pourquoi la France en est encore très loin

pourquoi la France en est encore très loin
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L’exercice se voulait solennel, ce qui est peu dire qu’il l’était. Pour faire le point sur la montée en puissance de la production française d’armement, le ministre des Armées Sébastien Lecornu s’est entouré, mardi 26 mars, d’un impressionnant groupe d’officiers supérieurs lors d’une conférence de presse. Sur la scène du grand amphithéâtre de Balard, le chef d’état-major des armées, les trois chefs d’état-major (terre, air, marine), le délégué général à l’armement et son adjoint, mais aussi le secrétaire général à l’administration. Une trentaine de stars en tout, comme le note malicieusement un journaliste, entouré des rapporteurs de la loi de programmation militaire au Parlement, de l’ancien président de la commission sénatoriale de la défense Christian Cambon et du député Jean-Michel Jacques. Les femmes ? Absente de la scène : la directrice de la stratégie et des relations internationales, Alice Rufo, était au premier rang.

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Mais alors que retenir de cet exercice plutôt solitaire, où seule une poignée d’officiers de haut rang ont eu droit à quelques secondes de temps de parole ? Face aux doutes sur le mantra présidentiel de économie de guerre », il fallait montrer que l’augmentation de la production française d’armement, rendue nécessaire par la situation internationale, était sur la bonne voie.

Les réquisitions ne sont plus exclues

Dès l’introduction, le ministre sort une fiche PowerPoint détaillant les contrats récents : 1 500 missiles antichar MMP (Akeron MP, 400 millions d’euros), 300 missiles sol-air à courte portée Mistral 3 (150 millions), 200 missiles sol-air. des missiles aériens longue portée Aster (900 millions d’euros), 500 missiles air-air Mica NG (700 millions) et 55 000 obus de 155 mm (600 millions). D’autres commandes sont également en vue, souligne Sébastien Lecornu : des missiles air-air longue portée Meteor, 200 Aster supplémentaires, et un nouveau lot de Mica NG.

Quelques instants plus tard, deuxième panel, cette fois sur les montants totaux des commandes passées auprès des grands constructeurs, pour les équipements restant à livrer : 6 milliards d’euros pour Thales, 5 milliards pour Airbus Defence & Space, 5 milliards pour Airbus Helicopters, 5 milliards pour Dassault Aviation, 4 milliards pour Naval Group, 3 milliards pour MBDA, 2 milliards pour Safran, 1,5 milliard pour Nexter, 1,5 milliard pour les petits chantiers navals (Socarenam, Piriou…), et 1 milliard pour Arquus.

Le message adressé à l’industrie est clair : l’État a fait sa part en commandant massivement (20 milliards d’euros en 2023). Il appartient désormais à l’industrie d’accélérer. “Je n’exclus pas, si le compte n’y était pas en termes de cadences de production, de procéder à des réquisitions, d’utiliser le droit de priorité, c’est-à-dire de faire passer l’ordre militaire avant l’ordre civil, et d’imposer des stocks minimaux”, a également précisé le Ministre des Forces armées. Un premier. Le cas de certains fournisseurs du missile Aster a notamment été cité, mais Sébastien Lecornu a pris soin de répéter que ce dispositif était une arme de dernier recours.

100 000 obus produits en 2024

Après les coups, le ministre a également attribué des bons points à l’industrie de défense, saluant notamment l’augmentation des cadences du canon César (Nexter), des missiles Mistral (MBDA), du Rafale (Dassault) et des radars GM200 et GM400 (Thales). ). Sébastien Lecornu a également souligné l’augmentation de la production de bombes guidées AASM (Safran), longtemps affamée, qui sera de 600 bombes cette année, et 1 200 en 2025. La majorité sera livrée à l’Ukraine, avec intégration au plomb sur les F-16 américains. combattants livrés à Kiev. Plus vague sur le Scalp, Sébastien Lecornu n’a évoqué que 40 livraisons à venir.

Le ministre a également insisté sur l’accélération de la production d’obus de 155 mm, l’un des besoins les plus urgents de l’armée ukrainienne. « Nous n’avons livré, diraient certains, que 30 000 obus depuis le début de la guerre. Compte tenu des nouvelles capacités de poudre que nous sommes en train de reconquérir, nous pourrons, en 2024, atteindre l’objectif de 100 000 obus, dont 80 000 pour l’Ukraine et 20 000 pour les besoins de nos propres forces. » Grâce à la nouvelle usine de poudre Eurenco en construction à Bergerac, qui va ressusciter une filière française disparue en 2007, Sébastien Lecornu souhaite alors passer à 150 000 obus par an à partir de 2025.

