Les Fabre, cette famille paysanne a participé activement à la Résistance en Haute-Loire

Dans le village de Lhermet, dans la vallée de l’Allier, toute la famille Fabre participe activement à la résistance locale. 80 ans après, retour sur l’engagement de cette famille d’agriculteurs.

Le refus de l’occupation et du régime de Vichy ne peut se réduire aux grands noms et aux grandes figures qui, après la guerre, ont connu gloire et honneur. À l’instar des « combattants de l’ombre », les populations modestes tenaient elles aussi une place à part, lorsque tout s’écroulait, et osaient affronter la colère sans limite des vainqueurs. Dans leur ferme isolée dominant les gorges, à Lhermet, commune de Saint-Christophe-d’Allier, la famille Fabre composée de François, Marie et de leurs quatre enfants, Fernande, François, Maurice et Théo, en offre un vibrant exemple. Leur attitude est d’autant plus remarquable que la fratrie a commencé à s’opposer au gouvernement de Philippe Pétain dès la défaite. « Pas comme beaucoup, qui sont devenus résistants à la fin, quand la victoire était certaine », selon François, l’un des fils.Trois des quatre membres de la famille Fabre aux côtés d’un Arménien.

Refus de licencier l’enseignant

« François Fabre (le père), combattant de la guerre de 1914-1918, ardent pacifiste, mais aussi patriote, se dresse de toutes ses forces contre l’envahisseur et le régime de Vichy », écrit Marcel Deplagne, enseignant de la commune à cette période. . Il sait de quoi il parle. En effet, cet homme né en 1891, a pris l’initiative d’organiser le refus du licenciement de cet enseignant par le régime pétainiste. Il a obtenu un soutien quasi unanime des habitants. C’est déjà une véritable action de résistance. Lui et sa famille osent aussi s’opposer aux campagnes de réquisition de la production agricole destinées aux villes et, surtout, à l’occupant. Ils recourent à de nombreux subterfuges pour détourner une partie de la récolte. Avec la complicité du meunier Pierre Laroche, originaire de Chèvre-Morte près de Chambon-le-Château (Lozère), ils pourront nourrir leurs « protégés » et fournir de la farine au maquis.Le « pilier » de la famille Fabre : François.

Sans faire de distinction, ils cacheront et nourriront des républicains espagnols, des réfugiés juifs, des résistants au STO (Service du Travail Obligatoire), des Italiens, des Arméniens déserteurs de l’armée allemande et même un Serbe qui se faisait appeler « Tito ». Chez eux, les résistants de toutes tendances se réunissent, se rassemblent ou se réfugient, « sans regarder les étiquettes », précisera Maurice.

La carte de résistant volontaire de Marie Fabre, née en 1898.

Au printemps 1943, une partie du maquis FTP (Francs Tireurs et Partisans) de Wodli, récemment constitué, y trouva refuge. C’est de là qu’Augustin Ollier (né à Monastier, futur commandant Ravel) et cinq autres partisans partent évader, dans la nuit du 24 au 25 avril 1943, 26 prisonniers enfermés au Puy. Certains d’entre eux reviennent, mais la chasse à l’homme organisée par le pouvoir conduit à leur dispersion ou à de nouvelles arrestations. Toutefois, deux d’entre eux resteront sous leur protection pendant un certain temps. L’évadé Raymond Duvignac leur doit toute sa gratitude. Pendant que la ferme était pillée, il dormait avec deux autres réfugiés dans la niche des bœufs, recouverte de foin. La police fouille le bâtiment mais ne voit que du bétail courageux, occupé à manger tranquillement ! Quelques mois plus tard, deux casques bleus, Bonhomme et Couthaliac, qui venaient de participer à l’évasion de l’hôpital Émile-Roux d’un résistant blessé (l’Anglais), s’y retrouvent. La police envahit les lieux.

eabb8f3338.jpgLes trois frères de la famille Fabre avec leur sœur, photographiés devant leur ferme en 1996.

Discrètement, ils parviennent à s’enfuir dans les bois. Les propriétaires ont rapidement caché les plans de sabotage sous la nappe de la cuisine et ont enterré trois revolvers dans le fumier de l’écurie. Les policiers boivent un verre et… ne signalent rien ! Une fois de plus, nous échappons au pire. Ce qui pourrait nous paraître anodin aujourd’hui était à l’époque une question de vie ou de mort ! “Sept fois, la police française ou allemande a procédé à des perquisitions, à chaque fois sans résultat, mais à plusieurs reprises nous avons eu très peur”, témoigne Fernande, la fille aînée.

d6399c0199.jpgUne affiche de propagande du gouvernement de Vichy qui en dit long sur le contexte de l’époque.

Le 12 octobre 1943, ils étaient tous alignés contre le mur, les mains en l’air. « Je revois… ce trou noir dans le canon de la mitrailleuse… J’ai 15 ans et je ne veux pas mourir… », confiait, bien des années plus tard, Théo, le plus jeune. Une fois de plus, leur sang-froid et leur courage les sauvent. Il est nécessaire et urgent de s’organiser pour échapper aux visites surprises. Depuis l’arrière de la maison, vous pouvez rejoindre le bois. Un passage dissimulé permet de passer du galetas à la grange, et une trappe pour accéder à l’écurie. Un abri est creusé sous la cave pour cacher d’éventuels réfugiés. Depuis la maison qui domine, vous pourrez surveiller en permanence la route en contrebas. Ces précautions ne sont pas superflues dans ce lieu, relais de certains résistants de Haute-Loire et de Lozère. a7013d6f28.jpgLes trois frères de la famille Fabre avec leur sœur, photographiés devant leur ferme en 1996.

La Libération approche, l’armée allemande a perdu la splendeur de ses débuts : 135 Arméniens stationnés à Langogne désertent, et rejoignent le maquis, passent par Lhermet et s’y approvisionnent. Le 14 juillet 1944, quatorze d’entre eux, dont deux fils Fabre, prennent les armes sous l’autorité de leur père, pour attaquer un convoi de transport allemand à quelques encablures de la gare de Chapeauroux. Le tournage ne dure que quelques instants. Les soldats d’origine autrichienne et polonaise se rendirent immédiatement. Deux SS présents sont arrêtés. Le train arrive en gare, drapeau tricolore en tête. Il faudra cependant attendre les 19 et 20 août pour la libération du Puy-en-Velay et de Mende. Durant ce mois, de nombreux résistants perdront encore la vie et plusieurs fermes suspectes seront incendiées par les forces d’occupation.

Une reconnaissance très tardive

Pendant quatre ans, cette famille paysanne ordinaire a choisi la justice et la liberté, n’hésitant pas à rompre avec la légalité et à prendre des risques incroyables. Après la guerre, ils se sont engagés au Parti communiste pendant au moins deux décennies et sont restés, toute leur vie, fidèles aux idéaux humanistes de leur jeunesse. « En toutes circonstances, il faut savoir rester des hommes », diront-ils. Il faudra attendre 1977 pour obtenir la croix de Résistant Volontaire, mais à titre posthume pour le père, décédé dix-sept ans plus tôt, « même si on n’a jamais fait ça pour la gloire ».

Raymond Vacheron

Sources. Cahiers de la famille Fabre ; Témoignages d’anciens résistants ; Les Échos de la Burle n°36, décembre 1985 ; La Montagne du 17 avril 1993 ; L’Éveil de la Haute-Loire du 10 mai 1996 (photos et textes de Jean Grimaud) ; « Résistance dans le Haut Allier, 1940-1944 L’exemple de la famille Fabre », par Jean-Louis Michel, Éditions du Roure – 2008.

 
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