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l’association qui accompagne les jeunes « éloignés des livres » dans l’aventure de l’écriture collective

Depuis 2015, l’association « Réparer le langage, je peux » donne naissance à de jeunes auteurs grâce à l’aventure de l’écriture de romans collectifs, du collège au lycée, et même au-delà. Sandrine Vermot-Desroches et Alain Absire, respectivement directrice et président de l’association, en sont les co-fondateurs. «C’est une mission pour nous», affirment les deux auteurs. Professeur de littérature au collège pendant près de trois décennies, Sandrine Vermot-Desroches dirige aujourd’hui un master Métiers du livre jeunesse à l’Institut catholique de Toulouse et a récemment publié Édition jeunesse aujourd’hui. Le personnage du roman pour adolescents (L’Harmattan, 2022). Prix ​​Fémina 1987, Alain Absire est, quant à lui, l’auteur d’une quarantaine d’ouvrages.

Leur association est née d’une expérience réalisée par Sandrine Vermot-Desroches alors qu’elle enseignait. Avec Alain Absire, ils ont conçu un dispositif “unique” qui est à l’origine de 19 recueils illustrés imaginés et écrits par « plus de 4 500 jeunes de 11 à 20 ans, des régions parisiennes et toulousaines ». Les romans sont disponibles en librairie et peuvent être commandés. L’association « Réparer Langue, I Can » permet aujourd’hui à quelque 500 élèves d’écrire pendant l’année scolaire et elle espère qu’un maximum de lectures sera désormais possible. Entretien avec Sandrine Vermot-Desroches et Alain Absire.

Franceinfo Culture : Comment est née l’idée de ce concept d’écriture collective que vous proposez dans les collèges et lycées, notamment à des jeunes « éloignés des livres et de la lecture » comme vous dites ?
Sandrine Vermot Desroches : Quelle action mettre en place pour les jeunes en difficulté avec l’écriture ? C’est l’idée. L’élément déclencheur, c’est le Bataclan [l’attentat terroriste du 13 novembre 2015]. Ce fut évidemment un choc pour tout le monde. Nous étions à Paris ce soir-là. C’est Alain Bentolila [linguiste français], qui dit que bien maîtriser la langue, c’est aussi mettre des mots sur le monde et le comprendre. La langue, ce n’est pas seulement savoir bien parler, bien écrire, mais c’est aussi avoir des concepts, comprendre, utiliser le bon vocabulaire. Le danger, ce sont les amalgames : un mot utilisé pour un autre, un concept pour un autre et le glissement s’opère et on ne se comprend pas. C’est pourquoi notre action s’articule autour de l’écriture mais pas seulement. Nous voulons que toutes nos actions soient collectives et jamais individuelles car il y a ce travail du vivre ensemble, de penser ensemble, de construire ensemble, qui je pense sont cruciaux pour nos sociétés futures. Dans une société où l’on s’exprime, par exemple avec les réseaux sociaux, de manière narcissique, il est fondamental de produire une littérature où l’on entend la voix de chacun de manière constructive.

Chacun s’exprime en écoutant l’autre…

Sandrine Vermot Desroches : En effet, on apprend à se parler, à écouter les idées des autres pour un bien commun qu’est le travail. Ce n’est pas pour rien qu’à Toulouse depuis le début, nous avons été très bien suivis et c’est vraiment très particulier en Haute-Garonne, par la voie laïque citoyenne car notre projet l’est aussi. Dans la mesure où chacun est citoyen et parce qu’en écrivant, on aborde des problématiques qui touchent les jeunes mais aussi la société. On parle de harcèlement mais quand on est dans une dynamique de projet, on repère tout de suite les problèmes et on peut tenter de les résoudre. Lorsqu’il y a un groupe qui travaille, et pendant une durée assez longue, cela évite toutes les cristallisations qui peuvent se produire dans une classe.

Ce projet a aussi été mis en place pour l’estime de soi, et ça marche vraiment. On se rend compte que des jeunes vont parler, qui restent parfois silencieux en classe car l’atelier est un autre territoire. De plus, lorsque adultes et jeunes se regroupent pour créer ensemble, personne ne se positionne comme sachant. Cela change tout car il y a ce partage, ce plaisir d’imaginer ensemble. On ne sait pas qui a écrit quoi mais nous l’avons construit ensemble et une œuvre n’est pas une mince affaire.

