Les locaux remontent au 30 septembre 2020 lorsque, dans un dossier séparé, des box de garage ont été perquisitionnés à Evere. Nous y avons trouvé une camionnette, des produits chimiques liés à la préparation de cocaïne, de l’huile et de la résine de cannabis, des fûts et de faux uniformes de police.
Grâce aux téléphones utilisés pour la location, les enquêteurs ont retrouvé la trace de quatre personnes, dont une incarcérée à Barcelone dans le cadre d’une affaire impliquant 441 kg de cocaïne. Ils se rendent compte que cette personne continue de diriger son trafic depuis sa cellule.
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Des conséquences mondiales
Un autre, qui voyage beaucoup à Dubaï, en Grèce ou au Mexique, est identifié. Il possède des sociétés à Chypre et à Dubaï et a investi dans le commerce du charbon. Il possède une plantation légale de cannabis en Grèce, subventionnée par le gouvernement. Il l’a renvoyée.
Lors des observations policières, les enquêteurs ont détecté des allées et venues fréquentes vers les ports de Gand et d’Anvers. Ces gens se retrouvent sur les parkings des supermarchés. Ils échangent des sacs. Un entrepôt à Zutendaal (Limbourg), où sont livrés de gros fûts, intrigue.
L’enquête s’enrichit grâce au crackage des cryptophones Sky ECC. Dans le téléphone d’Inndrit K., l’un des principaux prévenus, on voit des photos de barres de cocaïne, d’armes, d’ecstasy, des liasses de billets ainsi que des indications de paiements à effectuer vers l’Amérique latine et des preuves de transferts du Brésil et de la Bolivie vers France, Belgique et Angleterre.
L’enquête s’étend à l’Europe, et principalement à l’Espagne. L’organisation criminelle a des ramifications mondiales. Elle est active dans le trafic d’armes, de voitures et de drogue ainsi que dans la prostitution. On parle de transferts de joueurs de football pour des sommes substantielles. Les gérants investissent leurs revenus dans l’immobilier en Allemagne, en Albanie, en Italie et en Espagne, principalement à Majorque.
Les accusés se sont rencontrés aux Antilles pour discuter de la construction d’un gratte-ciel à Tirana.
Ce serait aussi cette île des Baléares qui serait l’épicentre de l’organisation et la terre d’élection de son leader Bashkim O. Ce Kosovar qui, comme Artur S., serait installé à Miami, était ciblé en Espagne par des enquêtes depuis 2018.
Artur S. ainsi que l’un des accusés actuellement jugés à Bruxelles, Arben I. auraient assisté à des réunions à Majorque ainsi qu’en Italie au cours desquelles des investissements immobiliers financés par l’argent de la drogue ont été discutés.
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Aruba et la montre à 400 000 euros
Les enquêteurs pensent qu’il y a eu également une réunion à Aruba (Antilles néerlandaises) au cours de laquelle il a été question de l’investissement dans un gratte-ciel à Tirana (Albanie). Les participants s’y sont rendus en jet privé.
Des responsables albanais auraient assisté à cette réunion pour faciliter l’obtention de permis de construire. Cela a été démenti lundi par Arben I, qui reconnaît néanmoins avoir – tout comme son cousin Artur S. – des relations de très haut rang à Tirana. Dans ce contexte, il est également question d’une livraison d’une montre d’une valeur de 400.000 euros.
Le secteur transportait la cocaïne de l’Amérique du Sud vers la Belgique via différents canaux : par des bateaux de pêche qui laissent la cocaïne en mer où elle est récupérée par des yachts, par des vols commerciaux, par des jets privés ou encore dans des conteneurs. Pas toujours avec succès : le 3 juin 2021, les douanes ont saisi à Anvers 6.689 kg de cocaïne dans un conteneur de bananes en provenance d’Equateur.
Expédition à Berlaar
Le 18 septembre 2021, l’organisation n’a pas réussi à récupérer un chargement de cocaïne arrivant par conteneur. Peu importe, ils se sont rendus chez le camionneur, qu’ils ont forcé, sous la menace d’une arme, à retourner dans son entreprise à Berlaar. Ils ont ensuite récupéré la cocaïne du conteneur.
Des laboratoires ont également été découverts à Zutendaal, ailleurs en Belgique et aux Pays-Bas. Lorsqu’il était pur, la cocaïne y était ajoutée. Dans d’autres cas, il était extrait de produits où il avait été caché (charbon ou pulpe de fruit) avant que la pâte ainsi extraite ne soit moulée et transformée en pains qui seraient estampillés de sigles comme Volvo, Rolex, Puma ou… drapeau israélien.
La cocaïne était alors exportée dans des voitures équipées de cachettes.
Le procès devrait durer un mois.