Ce Français ne peut pas devenir Suisse à cause de « son gâchis »

Ce Français ne peut pas devenir Suisse à cause de « son gâchis »
Descriptive text here

Epauvillers, dans le canton du Jura.image : docteur

Fin mars, la commune jurassienne du Clos-du-Doubs a refusé la naturalisation à un Français, qui a annoncé vouloir faire appel. Watson rejoint les autorités municipales.

Pionnier des droits civiques accordés aux étrangers, le canton du Jura vient de refuser la naturalisation à l’un d’entre eux, un « Parisien ». Une décision sans précédent dans l’histoire de la jeune République. Fédéralisme oblige, c’est au niveau municipal que cela s’est d’abord produit. Le 27 mars, par treize voix contre onze et six abstentions, l’assemblée des citoyens du Clos-du-Doubs a dit « non » à la demande de cet homme de 50 ans.

Habitant depuis dix ans d’Epauvilles, une centaine d’habitants, une des localités formant la commune du Clos-du-Doubs, il ne s’attendait pas à cette décision. Tous les avis étaient verts, celui du canton ainsi que celui de la commune.

« Ce soir-là, trois demandes de naturalisation, émanant de deux Françaises et d’un Français, ont été déposées à l’assemblée municipale », précise son président, Nicolas Paupe, rejoint par Watson.

Humour et douche froide

“Voyant que les deux premières étaient acceptées à l’unanimité, je me suis permis un peu d’humour, en disant aux membres de l’assemblée qu’ils pouvaient garder les bras levés, alors qu’ils allaient voter sur la troisième demande.”

Nicolas Paupe

Surprise, c’était un « non ». “En cas d’égalité des “pour” et des “contre”, j’aurais dû me prononcer et je crois que j’aurais dit “oui”, conformément aux avis exprimés par les autorités.”

Ce refus suscite une vive émotion dans le canton du Jura. Des centaines de commentaires, pour beaucoup défavorables au candidat rejeté par le vote du village, accompagnent les articles consacrés à cette affaire par Le quotidien jurassien (QJ).

« Il y a du désordre dans sa maison »

Que reproche-t-on à ce Français ? Le procès-verbal du délibéré, non encore mis en ligne sur le site Internet de la commune du Clos-du-Doubs, révélera ce qui s’est dit le 27 mars. Voici un aperçu des récriminations, telles que nous l’ont raconté des témoins :

« On ne le voit pas… Il n’est jamais là… On ne sait pas ce qu’il fait… Il tond sa pelouse le dimanche… Il a du désordre autour de sa maison… Les travaux de sa maison ne sont toujours pas terminés… Il a fait fonctionner un générateur plutôt que de se raccorder à BKW (ndlr : le réseau électrique)…»

Appel

On ne sait pas si ces arguments convaincront le tribunal administratif, auprès duquel le Français a annoncé vouloir faire appel. Interrogé par le QJl’homme admet avoir «passait la tondeuse à gazon le dimanche, seulement une fois tous les dix ans». « Ingénieur médical dans une entreprise active dans l’est de la France, il trouve dans le Jura un lieu de résidence idéal dans un cadre rural en pleine nature, d’abord à Delémont, puis en Haute-Ajoie et enfin, pendant dix ans, à Epauvillers où il est le propriétaire », écrit le QJ.

«Je trouve injuste de dire que je ne suis pas intégré, alors que je connais tous les quartiers, les règlements, et la vie quotidienne du canton»

Le Français a rejeté, QJ

L’affaire pourrait aller jusqu’au Tribunal fédéral si le tribunal administratif venait à confirmer la décision des citoyens du Clos-du-Doubs. En Suisse, la procédure de naturalisation comprend traditionnellement trois niveaux : la commune, le canton et la Confédération. Si l’autorisation du Secrétariat d’Etat aux Migrations est nécessaire pour toute naturalisation, si le niveau cantonal ne peut être ignoré, les communes ont en théorie le dernier mot.

Ainsi, il y a longtemps eu, dans la Ville de Genève, une commission de naturalisation composée d’élus du corps législatif communal. Il n’existe plus aujourd’hui. Ces « faiseurs de Suisse » avaient avant tout une fonction symbolique. Désormais, c’est au niveau cantonal que se décident les naturalisations. Les candidats à la naturalisation doivent répondre à un certain nombre de critères : être titulaire d’un permis C, ne pas avoir de condamnation pénale, etc.

Le scandale Emmen

«Tout est réglé par la nouvelle loi sur la nationalité, entrée en vigueur en 2018», indique Pascal Mahon, professeur de droit constitutionnel à l’Université de Neuchâtel.

« La nouvelle loi oblige les communes à motiver leur refus de naturalisation. Ce n’était pas le cas au début des années 2000, lorsque la commune d’Emmen soumettait au vote la naturalisation d’une cinquantaine de candidats.»

Pascal Mahon, professeur de droit constitutionnel

Le 12 mars 2000, dans le secret de l’isoloir, les citoyens de cette localité lucernoise «ont accordé la nationalité suisse à huit candidats italiens à la naturalisation, mais l’ont refusée à quarante-huit personnes originaires des Balkans», comme le rapporte La météo à ce moment-là. Un cas de discrimination flagrant auquel le Tribunal fédéral mettrait ensuite un terme.

Dans de nombreuses petites villes, nous continuons à voter sur les naturalisations. En 2017, l’assemblée municipale d’une localité argovienne a refusé d’accorder la nationalité suisse à une végétalienne néerlandaise qui s’était rendue impopulaire par son militantisme en faveur des animaux et contre les vaches et les cloches des églises.

“Parfois, l’émotion l’emporte”

Au Clos-du-Doubs, le maire Jean-Paul Lachat « regrette » le refus de naturalisation le 27 mars.

« Nous sommes une commune de 1 300 habitants, avec sa perle Saint-Ursanne. Nous devons nous battre pour garder nos résidents. Bien entendu, cela n’autorise pas un mauvais comportement, mais ce monsieur dont la naturalisation a été refusée a bénéficié d’avis favorables. Dans les assemblées communales, tout le monde se connaît, l’émotion prend parfois le dessus.»

Lors du vote, le candidat malheureux n’était pas présent. Il a confié à QJ:

« J’ai demandé si je devais participer, on m’a répondu qu’avec un dossier aussi parfait que le mien, je n’avais pas à m’inquiéter »

Le Français rejeté par le vote du village

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

PREV une dernière ligne droite avant les JO de Paris, celle de la course aux « slots »
NEXT Européennes : Bardella lance le compte à rebours vers une victoire annoncée à Perpignan : Actualités