Pourquoi travaillez-vous, entre autres, dans des lycées professionnels ?
Sandrine Vermot Desroches : Le lycée professionnel est un lieu où on a besoin de livres, d’écriture, de lecture. Souvent, nous avons des jeunes qui arrivent – ​​certains ont vraiment choisi ces voies – qui sont déconnectés de la lecture, qui en ont une représentation négative ou qui ne savent pas lire. Il est vrai que les inviter à écrire ensemble, à entrer dans un imaginaire, c’est les amener à se réconcilier avec le livre, avec la lecture mais aussi avec l’école, l’institution et in fine avec les adultes. Une autre relation s’établit à travers l’écriture et la création. Le but est qu’ils soient auteurs du début à la fin. Ils sont évidemment accompagnés par des professionnels du livre et de l’éducation. Puis, dans un salon, ils parlent – ​​c’est leur salon puisque ce sont les auteurs qui sont interviewés –, ils présentent leurs livres et les signent. Cette action est proposée aux étudiants en difficulté, aux quartiers prioritaires de la ville – à Toulouse nous travaillons beaucoup au Mirail – et en même temps, vous avez des établissements plus bien notés qui participent à notre activité. Ce qui est bien, c’est qu’il n’y a pas de stigmatisation. Il y a cette diversité, qui est extrêmement importante.

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Sandrine Vermot-Desroches et Alain Absire sont les co-fondateurs de l’association « Réparer le langage, je peux ». (FIXER LA LANGUE QUE JE PEUX)

Comment s’organise le travail entre l’association, l’équipe pédagogique et l’auteur qui animera les ateliers d’écriture ?
Alain Absire : Cette année, ce sont 18 classes parrainées par 16 auteurs habitués aux ateliers d’écriture. Les établissements participants sont volontaires. Ce sont les enseignants qui nous contactent généralement, notamment via le Pass Culture. On a donc affaire à des professeurs de littérature, des professeurs bibliothécaires ou autres très motivés. Nous avons plusieurs rendez-vous : un dès le début en septembre, un autre en janvier pour faire le point sur toute la première étape de l’écriture, qui consiste à créer les personnages et à écrire le scénario. Et au fond, il y a le salon où tout le monde se retrouve.

Sandrine Vermot-Desroches : Lors de la première réunion, il y a vraiment un planning qui est établi. La base étant vraiment d’écrire le scénario. La feuille de route est importante. De manière générale, on se rend compte fin décembre que le scénario est terminé. Début janvier, nous avons écrit ou nous avons commencé le premier chapitre fin décembre. En décembre, nos professeurs font un bilan à mi-parcours qui comprend le scénario, les personnages et évaluent l’action. Lorsque nous nous retrouvons en janvier, nous partageons tous ensemble, auteurs et professeurs, tout ce que nous avons écrit et tout ce que nous avons rencontré en termes de difficultés ou les astuces que nous avons découvertes pour les contourner. Il y a aussi des apports pédagogiques: Alain et moi avons co-écrit un livre, Vers une littérature d’adolescence écrite par des adolescents qui contient des fichiers. Et chaque année, nous faisons au moins un atelier. C’est important car cela nous permet de savoir comment cela fonctionne.

Avez-vous lancé une nouvelle activité cette année ?
Alain Absire : Oui, un concours de lecture. Dans notre catalogue, nous avons 102 romans déjà publiés. C’est parmi ces romans que les jeunes, avec leurs professeurs, choisissent à partir des fiches qui leur sont envoyées (comprenant le résumé, les personnages, les questions qu’ils pourraient se poser) le texte qu’ils souhaitent lire. lire et vouloir en parler. De fin novembre à début février, ils rédigeront une sorte de critique en compagnie d’un écrivain qui passera une demi-journée avec eux. Ils réaliseront donc une fiche de lecture sur ces romans écrits par des jeunes comme eux, pour eux. Un jury, réunissant des professionnels du livre et de l’éducation, se réunira pour en choisir quatre : deux de région parisienne et deux de région toulousaine. Les classes qui auront été choisies pour la pertinence de leur fiche de lecture seront invitées à nos deux salons du livre en juin, à Paris et Toulouse. Ils auront alors carte blanche pour venir défendre leur choix. On passe de l’écriture à la lecture et, entre les deux, il y a la publication de livres que l’on trouve en librairie puisque nous sommes éditeurs.

Que retenez-vous de cette expérience qui dure depuis près d’une décennie ?
Sandrine Vermot-Desroches : J’utiliserai le terme de transformation. Une thèse a été rédigée à partir de l’observation d’une cohorte de jeunes ayant participé à cette action. C’est celui de la sociologue de la lecture, Mariangela Roselli, professeur à l’université Jean Jaurès. Dans cette étude devenue livre, Écrire ensemble et transformer la relation en écriture, il montre la transformation par rapport à l’écriture, la transformation par rapport à la lecture et surtout par rapport aux autres et à soi-même. Ce qui me semble important dans la vie, c’est l’alchimie, même si elle ne se révèle pas immédiatement. On sait que quand on est dans l’éducation, il ne faut pas se tromper : tout n’est pas une réussite. Mais de manière générale, on observe une transformation. Dans les lycées professionnels par exemple, on remarque que les élèves ayant participé à cette activité poursuivent en BTS. On voit que cela les fait grandir, leur donne cette estime de soi, qui fait que l’activité apporte une transformation.

 
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