Vagabond books – Raphaël Somal

Critique : “Avec un livre, on ne s’ennuie jamais.” Ainsi se termine ce travail. Une conclusion à laquelle on ne peut que souscrire tant les vicissitudes de ce kaléidoscope de personnages empêtrés dans leurs contradictions individuelles et bouleversés au rythme de nos désordres sociétaux, nous ont tenus en haleine tout au long de ces 375 pages. L’histoire se déroule au cœur de la BNF (Bibliothèque nationale de France). Une façon originale de découvrir ses mystères et ceux qui lui donnent vie tout en célébrant l’importance de la réflexion et de l’imagination, générées par la lecture. Une tâche que remplit certainement ce troisième roman d’un auteur qui mérite d’être lu. Au fil des pages, on trouve quelques allusions à L’amant de Lady Chatterleyle souvenir de Marguerite Duras et l’évocation des vers de certains de nos chanteurs les plus emblématiques (Aznavour, Dassin, Brel, Croisille, Sardou), preuve de la vitalité et de la diversité d’un héritage épistolaire qui ne suffira cependant pas à nourrir les êtres prêts à tous les compromis pour redorer l’image d’une vie bien plus creuse qu’ils ne veulent l’admettre.

Cinq chapitres dressent, entre tendresse et ironie, le portrait d’hommes, de femmes et même d’adolescents en mal d’écoute, de reconnaissance, d’argent et surtout d’amour. Des visages si parfaitement dessinés qu’on ne doute pas de les avoir déjà croisés. Ils pourraient même nous servir de miroirs. Le pivot central est Maxence Duval. Il possède toutes les caractéristiques de l’éternel bouc émissaire. Enfant non désiré, il a été élevé par une mère peu aimante mais qui a su aiguiser son goût pour la lecture. A l’ouverture de ce livre, il se remet difficilement de la prise d’otage qu’il vient de subir alors qu’il se rendait à sa banque. D’autant que le couple qu’il formait avec Diane, que certains esprits vifs qualifieraient volontiers de bobos parisiens et que leurs amis Pascaline et Franck regardent avec mépris et envie, vient de voler en éclats. Il s’imprègne alors d’une solitude dont il ne sait comment aborder. Mais finalement, sous ses airs de magnifique perdant, ne serait-il pas le plus machiavélique de tous ? Car la plume acerbe de l’auteur prend un malin plaisir à pousser insidieusement ses héros du quotidien de la lumière au clair-obscur. Lentement mais sûrement, il transporte le lecteur de la chronique sociale douce-amère à l’intrigue policière audacieuse, suscitant en lui une puissante impatience d’aller de l’avant. Et puis, pour sceller définitivement le sort de ces humains faibles et présomptueux, l’intervention de Mère Nature et son pouvoir de malédiction, qui se traduit ici par une crue géante de la Seine, délivre un dernier sursaut de malice avec le retour du désormais mythique du « quoi qu’il en coûte » et son inéluctable confinement.

En se moquant avec justesse et légèreté de nos semblables (et de nous-mêmes), le romancier les replace dans leur pleine humanité et les rend immédiatement attachants. Mais ce n’est pas son seul atout. Son écriture incisive, son ton direct et dénué de toute emphase propulsent le lecteur au cœur de l’action sans lui laisser le temps de s’ennuyer.

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