Clara Breteau, « L’avenue du verre » (Seuil)

Clara Breteau, « L’avenue du verre » (Seuil)
Clara Breteau, « L’avenue du verre » (Seuil)

En quête de transparence. Anna, dans L’avenue du verre, premier roman de Clara Breteau, enseignante. Sa pédagogie est dialectique, basée sur des questions aux étudiants ; ses recherches impliquent des enquêtes. Pourtant, à 35 ans, elle se rend compte qu’elle n’a jamais voulu en savoir plus sur cette terre d’où est originaire son père algérien, cette ville des Aurès, Batna, où il a grandi, dans la partie orientale de ce massif. montagneux, en pays Chaoui. A bien y penser, ce n’était peut-être pas tant un manque de curiosité qu’une manière d’être endémique parmi les personnes nées de père inconnu, sous X. Anna porte le nom de sa mère, « aux sonorités très françaises, issues des milieux paysans sarthiens ». Bien qu’Anna et son frère le connaissaient, l’insaisissable père avait une deuxième famille, ou plutôt ce sont eux, ces enfants nés d’une Française, qui étaient la famille cachée – sous couvert, « undercover » comme on dit en anglais. Aussi, quand, petite fille, elle le croisait dans la rue, il lui faisait un signe discret, se souvient-elle. Et ça « présence clignotante » de s’élancer immédiatement sur son scooter pour aller laver le carrelage. Anna garde néanmoins en mémoire ces images et sensations où elle et son frère, la progéniture cachée, se glissaient dans le grand lit où dormait leur père lors de son arrivée, et s’amusaient à faire des dunes comme celles du désert qu’il avait quitté.

« La valise ou le cercueil », résumait ainsi le sort des pieds-noirs à l’indépendance de l’Algérie. Pour les Algériens comme son père, c’était même sans valise. Le laveur de vitres analphabète, fan de Johnny Hallyday au point de se voir donner le nom de scène de son rockeur préféré, va rencontrer Yvette. Avec elle, “l’Arabe”, comme l’appelle le père d’Yvette, fondera un foyer. Et puis ce sera avec une autre française, la mère d’Anna, étudiante solitaire, qu’il vivra une histoire d’amour parallèle. Comme si cette duplicité ne faisait que dupliquer la vie déchirée de cet homme, entre et Algérie, loin de sa famille et des paysages de son enfance.

De retour en Touraine après dix ans d’errance, Anna se projette dans la nostalgie paternelle : « L’été, le lit asséché de la Loire et ses grands bancs de sable chauffés à blanc serpentaient sous les yeux d’Anna comme les empreintes d’un oued asséché. Le nom du fleuve lui-même, à travers son adjectif « Ligérien » était devenu pour elle à force de frémir à son oreille comme un national, un affluent sonore du corps de l’Algérie. » Même si elle va finalement enquêter auprès de proches algériens, il restera toujours une part illisible pour la fille de ce père étranger, comme les traces laissées par la raclette du laveur de vitres – des lettres sibyllines recouvertes d’un palimpseste, dans l’alphabet berbère.

Clara Breteau
L’avenue du verre
Seuil
Edition: 03700 copies.
Tarif : 20,50 € ; 224 p.
ISBN : 9782021575958

 
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