Améliorer la vue grâce aux injections de gènes

Améliorer la vue grâce aux injections de gènes
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Revoir après des années de quasi-cécité semble être un miracle digne de ceux qui pourraient se produire à Lourdes. Or, celle dont il est question ici se déroule à Lausanne, à l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin (HOJG). Un jeune homme de 25 ans (lire encadré) ont bénéficié d’une thérapie génique (lire encadré) ce qui devrait permettre une amélioration notable de sa vision.

Comment ça fonctionne?

Introduire un gène sain dans une cellule n’est pas une mince affaire. Tout d’abord, le produit injectable doit être préparé peu avant l’intervention car il contient des éléments « vivants ». Ensuite, le gène doit arriver à destination. Il ne suffit donc pas de l’injecter dans l’œil et d’espérer qu’il fasse son travail. « Nous utilisons des virus porteurs du gène sain. Ces virus vont contaminer les cellules et amener le gène dans leur noyau. Cette dernière est responsable de la production saine de la protéine rétablissant la fonction cellulaire normale», explique le Dr Hoai Viet Tran, spécialiste en oculogénie et médecin responsable à l’hôpital ophtalmique Jules-Gonin de Lausanne.

Malheureusement, tous les gènes ne peuvent pas être introduits de cette manière dans les virus, car certains sont plus gros que d’autres. Une autre approche consiste à travailler directement sur l’ADN des cellules à l’aide de deux fragments d’ADN distincts. « L’un agit comme un outil et coupe l’ADN naturel de la cellule. Ensuite, il insère l’autre extrémité contenant le gène thérapeutique dans l’ADN d’origine. Cette approche a l’avantage d’être durable car la modification se fait directement dans le génome. Dans le cas des virus, l’effet peut s’estomper avec le temps», explique le professeur Gabriele Thumann, du service d’ophtalmologie des HUG.

Atteinte d’amaurose congénitale de Leber, une maladie entraînant une déficience visuelle dès la naissance, la patiente a reçu une injection de Luxturna, le premier traitement de thérapie génique remboursé par l’assurance maladie de base. Ce produit contient un gène sain capable de remplacer celui défectueux à l’origine de sa maladie. « Dans le cas de l’amaurose congénitale de Leber, un seul gène fonctionne mal, ce qui entraîne une déficience visuelle importante. La maladie est grave, évolutive et la vision résiduelle se détériore avec le temps. La fenêtre thérapeutique est ainsi limitée, plus le patient est traité jeune, mieux c’est. En introduisant un produit contenant la version saine du gène défectueux, il est possible de restaurer les cellules à un fonctionnement presque normal. Le gène sain agit comme un médicament », explique le Dr Hoai Viet Tran, spécialiste en oculogénie et médecin responsable à l’HOJG. Un traitement récent que seuls deux centres en Suisse, accrédités par Swissmedic, peuvent administrer, l’un à Bâle, l’autre à Lausanne.

« L’œil est un petit organe isolé du corps. Elle se prête particulièrement bien à la thérapie génique. Le produit injecté ne se diffuse pas ailleurs dans le corps. Cela évite les réactions du système immunitaire», poursuit le spécialiste. La thérapie génique oculaire semble donc être une panacée pour plusieurs pathologies héréditaires altérant la vision. D’autres maladies, comme la rétinite pigmentaire 28, font également l’objet de recherches. Des chercheurs de l’HOJG et de l’Université de Genève collaborent actuellement pour trouver le bon dosage du gène sain capable d’agir pour améliorer la vision des patients atteints de cette forme de lésion rétinienne.

Maladies multifactorielles

«Malheureusement, ce type de thérapie génique dite curative ne fonctionne que pour les maladies causées par un seul gène défectueux. Et ils sont extrêmement rares. La plupart des pathologies ont des causes multifactorielles. Il y a une composante génétique, mais aussi des aspects liés à l’environnement, au mode de vie du patient, entre autres», explique le Professeur Gabriele Thumann, médecin-chef du Service d’ophtalmologie des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). Cependant, les gènes peuvent également être utilisés comme médicaments contre d’autres maladies. « Il existe un autre type de thérapie génique appelée additive. Dans ce cas, il ne s’agit pas d’injecter un gène sain pour remplacer celui défectueux, mais d’ajouter un gène pour forcer les cellules à produire les molécules dont elles ont besoin pour guérir. L’équipe de recherche du Professeur Thumann s’intéresse à la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA). Cette maladie touche 50 % des personnes âgées entre 80 et 90 ans et altère grandement leur vision. Actuellement, les injections dans l’œil d’un médicament (anti-VGEF) permettent de ralentir la maladie, mais elles doivent être effectuées régulièrement. « Nous sommes en train de développer une thérapie génique qui permettrait aux cellules de l’œil de produire elles-mêmes la protéine nécessaire pour stopper la progression de la maladie. La thérapie génique additive transforme ainsi les cellules de l’organisme pour qu’elles deviennent des agents d’administration de médicaments», explique le professeur Thumann.

Les avantages sont nombreux : plus d’effets secondaires des médicaments traditionnels, plus besoin de suivre un traitement à vie, le phénomène de résorption partielle de la substance active par l’estomac est contourné et surtout plusieurs maladies pourraient bénéficier de ce type de traitement. approche. «Nous espérons débuter les essais cliniques sur la DMLA d’ici douze à dix-huit mois», se réjouit le spécialiste.

“J’étais sûr qu’un jour il y aurait un traitement pour ma pathologie”

Thimeth Than Thanabalasingam est le premier patient de Suisse romande à avoir bénéficié d’une injection de Luxturna pour contrer sa maladie génétique. C’était le 27 février à l’hôpital ophtalmologique Jules-Gonin de Lausanne. Ce jeune avocat, établi à Granges-Marnand (VD), souffre de l’amaurose congénitale de Leber qui affecte le fonctionnement de sa rétine. « Je suis né comme ça et j’ai grandi avec ce handicap. Avec une bonne luminosité et un bon contraste, je peux distinguer les objets. Dans le noir, c’est plus compliqué», explique-t-il.

Bien que cette maladie entraîne une vision très réduite dès la naissance, elle a tendance à dégénérer et la vision résiduelle diminue encore plus. « J’ai de la chance, car dans mon cas, ma vision est restée stable. Mais je suis conscient que la thérapie génique dont je viens de bénéficier arrive à point nommé », précise le jeune homme de 25 ans.

Thimeth Than Thanabalasingam a subi une intervention chirurgicale ambulatoire d’un œil, l’autre suivra dans quelques semaines. «Je suis arrivé à l’hôpital très confiant. Je suis un éternel optimiste et j’ai toujours été convaincu qu’il y aurait un jour un traitement pour ma pathologie. J’ai une famille formidable, des amis, un travail, je vis normalement et tout ce qui se passera dans les semaines à venir sera un plus. Les résultats de Luxturna devraient être évidents quatre à six semaines après l’injection. « Je suis heureux de pouvoir partager mon expérience pour inspirer d’autres personnes dans ma situation », conclut le futur magistrat.

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Publié dans Le Matin Dimanche le 31/03/2024

 
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