Autre bonne nouvelle : la table ronde financière pour livrer les 78 César promis à l’Ukraine cette année s’est achevée, a indiqué le ministre des Armées. Seuls 18 ont été garantis jusqu’à présent : 12 payés par la France et 6 par l’Ukraine. Le Danemark va acheter une partie des 60 autres canons destinés à Kiev, le chiffre précis n’ayant pas été communiqué. La France financera le reste.

La France, troisième budget de défense en Europe

Ces résultats montrent-ils que la France est entrée dans une « économie de guerre » ? L’effort financier est indéniable, tout comme l’augmentation des cadences de production, mais le terme « économie de guerre » apparaît encore imprécis, voire trompeur. La Fondation Jean Jaurès en donne une définition précise en 2022 : « Cette formule fait référence à la mobilisation de ressources économiques pour soutenir l’effort de guerre à grande échelle. Dans ce contexte, l’État met sous tutelle une grande partie des entreprises et des moyens pour les intégrer dans une planification autoritaire afin de garantir aux armées la disponibilité des moyens dont elles ont besoin. »

Une économie de guerre, c’est donc avant tout des chiffres. Les dépenses militaires des États-Unis ont représenté jusqu’à 37 % du PIB américain et 90 % des dépenses fédérales pendant la Seconde Guerre mondiale, souligne l’étude de la fondation Jean Jaurès. La production d’avions de combat a été multipliée par vingt-huit entre 1939 et 1944, par dix-sept pour les navires de guerre et par vingt pour les munitions. La France, avec deux Rafale par mois, 50 missiles Mistral par mois et une frégate tous les 18 mois, en est loin, très loin.

L’Ukraine, qui consacre 35 % de son PIB au conflit, est dans une économie de guerre. La Russie, qui investit 6 % de son PIB et 30 % de ses dépenses fédérales dans ses forces armées, remplit également ces critères. Pas la France, qui reste à 2% du PIB malgré un doublement du budget de la défense au cours des deux quinquens de Macron. La France ne dispose par ailleurs que du troisième budget militaire d’Europe, derrière le Royaume-Uni, mais aussi l’Allemagne, cette dernière n’ayant pas à débourser les 5 milliards d’euros annuels dédiés à la dissuasion.

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L’importance des commandes de missiles et de munitions passées auprès de l’industrie doit également être nuancée. Les 200 Aster commandés seront rapidement consommés si le rythme actuel de leur utilisation en mer Rouge se maintient (22 missiles tirés depuis décembre). Et pour lancer des missiles, encore faut-il disposer des systèmes nécessaires : ce n’est pas le cas dans le segment de la défense sol-air à moyenne portée. La France ne dispose que de huit systèmes SAMP/T Mamba, dont un déployé en Roumanie, un en Ukraine et le reste sur des bases françaises liées à la dissuasion. La loi de programmation militaire n’a pas marqué d’augmentation de cet équipement clé : l’objectif 2030 est toujours de huit Mamba, un chiffre jugé insuffisant par l’Armée de l’Air et de l’Espace, mais maintenu dans la copie définitive. Idem sur le court rayon, où les dix Crotale NG seront remplacés par huit VL Mica.

Des cadences à relativiser

Les augmentations des cadences de production dans l’industrie française doivent enfin être relativisées. Le missile Mistral de MBDA sera produit à environ 500 exemplaires en 2025 ? Le LMM britannique, produit par Thales à Belfast (Irlande du Nord), produit plusieurs milliers de missiles par an. La France commande 1 500 missiles antichar MMP ? Le Royaume-Uni a commandé fin 2022 plusieurs milliers de NLAW suédois (certains parlent de 7 000), des missiles certes à plus courte portée et moins technologiques, mais qui ont fait leurs preuves en Ukraine. Nexter renforce ses capacités de production ? Son concurrent allemand, le géant Rheinmetall, va encore plus vite : il prévoit de produire 1,1 million d’obus (tous calibres) d’ici 2027, et vient de poser la première pierre d’une nouvelle usine d’obus. d’une capacité de 200 000 obus, à Unterlüss (Basse-Saxe). Un investissement estimé à 300 millions d’euros.

Sur la production d’armements, la France fait des progrès, c’est indéniable. Mais pas sûr qu’elle le fasse plus vite sur ses voisins.

 
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