La nouvelle politique de défense du Canada s’engage à explorer, au lieu de s’engager

La nouvelle politique de défense du Canada s’engage à explorer, au lieu de s’engager
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Philippe Lagassé est professeur agrégé d’affaires internationales à l’Université Carleton. David Perry est président de l’Institut canadien des affaires mondiales.

Le Canada promet d’injecter des milliards dans l’armée. La nouvelle politique de défense du gouvernement libéral, Notre Nord, fort et libre : Une vision renouvelée de la défense du Canada, prévoit que les dépenses de défense du Canada atteindront 1,76 pour cent du PIB en 2029-2030. Au cours des cinq prochaines années, la politique prévoit environ 10 milliards de dollars de nouvelles dépenses, sur une base de caisse ; sur 20 ans, environ 100 milliards de dollars supplémentaires seront promis pour l’armée.

Selon les normes canadiennes, les nouvelles dépenses sont importantes, même si nos dépenses globales en matière de défense resteront inférieures à nos engagements alliés. Malgré ces nouveaux investissements, le Canada ne respectera pas l’engagement de dépenses de défense de 2 pour cent du PIB qu’Ottawa a pris en tant que membre de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord.

Une partie de la raison pour laquelle le Canada n’atteindra pas l’objectif de 2 pour cent est qu’il « explore encore des options » dans un certain nombre de domaines. Parmi les capacités que la nouvelle politique « explore » simplement : le remplacement des sous-marins vieillissants du Canada, de nouveaux véhicules blindés légers et de nouveaux chars, le développement de capacités de lutte contre les drones, la modernisation de l’artillerie militaire et l’acquisition de missiles aériens et maritimes à longue portée.

Compte tenu du temps qu’il a fallu pour publier cette mise à jour de la politique de défense, on pourrait supposer que le gouvernement avait suffisamment de temps pour explorer la situation et qu’il devrait être prêt à agir. La détérioration de l’environnement sécuritaire mondial suggère également sûrement que nous avons besoin de moins d’exploration et de plus de décisions. Hélas, Ottawa a encore besoin de temps pour réfléchir.

Alors, si nous envisageons encore toutes ces nouvelles capacités, où va réellement l’argent frais ? L’armée se dotera d’un nouvel hélicoptère de transport tactique pour remplacer sa flotte de Griffon, dépendante mais vieillissante, pour un montant de 18 milliards de dollars. Les infrastructures de défense recevront également de nouveaux fonds, le gouvernement s’engageant à moderniser et à réparer les installations « d’un océan à l’autre », ce qui coûtera plus de 10 milliards de dollars. L’armée mettra en place un Cyber ​​​​Command pour entreprendre des cyberopérations défensives et actives ; les cyber-investissements s’élèveront à près de 3 milliards de dollars. Afin de maintenir les frégates de la marine à flot et approvisionnées, la politique prévoit également 9,9 milliards de dollars pour le maintien en puissance des navires de guerre existants du Canada. Plus d’un milliard de dollars seront également consacrés à l’achat de nouveaux capteurs pour les navires de patrouille extracôtiers de l’Arctique canadien.

Le Canada investit davantage dans l’accès aux capacités satellitaires mondiales, qui sont de plus en plus essentielles aux opérations modernes, pour un coût de 5,5 milliards de dollars. De plus, le Canada fera l’acquisition d’avions aéroportés d’alerte précoce, connus sous le nom d’AWACS, pour contribuer à la défense de l’Amérique du Nord. Il s’agit d’une nouvelle capacité pour l’armée canadienne, qui apportera une contribution notable à la défense du continent, mais seulement 300 millions de dollars ont été réservés à cet effet, ce qui suggère que l’initiative est essentiellement exploratoire. Alors que la guerre en Ukraine épuise les stocks de munitions des pays de l’OTAN, la nouvelle politique de défense promet d’accroître la production de munitions d’artillerie du Canada et de constituer une plus grande réserve de munitions stratégiques, pour un coût de plus de 9 milliards de dollars.

La nouvelle politique promet également de relever les défis persistants liés au recrutement et au maintien dans l’armée, avec des investissements prévus dans le logement et la garde d’enfants pour les membres des forces armées. En outre, le gouvernement introduit une période probatoire pour les nouvelles recrues afin d’accélérer l’enrôlement et introduit diverses mesures pour maintenir les gens en uniforme, notamment en donnant aux membres plus de contrôle sur leur carrière. Et reconnaissant que l’approvisionnement en matière de défense est beaucoup trop lent, la politique s’engage à réformer la manière dont le Canada acquiert des capacités militaires. Près de 1,8 milliard de dollars seront également consacrés à la main-d’œuvre civile de la défense, dans le but d’accroître la capacité du ministère de la Défense à soutenir les forces armées.

Ces dépenses supplémentaires destinées à renforcer la bureaucratie de la défense indiquent en fait un défi majeur auquel cette nouvelle politique sera confrontée : sa mise en œuvre. Promettre de nouveaux fonds et de nouvelles capacités est la partie la plus facile ; il est difficile de dépenser pour les obtenir. La réalité est que le ministère de la Défense et les forces armées sont au maximum de leur capacité à faire avancer des projets et des initiatives majeurs. Même si cette nouvelle politique est certainement ambitieuse, on ne sait pas exactement comment ce défi sera surmonté, en particulier alors que l’armée manque encore de 16 000 hommes.

Un autre obstacle important est la situation fiscale du Canada. La nouvelle politique de défense promet des milliards à court et à long terme, alors même que le déficit et la dette fédérales augmentent. Protéger ces nouveaux fonds promis de réductions futures, tout en défendant les capacités actuellement exploratoires qui nécessiteraient de réels engagements pour atteindre l’objectif de 2 pour cent de l’OTAN, sera difficile à convaincre.

Il est important d’explorer les possibilités. Mais une politique de défense complète repose sur des engagements réels et non sur des aspirations.

 
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