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«Ma carrière ne tenait qu’à un fil», Ludovic Ajorque s’ouvre avant Barcelone – Brest

Oui ! Parce que c’est vraiment difficile quand on ne joue pas. Ici, je retrouve le terrain, je fais partie du projet, on obtient des résultats avec le groupe. Honnêtement, ça m’a manqué.

Avez-vous besoin de confiance ?

Oui, c’est un peu la marque de fabrique des Réunionnais (rires). Nous avons besoin de nous sentir un peu « aimés », un peu considérés. Cela ne veut pas dire qu’il faut absolument jouer chaque match. C’est juste avoir confiance en ses qualités. A Brest, je sais qu’ils me font confiance et j’essaie de leur rendre. D’autant plus que j’étais dans une situation compliquée et qu’ils sont venus me chercher. Rien que pour ça, je dois donner 3 000 %.

Vous jouez la Ligue des Champions mais, à 22 ans, cela n’a peut-être pas fonctionné pour vous dans le football professionnel…

Cela s’est décidé par un fil, vraiment par un fil. J’ai fait l’essai de la « dernière chance » à Clermont en 2016 et je me suis donné les moyens de pouvoir signer. Corinne Diacre, alors coach, m’a fait passer directement professionnel et m’a donné l’opportunité de jouer en Ligue 2. Pascal Gastien m’a aussi beaucoup aidé. Finalement, c’est arrivé. Si je suis là aujourd’hui, c’est grâce au club de Clermont.

Vous êtes également passé par le National. Que retenez-vous de ce voyage sinueux ?

J’ai tout fait dans ma carrière (rires). J’ai commencé par jouer à La Réunion avec les seniors alors que j’avais seulement 15 ans. Ensuite, je suis arrivé à Angers chez les jeunes, j’ai signé professionnel mais j’ai été prêté plein de fois, à Luçon, au Poiré-sur-Vie. Puis est venu ce test à Clermont. Il fallait constamment que je prouve que j’avais les capacités de jouer à haut niveau, même si je n’ai pas eu l’occasion de le faire à Angers, ce qui reste un regret. Tout cela m’a beaucoup renforcé, physiquement et mentalement. Le voyage n’a pas été facile mais je suis content de ce que j’ai fait.

Est-ce pour cela que vous êtes un combattant sur le terrain ? Est-ce que cela vient de ce que vous avez vécu auparavant ?

Je le répète souvent, je n’étais pas le plus talentueux de La Réunion. J’ai eu la chance d’arriver en métropole, de pouvoir jouer à un très haut niveau, mais c’est parce que je n’ai pas abandonné. Je me suis battu jusqu’au bout pour réaliser mon rêve, tout simplement. C’est ma marque de fabrique, ne pas abandonner, et c’est ce que j’essaie d’inculquer à mes enfants : si vous voulez quelque chose, allez le chercher.

Vous avez marqué trois buts et délivré cinq passes décisives avec Brest cette saison. Pour un attaquant, êtes-vous trop altruiste ?

On me critique souvent pour ça (rires). Honnêtement, je n’ai pas de préférence entre un but et une passe décisive. Moi, je veux juste gagner. Après, bon oui, on me reproche d’être trop généreux et trop suffisant mais je ne changerai pas de nature, je suis comme ça ! Bien sûr, je suis attaquant, on attend de moi que je marque et j’aimerais marquer encore quelques buts. Je pense notamment aux matches contre Rennes, en tête contre Nice. J’aurais aimé être cinq, six buts avec Brest aujourd’hui.

Mais il ne vous reste plus que cinq passes décisives !

A Prague sur le but de Kamory (Doumbia), je peux frapper. Mais si le gars à côté de moi a le but vide devant lui et que je suis face au gardien… J’y pense, ce sera plus facile pour lui de marquer. C’est peut-être ma faute, je ne sais pas (rires).

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Ludovic Ajorque a inscrit deux buts cette saison avec le Stade Brestois en Ligue 1. (Photo Vincent Le Guern)

Vous êtes souvent réduit à un grand profil. Avez-vous souffert de cela, de cette première image que les gens ont de vous ?

Oui, toujours. Parfois on ne regarde même pas mes matchs mais on se dit : « Ludo est grand, il a des pieds carrés ». Mais attention, la technique pour moi, c’est un bon contrôle, une bonne passe, une bonne passe. Vous ne me verrez pas faire une roulette ou une passe de jambe. Mon objectif est d’être le plus propre possible pour aider mes coéquipiers et proposer des solutions. Il y a des matchs où je fais parfois beaucoup de ballons de la tête, et évidemment c’est un peu plus aléatoire, alors disons-nous que je ne sais faire que ça. Voilà, j’ai souffert de ça toute ma vie, et je continuerai à souffrir de ça tout au long de ma carrière, je pense. Mais ce n’est pas grave, tant que je m’amuse, tant que je fais de mon mieux pour mes partenaires, ça me va.

Aimez-vous le joueur que vous êtes ?

Oui, j’aime ça. Une phrase de Karim Benzema m’a frappé. Il a dit qu’aujourd’hui nous sommes obsédés par les statistiques. Le gars peut être catastrophique tout le match, s’il marque un but, il sera noté 6 ou 7 sur 10. Mais un autre qui sera bon pour son équipe mais qui n’a pas de chance, il en aura 3, 4. Parce que c’est un attaquant, il lui suffit de marquer pour être bien noté ? Pour moi, quand un joueur bouge bien, quand il sert de relais, quand il rend le jeu plus fluide, c’est tout aussi important. Sur un ballon long, j’arriverai à le contrôler, à le ranger et s’il aboutit à un but après encore deux ou trois passes, j’aurai fait mon travail et je serai très content. Mais devant la télé, le gars va se dire : « Qu’est-ce qu’il fout sur le côté quand le but est au milieu ? » En tout cas, j’aime ce que je fais. Benzema, c’est le jeu, il décroche au bon moment. Zlatan Ibrahimovic l’a fait aussi. Je vais en souffrir pour le reste de ma carrière, mais c’est comme ça.

Vous avez un caractère calme. Est-ce que cela vient de vos origines réunionnaises ?

La Réunion est tout pour moi. Je suis né là-bas, j’y suis resté 18 ans, j’y ai toute ma famille. Ils me manquent beaucoup, cela fait maintenant douze ans que je suis en métropole, je ne les vois que deux fois par an. Ils viennent en décembre, j’y vais en juin. Je ne vais jamais ailleurs en vacances et ce calme, comme vous le dites, vient évidemment de La Réunion. Comme on dit là-bas, « doucement le matin, pas trop fort l’après-midi » (rires).

Après votre carrière, reviendrez-vous y vivre ?

 
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