l’essentiel
Suite à la réapparition d’Alex Batty, un jeune Anglais kidnappé par sa mère et son grand-père, le bimensuel du groupe parisien So Press publie dans son 223e numéro un reportage consacré à la Haute Vallée de l’Aude. Un portrait (très) caricatural, qui a beaucoup déplu aux habitants et élus des villages évoqués.
“Un voyage hallucinatoire dans cette région étrange du Sud-Ouest de la France où l’adolescent anglais Alex Batty a été retrouvé en décembre dernier, et où se retrouvent chasseurs de trésors, chamans et autres amoureux des dragons.” Voici comment le magazine Society vend son article consacré à la Haute Vallée de l’Aude sur son site internet.
Créé en 2015 par le groupe So Press, ce « quinzomadaire » dirigé par Franck Annese, Marc Beaugé et Stéphane Régy, est habitué aux enquêtes approfondies comme celle sur Xavier Dupont de Ligonnès, ainsi qu’à des sujets plus légers comme la création de la pizza hawaïenne. . Saisissant, comme beaucoup d’autres titres de presse, la réapparition du jeune Alex Batty, disparu depuis 7 ans, le magazine envoie un journaliste explorer Bugarach, Villefort ou encore Rennes-le-Château.
Le résultat est un article qui passe en revue les réalités et les difficultés de la Haute Vallée, mais qui choisit avant tout l’angle de l’ésotérisme et de l’effet. “fin du monde”, qui colle encore à la peau des 82 communes du canton. En effet, si le journaliste évoque (à demi-mot) le problème du train entre Limoux et Quillan, la fermeture de Formica ou encore la lutte pour le maintien de l’usine de MontCapel, il s’attache avant tout à qualifier le territoire de « une région mystique et enclavée où cohabitent yourtes, chamanes, anciens hippies, chercheurs de trésors et théoriciens du complot autoproclamés ».
Une réalité minoritaire devenue caricaturale
Une démonstration que Jean-Jacques Marty ne digère pas. “Cela m’attriste de lire des articles comme celui-ci, confie le président de l’Association des Maires ruraux de l’Aude (AMRF). Nous sommes amenés à passer pour des fous, des étrangers. C’est un article qui fait peur, c’est un article contre la Haute Vallée.»
Comme lui, Adalaïs Choy, conseillère municipale à Rennes-les Bains, reconnaît que l’article mentionne « certaines réalités, mais qui restent très minoritaires sur le territoire ». Implantée sur le territoire depuis longtemps, elle juge l’article “réducteur”. “C’est vrai, il y a des gens éclairéselle admet. Mais ce n’est pas parce que nous aspirons à une vie au grand air, que nous faisons du yoga ou que nous souhaitons développer un tourisme vert que nous en sommes forcément un. D’autant que quand on dit la même chose des Parisiens ou des influenceurs, c’est le modèle à suivre.»
Pour elle, la Haute Vallée est principalement habitée par des gens « qui ne veulent plus vivre à 100 à l’heure », et qui appliquent ce choix sans se soucier de leur nombre de followers sur les réseaux. Un avis partagé par Marie-Laure Ruiz-Maugis. “Ils sont partis d’un fait divers dont nous ne savons rien pour établir des généralités.” L’agent de développement du domaine du père Saunière s’inquiète particulièrement des conséquences que pourrait avoir cet article.
La peur d’un deuxième Bugarach
En effet, plusieurs des témoignages rapportés pourraient avoir de graves conséquences pour le canton. Plusieurs interlocuteurs décrivent la Haute Vallée comme « une terre de rebelles » Ou « personne n’est vacciné »Ou “l’Etat ne pèse rien” et ou “Le soir, certains chercheurs n’hésitent pas à sortir la pelle dans l’espoir d’exhumer le trésor.”
« Ce dernier élément est complètement faux. Il y a eu des perquisitions, mais elles sont depuis totalement interdites et passibles d’une lourde amende.» Sans le dire directement, de nombreux élus craignent un potentiel « effet Bugarach » qui inciterait des personnes marginalisées à venir s’installer dans la Haute Vallée au mépris de toutes les lois.
« Nous avons déjà beaucoup de mal à endiguer le phénomène de cabanisation, se souvient Jean-Jacques Marty. Dans une commune il y a des règles, qui doivent être respectées pour le bien de tous. D’autant plus que ces personnes marginalisées savent très bien se réinsérer dans la société lorsqu’elles ont besoin d’une aide sociale.