Indissociable de l’œuvre mélancolique de René Clément, récompensé par un Lion d’Or à la Mostra de Venise, le thème musical de Jeux interdits (1952) est également devenu culte. Si cette bande originale a traversé les décennies, les controverses qui l’entourent ont également survécu. Derrière la douceur et la simplicité de cette mélodie se cache une vaste polémique. Le guitariste Narciso Yepes, souvent considéré comme le compositeur, n’en est peut-être pas l’auteur. “J’ai écrit cette romance pour ma mère quand j’étais enfant», déclarait l’artiste en 1982, comme le rappelait Radio France. Une affirmation remise en cause par les analyses musicologiques.
La paternité de Narciso Yepes est mise en doute par une comparaison troublante avec le film Arènes sanglantes (1941) de Rouben Mamoulian, pour lequel Alfred Newman a composé une bande originale. Les thèmes musicaux des deux films sont quasiment identiques, remettant en question l’idée selon laquelle le premier homme aurait créé cet air de romantisme de toutes pièces. Jeux interdits. L’hypothèse est émise que cette célèbre mélodie serait une réinterprétation ou un arrangement, plutôt qu’une composition originale.
Narciso, Alfred, Fernando ou Matteo ?
Certains chercheurs suggèrent également que la ballade pourrait être beaucoup plus ancienne, attribuable à Fernando Sor (1778-1839), célèbre guitariste espagnol du début du XIXe siècle. Un manuscrit anonyme, daté de cette époque, contient une partition similaire. Faute de mention explicite de Fernando Sor dans ce document, son attribution reste incertaine. Il se pourrait aussi que Matteo Carcassi (1792-1853), un autre guitariste espagnol de la même époque, avance une théorie alternative.
Malgré les débats autour de son origine, la mélodie de Jeux interdits doit une grande partie de son succès à Narciso Yepes et sa réinterprétation au cinéma. C’est notamment grâce à la réédition enregistrée dans les années 1970 que ce morceau acquit une renommée mondiale, devenant incontournable dans l’apprentissage de la guitare classique. Si le mystère demeure, l’impact émotionnel de cette mélodie reste universel et intemporel.
