Alors que le Marché de Noël est en pleine effervescence dans la ville haute de Laonentre idées cadeaux, crêpes, saucisson et vin chaud, l’énigmatique éditions Lumpen sont exposés dans la galerie gothique.
Flâner dans un marché de Noël, c’est toujours pareil : c’est participer à l’engouement populaire des fêtes de fin d’année en allant de stand en stand à la découverte des vendeurs d’idées cadeaux. , du saucisson, ou encore du vin chaud dont la seule différence avec celui d’un autre marché de Noël réside dans sa teneur en cannelle et dans la qualité du vin utilisé.
Celle de Laon, installée sur le parvis de la cathédrale dans la ville haute, n’est finalement pas si différente de celles des autres grandes villes, hormis le nombre d’exposants et le vent, souvent glacial, qui frise les moustaches de ceux qui qui ont décidé de ne pas trouver de place pour garer leur voiture ou qui ont dû recourir aux misérables transports en commun reliant la ville basse depuis la disparition du Poma, cet étrange funiculaire à l’arrêt depuis plusieurs années.
La culture s’installe dans la salle gothique
Ce marché de Noël comprend une extension dans la salle gothique située sous l’office de tourisme, à droite de la cathédrale. Des stands proposent des objets qui ne peuvent être exposés aux intempéries, notamment des livres. Parmi ces exposants figure la maison d’édition laonnaise Editions Lumpen.
Créée en 2016 par Jean-François Garcia, puis absorbé par l’écriture de son premier et pour l’instant unique livre, cette maison d’édition propose plusieurs collections d’ouvrages, dont quelques ouvrages photographiques de grande qualité consacrés à la ville laonnaise. On retrouve ainsi les collections « l’autre côté de Laon », sur le patrimoine, « les débuts du mythe de Cthulhu » sur Lovecraft (1890-1937), l’auteur emblématique des récits fantastiques. Il existe également une collection de recueils de poésie, principalement de Raymond Prunier, la collection « Terre de résistance » autour des résistants de l’Aisne au Chemin des Dames. Mais les éditions Lumpen publient également des ouvrages hors collection comme des romans, du théâtre ou de la politique. Les Éditions Lumpen se caractérisent donc par une universalité de ses publications, que l’origine de son nom ne prédestinait pas.
Naissance et évolution des éditions Lumpen
En effet, pour ceux qui n’ont pas une culture particulièrement développée de Karl Marx, le choix du nom des éditions Lumpen est la marque de l’engagement politique de Jean-François Garcia : « Lumpen vient de Karl Marx qui utilise le terme Lumpen Prolétariat, qui désigne travailleurs déclassés. » Et plus littéralement, le « prolétariat en lambeaux ». C’est d’ailleurs autour de ce philosophe allemand qu’il concentre l’écriture de son livre, alors que la création de cette maison d’édition « avait pour objectif de maîtriser toute la chaîne de sa création, de son édition et de sa commercialisation.
Les Éditions Lumpen se voulaient donc une maison d’édition activiste spécialisée. Mais le destin prend parfois de curieuses tournures.
S’il faudra finalement sept ans à Jean-François Garcia pour achever « Les mots simples du capital », il lui faudra en même temps faire vivre les éditions Lumpen. La fermeture du Poma, funiculaire reliant la ville basse de Laon à la ville haute, offre à Jean-François Garcia l’occasion de réaliser un reportage essentiellement photo sur cet engin très drôle que la politique locale a condamné. Après le succès inattendu de ce livre sur la mécanique de la machine, « Les secrets du Poma », Jean-François Garcia se lance avec Jean-Pierre Bellavoine, son cousin photographe, dans un travail photographique afin de mettre en valeur la ville de Laon et de faire ressortir ce qu’il y a de plus beau en elle. « On a mis en valeur la ville de Laon », lâche enfin celui que ses amis pourraient surnommer JFG, un peu à la manière du célèbre JFK !
Une fois de plus, le succès récompense ce « Laon by night ». Elle est suivie de celle de « La Cathédrale du Bœuf », en référence à une légende locale et aux sculptures situées au sommet des tours de la Cathédrale de Laon. Ces travaux relèguent aux oubliettes la volonté initiale de publier des ouvrages militants. Cela ne reviendra qu’en 2022 avec la publication définitive de son livre.
Remarqué par le préfet, ce dernier qui lui a ouvert un espace en préfecture pour une exposition. JFG réalisera ainsi, avec son cousin, la carte de vœux préfectorale à la fin des années 2010.
Alors, il reste quelques jours pour flâner sur le marché de Noël de la ville haute de Laon, avant d’avoir trop goûté au vin chaud local, un petit passage dans la salle gothique permettra aux visiteurs de rencontrer des auteurs publiés aux éditions Lumpen, mais aussi JFG, qu’un généreux Americano saura amadouer !
