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En mélangeant isolationnisme et impérialisme, Trump tente la « stratégie du choc »

Le 6 janvier, le président élu Donald Trump a délibérément cherché à semer la panique parmi les alliés occidentaux de l’Amérique. Son discours de politique étrangère a en effet multiplié les déclarations provocatrices : inclusion du Canada parmi les 51e État, acquisition du Groenland (territoire danois), reprise du contrôle du canal de Panama, injonction pour les États membres de l’Otan d’augmenter leur effort de défense à 5 %, fin du soutien à l’Ukraine, etc.

Quelques jours avant la prestation de serment le 45e et 47e Président américain, la panique doit céder la place à la réflexion sur un dilemme. Les Européens doivent-ils se préparer à un nouvel impérialisme américain en Occident, ou doivent-ils imputer ces déclarations retentissantes à une tendance compulsive à la provocation ? Quant aux rivaux chinois et russe, doivent-ils y voir une justification à leurs révisionnismes respectifs ? L’Union européenne court deux risques symétriques : exagérer le sérieux de ces projets et déclencher un effort de sauvetage, ou en minimiser la portée et paraître faible.

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Trump II, le nouveau Théodore Roosevelt ?

Tout dans ce qu’on appelle désormais la « doctrine Mar-a-Lago » est conçu pour surprendre les acteurs de la géopolitique occidentale. A Washington, les opposants démocrates, «guerriers froids» Les républicains et les géopoliticiens ne peuvent plus continuer à placer l’administration Trump II dans la tradition isolationniste américaine, illustrée par les présidents George Washington et James Monroe au tournant du XIXe siècle.e siècle.

Le presque président a endossé un interventionnisme extérieur qui était l’apanage des néoconservateurs républicains, généralement peu trumpistes, et des démocrates wilsoniens « bottés ». A Bruxelles, il a surpris ceux qui s’attendaient à un retrait américain d’Europe et à une approche transactionnelle des questions internationales : la politique étrangère américaine est ouvertement révisionniste dans le sens où elle considère que les frontières ne sont plus intangibles, y compris celles des alliés.

À Ottawa et à Panama, il a choqué les gens avec son impérialisme affirmé visant à ajouter des États et des dominions à son pays. On savait que Donald Trump rompait avec le wilsonianisme soucieux du droit international, du multilatéralisme et du respect du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. On découvre qu’il reprend les projets de Théodore Roosevelt, président de 1901 à 1909, au palmarès impressionnant en matière d’intervention militaire en Amérique latine (Cuba, Venezuela, République dominicaine) et en Asie (Philippines).

À l’instar du Premier ministre canadien démissionnaire Justin Trudeau, les alliés occidentaux en général et les partenaires européens en particulier doivent prendre au sérieux ce changement de cap annoncé dans leurs relations avec eux. L’administration Trump II ne recherche plus d’« accords » sous forme de compromis avantageux pour les États-Unis. Elle projette le succès aux dépens de ses alliés. Ou du moins, elle l’annonce.

Les yeux et les mains

L’excès de ces déclarations peut avoir un effet paradoxalement rassurant sur les alliés européens. Kaja Kallas, vice-présidente de la Commission et haute représentante pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, a minimisé l’importance de ce discours. Elle a rappelé que de nombreuses menaces trumpiennes n’avaient jamais été suivies d’effet : les Etats-Unis n’ont donc pas quitté l’Otan.

Les alliés américains ont des raisons de croire que cette « doctrine Mar-a-Lago » est une série de provocations verbales, délibérément prononcées avant la prestation de serment, pour établir un rapport de force favorable aux États-Unis avant leur entrée dans le pays. en négociation sous la forme d’une confrontation. Bref, il s’agirait moins d’un programme que d’une liste d’exigences maximalistes destinées à dicter les termes des discussions internes à l’OTAN avant de prendre effectivement le pouvoir.

Ce point de vue plutôt qui donne à réfléchir est également conforté par l’idée consolante selon laquelle les États-Unis ont besoin d’alliés disciplinés dans leur confrontation avec la République populaire de Chine. Bref, il conviendrait de distinguer les apparences que voient les yeux et les réalités que ressentent les mains, comme le préconisait Machiavel.

Gardez votre sang-froid

Donald Trump mélange délibérément deux traditions géopolitiques américaines : l’isolationnisme transactionnel et l’impérialisme révisionniste. Son objectif est de stupéfier ses alliés, de concentrer leur attention et de les désorienter. En d’autres termes, c’est la « stratégie du choc ».

Sa « doctrine Mar-a-Lago » est bien plus qu’un bluff, car elle atteste d’une relation dominante avec des alliés réduits au rôle de clients auxiliaires. Si l’Union européenne continue de minimiser le risque Trump II, au nom du sang-froid face aux provocations et à l’alliance transatlantique, elle risque tout simplement d’apparaître vulnérable à Washington. En revanche, si les Européens cèdent à la panique face à l’imperium américain, ils risquent d’aborder le bras de fer transatlantique en ordre dispersé : nombreux sont les Etats (Pologne, pays baltes, Allemagne, Italie) dont la tradition géopolitique est centrée sur un « relation privilégiée » avec l’allié américain.

Au cours des quatre prochaines années, le sang-froid sera de mise, car l’administration Trump II multipliera les tempêtes médiatiques provocatrices pour perdre des alliés dans l’incertitude, monopoliser la scène internationale et diviser les Européens. Mais une grande dose de vigilance sera également de mise, car les intérêts des Européens ne seront toujours défendus que par les Européens. Entre leempereur et le négociateurDonald Trump n’a pas encore choisi. Mais il veut faire de ses alliés ses analgésiques.

 
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