’excellence. C’est un peu prétentieux, mais c’est notre ADN », explique Charlotte.

Mathieu Gabin abonde dans le même sens : « Dans l’asperge, il n’y avait personne qui faisait du bio, à part une ferme à Arengosse, qui nous a lancé. Je pense que l’option bio était bonne, mais c’est devenu plus compliqué depuis deux ou trois ans. » , marges plus élevées des magasins spécialisés, normes environnementales, augmentation des coûts de personnel pour une récolte entièrement manuelle… On reste sur une production de niche : « Plus ça va, moins on est capable de produire de tonnage. Nous avons fait le choix de traverser cette crise pour nous remettre sur les rails dans les années à venir. »

Les asperges, une fois récoltées, sont triées selon leur calibre et leur destination finale.


Les asperges, une fois récoltées, sont triées selon leur calibre et leur destination finale.

Isabelle Louvier/SO

C’est dans ce contexte que les asperges bio d’Uza ornent les tables de certains des meilleurs restaurateurs parisiens et bordelais. Il était autrefois envoyé à New York et est toujours envoyé au Japon. « Nous livrons en direct certains restaurants étoilés, comme l’Arpège, le restaurant du chef Alain Passard, ou l’Hôtel de Pavie, à Saint-Emilion, mais aussi des épiceries fines bio, de grandes tables d’Europe du Nord ou au Japon… » Obtention du Label Rouge pour l’asperge des sables des Landes, jeudi 29 février dernier au Salon de l’Agriculture, aura finalement peu d’impact sur une production confidentielle mais en constante recherche de lumière.

Mathieu Gaudin reçoit environ 200 appels par jour de mi-mars à juin, d'acheteurs négociant directement les prix d'achat en fonction de l'avancement de la saison.


Mathieu Gaudin reçoit environ 200 appels par jour de mi-mars à juin, d’acheteurs négociant directement les prix d’achat en fonction de l’avancement de la saison.

Isabelle Louvier/SO

Il y a par exemple ce fameux mariage avec le Sauternes, qui continue de ravir les papilles des amateurs de ce légume plutôt rustique et réputé pour ses propriétés diurétiques. Depuis 2020, les déjeuners « blanc et or », organisés au Château de Fargues autour des asperges du domaine d’Uza et des meilleurs crus de Sauternes, continuent de convaincre les heureux « prescripteurs » invités.

Charlotte de Lur Saluces, attentive aux créations du chef de La Forge et à l'accord asperges et Domaine de Fargues.


Charlotte de Lur Saluces, attentive aux créations du chef de La Forge et à l’accord asperges et Domaine de Fargues.

Isabelle Louvier/SO

« Le Sourteux n’est pas un vin pour accompagner les desserts, ou seulement avec du foie gras », expliquent aujourd’hui ensemble Charlotte et Philippe. Des asperges à toutes les sauces, de l’entrée au dessert, c’est aussi une proposition à laquelle aspire également le chef Iliès Besançon, arrivé en 2022 derrière les fourneaux du restaurant La Forge après quatre ans de collaboration avec Benjamin Toursel, le chef étoilé du Lot-et- Garonne, à Moirax.

Une suggestion sucrée pour terminer le repas du chef Iliès Besançon, avec ces asperges vanillées, pour un dessert printanier léger et incroyablement parfumé.


Une suggestion sucrée pour terminer le repas du chef Iliès Besançon, avec ces asperges vanillées, pour un dessert printanier léger et incroyablement parfumé.

Isabelle Louvier/SO

L’asperge Uza à l’honneur à La Forge

Au domaine d’Uza, le chef Iliès Besançon, arrivé en 2022 derrière les fourneaux du restaurant La Forge, propose des recettes originales pour sublimer les asperges bio locales : en entrée par exemple avec un beurre blanc lié au chocolat blanc, au cresson, et caviar précoce; en dessert, alterner une tête d’asperge vanille et une tête d’asperge menthe, un parfait cacahuète entouré d’une brunoise poire et pomme ainsi qu’un rond de gelée de saule au Sauternes. Le tout accompagné d’une tuile de nougatine, d’une quenelle de sorbet pomme, et agrémenté de cacahuètes concassées et torréfiées.

 
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