Déguisés en pirates, des piles de bandes dessinées dans les bras, les festivaliers affichaient de larges sourires sous le soleil de la cité corsaire pour l’édition 2024 du festival Quai des Bulles, dédié au 9e art. Un événement qui s’est déroulé sur trois jours, le vendredi 25 octobre ayant été réservé aux échanges entre professionnels sur les problématiques à résoudre au sein du secteur.
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Surproduction
Si les bandes dessinées ont gagné leur réputation — affiches du magazine Métal hurlantexposé sur la voie publique, ont été volés la veille du festival — ce n’est pas plus rémunérateur pour les créateurs. Comme rappelé Pascal PerraultDirecteur Général du Centre National du Livre (CNL), « un titre se vend souvent à moins de 1 000 exemplaires, ce qui ne permet pas d’en vivre ». Confrontés à une vingtaine de nouveautés par jour en moyenne, les libraires ne peuvent pas toutes les promouvoir et ont tendance à s’appuyer sur les best-sellers.
Un phénomène de best-seller encouragé par les éditeurs ? “Quand il s’agit de reprendre une saga comme Astérix ou Blake et Mortimer, les éditeurs français demandent aux auteurs de travailler en imitateurs”regrets the editor at Futuropolis Alain David.
Communication
Pour se démarquer de cette masse de nouveautés, « Les auteurs doivent désormais savoir scénariser ou dessiner, mais aussi se rendre visibles sur les réseaux sociaux ! »observer Stephanie Le Camdirecteur de la Ligue des Auteurs Professionnels, même si “ce n’est pas leur travail”est d’accord Sonia Deschampsdirecteur de la collection Virages Graphiques (Editions Rivages). La rédactrice indique qu’elle sait repérer des auteurs sur Instagram… Restent les prix, décernés lors de festivals spécialisés, le Quai des Bulles ne faisant pas exception (voir nos photos).
Mais la surproduction est-elle si problématique ? Lorsqu’un membre du public montre les bandes dessinées « Mauvaise qualité lancée par les éditeurs généralistes », Dominique Lerouxlibraire à Excalibulle (Brest), réagit : « Je suis libraire, pas censeur. Derrière chaque livre, il y a un auteur qui y a consacré du temps. Et peut-être que les éditeurs non spécialisés réussissent à convertir un public non initié à la bande dessinée ? »
Forces et faiblesses du genre
Les bandes dessinées ont l’avantage de la rapidité de lecture. « Le problème, c’est qu’ils coûtent cher. Et quand il y a plusieurs tomes, le public ne suit pas toujours. Nous avons besoin de plus de livres collectés. »estime le libraire.
Encore faut-il attirer les non-initiés vers ce genre. “Beaucoup de gens ne lisent pas de bandes dessinées, ce n’est pas un art si populaire !” Et beaucoup de jeunes ne lisent pas de mangas. Pour beaucoup de personnes, lire demande des efforts, il ne faut donc pas oublier de faire plaisir. » Le journaliste Blockbusters (France Inter) Frédéric Sigrist livre sur ce sujet ma faute : les fans de bandes dessinées ont longtemps monopolisé la bande dessinée et rejeté les nouveaux entrants. “Mais aujourd’hui, vous avez une bande dessinée comme La jolie maison du lacprésenté comme un roman graphique (il se veut plus classe que la bande dessinée) et par Augustin Trapenard. Là, c’est un prescripteur pour les parents ! »
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Enseigner les codes
Pour que la lecture reste un plaisir, « nous essayons de ne pas désespérer les jeunes, ni de fournir des informations positives qui mentiraient sur la rigueur du climat »témoigne Laurence Fredetrédacteur en chef du magazine Topo. Mais il faut d’abord enseigner les codes du genre. Cependant, comme observé Pascal Merieuxorganisateur du festival de la bande dessinée d’Amiens, «Après les attentats contre Charlie Hebdo, les financements destinés à l’éducation aux médias ont augmenté. Et je suis tombé depuis… ».
Des bandes dessinées pour informer les citoyens
Et pourquoi, finalement, prescrire des bandes dessinées ? C’est un genre idéal pour raconter une histoire de manière pédagogique, explique Pierre Gérard-Fouchédirecteur des médiathèques de Saint-Malo. « L’un des enjeux du Quai des Bulles est d’inciter à la sensibilisation aux enjeux de société »conclut-il en citant une table ronde sur le harcèlement scolaire réunissant un auteur et un psychologue.
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Un sujet de société récurrent : la précarité des auteurs. S’exprimant à une table ronde, Ouais fait l’éloge du format du journal, qui vous permet d’essayer différents styles. Et appartenance à un collectif (La Vilaine pour sa part) « vous permet d’obtenir des commentaires sur votre travail et de partager les adresses e-mail des éditeurs… mais cela nécessite également des efforts de gestion ». Autre levier de rémunération : « Les invitations aux festivals sont devenues plus rentables. Contrairement à venir chez un libraire, qui est rarement rémunéré. »fait-il remarquer.
Précarité des festivals…
Les festivals ne sont pas en meilleure santé. « Chaque année, nous devons refaire la recherche de subventions auprès des mairies ou des régions qui font comme si nous ne nous connaissions pas »assène Marina Corroprésidente du Club 99 — fédération de festivals de bande dessinée et d’arts associés — et administratrice du festival Formula Bula, contrainte de baisser son salaire. Et compter sur des services civiques enthousiastes qui doivent être régulièrement formés.
« C’est le serpent qui se mord la queue : pour avoir des financements, il faut être formé aux violences sexistes et sexuelles… ce qui nécessite des financements ! »soulage Louise Robertfondateur du festival La P’Art Belle, dans le Morbihan. Pour obtenir un financement, “on est obligé de dire qu’on va se développer”,elle regrette. Plutôt que de grandir, elle préfère que l’événement devienne itinérant, se dirigeant vers le public. Pour des raisons écologiques : la mobilité des festivaliers est le premier générateur de carbone lors d’un festival, rappelle Pamela Devineaude Bureau d’acclimatation.
Coopérer davantage
La qualité d’un festival ne doit pas s’évaluer au nombre d’entrées, défendent les participants. « C’est un lieu de rencontre. Comment mesurer l’intangible ? »demande Paméla Devineau, rejointe par la scénariste et designer Marc-Antoine Boidin : « Le succès d’un festival ne se mesure pas au nombre de dédicaces que j’ai faites, mais à la magie d’un échange.souligne-t-il. Et rares sont les lieux où se retrouvent les professionnels du livre. Nous avons besoin d’encore plus de journées professionnelles. »
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C’est ce qu’encourage Livre et lecture en Bretagne, qui organise cette journée en parallèle du Quai des Bulles, pour renforcer la chaîne du livre. « Plutôt que de chaîne, il faut parler de dentelle : que les acteurs du livre coopèrent de manière fine et dense »ambitions le porte-parole Guillaume Robicravi de ces nouvelles rencontres professionnelles à venir, inaugurées ce vendredi avec l’association HF+ et l’organisation de groupes de travail sur l’égalité des sexes dans le secteur du livre.
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