“Quand on écrit, on donne tellement de soi qu’on s’ouvre”

“Quand on écrit, on donne tellement de soi qu’on s’ouvre”
“Quand on écrit, on donne tellement de soi qu’on s’ouvre”

Au départ, Maxime Chattam voulait être acteur. C’est un voyage en Thaïlande qui a changé la direction de la boussole. La découverte de la jungle a donné naissance à une histoire écrite dans un petit carnet qui est devenu le journal quotidien de ce voyage et donc, le premier lien avec cette envie d’écrire. Ses récits sont des invitations à découvrir et élucider les morts, les meurtres et les assassinats. Fin 2024, après Lux en 2023, il publie Heure de grande écoute édité par Albin Michel. Le plateau télé du JT de 20 heures va devenir le centre névralgique d’une prise d’otage orchestrée et menée de main de maître par un certain Kratos. Tout est réaliste et pour cause, sa femme Justine Bollaert l’a beaucoup aidé dans l’écriture des détails, des lieux, des coulisses, des métiers, avec les gestes et les personnalités du secteur. Il est même allé voir le journal télévisé de 20 heures où l’équipe l’a accueilli.

franceinfo : Dans Heure de grande écoutele lecteur est invité à découvrir les coulisses d’un journal et à vivre cet événement comme s’il y était. C’est un tourne-page avec une prise d’otage, celle du lecteur, que vous parvenez à infuser tout au long de cet ouvrage. Parfois, cela dépasse la raison de nous tenir ainsi en haleine !

Maxime Chattam : Si ça marche, je suis content ! Oui, c’est le principe du thriller qui est avant tout une mécanique au service du suspense. C’est un travail sur le rythme. J’ai une histoire en tête, j’ai des personnages, j’ai envie de tout raconter avec des rebondissements, une révélation finale. Maintenant, je dois arriver à tout distiller correctement et à emmener le lecteur dans un rythme qui soit satisfaisant pour ma narration et pour la lecture aussi.

Comment faites-vous pour trouver cette inspiration ? Dessinez-vous ces personnages à un moment donné pour les avoir devant vous ? Les avez-vous rencontrés ?

L’inspiration pour les personnages vient au fur et à mesure de l’écriture. Je commence, j’ai une intrigue, j’ai une idée pour les personnages principaux et puis au fur et à mesure que j’écris, ils se révèlent. Moi-même, quand je me penche au-delà de l’imagination que je peux avoir, je ne vois pas grand chose, mais je dois tirer des fils pour que ça vienne. Écrire, c’est tirer des fils. Chaque phrase est un fil que nous tirons. Les personnages sont créés de cette façon. Je les dessine avec des notes. Je prends beaucoup de notes dessus et parfois je reviens un peu en arrière, change une phrase pour réajuster car la psychologie de l’être humain est dentelle. Et parfois je me rends compte que pour qu’il ait une réaction cohérente plus tard, il faut peut-être qu’il y ait un trait de caractère qui ressorte avant, qui n’était pas cohérent avec ce que j’ai fait. Je reviens, j’ajuste tout ça et puis ça crée des personnages que j’espère crédibles.

Quand on parle de lecture, tous ceux qui aiment lire disent que le pouvoir de l’écriture est qu’elle nous mène très loin. Est-ce que ce sont vos voyages qui vous ont donné envie d’écrire ?

“Ce sont les voyages qui m’ont ouvert sur le monde.”

Maxime Chattam

sur franceinfo

J’ai voyagé tôt. Jusqu’à l’âge de 11h12, je n’ai pas vraiment voyagé et ensuite je suis parti aux Etats-Unis et en Thaïlande. Et ces voyages m’ont permis de m’épanouir, de ne plus être égocentrique sur le petit garçon que j’étais, de prendre conscience qu’il existe autour de moi un monde gigantesque, d’une richesse insoupçonnée. A 12 ans, j’ai fêté Noël dans la tribu Akha, au nord de la Thaïlande, qui n’était pas encore un pays touristique et pour qui Noël ne voulait rien dire, n’existait pas. Ma grand-mère m’y a emmené exprès et un matin elle m’a dit : «Joyeux noël“, elle m’a embrassé et m’a donné un petit quelque chose en disant simplement”c’est un cadeau de Noël«C’était un petit objet, mais c’était symbolique. L’idée était justement de dire : «regarde ici Noël, ça ne veut rien dire et pourtant ça va être un super jour pour s’ouvrir à quelque chose de différent« . Souvent la différence, c’est d’abord s’enrichir, c’est Saint-Ex, mais au-delà, c’est aussi découvrir l’appétit pour la curiosité de l’autre. Et dans cette curiosité, évidemment, il y a une envie d’échanges et une envie de construire quelque chose. Quand nous avons de l’imagination, nous créons des histoires et parfois des livres.

Cette grand-mère a été au cœur du développement de votre imaginaire, de cette envie de prendre votre vie en main. Et on retrouve dans ce travail, cet aspect «prenez le contrôle de votre destin« .

Je vais te dire quelque chose. Jusqu’à tout récemment, j’étais convaincu que je me cachais et que dans mes livres ce n’était que de la fiction et que j’étais de ces auteurs qui ne se révèlent jamais dans leurs livres. Il m’a fallu avoir 48 ans et 30 livres pour comprendre qu’en réalité, c’est une hérésie de croire cela. Lorsque nous écrivons, nous donnons tellement de nous-mêmes que nous nous ouvrons. Mes livres sont guidés par ce que je veux raconter, l’histoire qui me semble importante, mais aussi nécessairement, parce que je suis un être humain, par ce que je vis et ce que je suis.

Plus on avance dans le -, plus on se rend compte que vous aimez mélanger les genres et proposer autre chose. Est-ce un grand défi ?

« Le travail du conteur est de sentir qu’on a quelque chose à raconter et de sortir cette boule pour voir ce qu’on peut inventer tout en essayant de lui donner du sens. Il ne s’agit pas seulement de raconter des histoires. des chapitres pour plaire ou pour effrayer.

Maxime Chattam

sur franceinfo

Ce n’est même pas un défi, c’est un besoin. En général, cela fait un certain - que j’ai commencé à écrire Luxque j’ai réalisé que je ne voulais plus entrer dans une forme d’obscurité, explorer le pire chez l’être humain. Et je me suis demandé pourquoi je ne voulais plus le faire alors que je le faisais depuis 25 ans et que j’avais même étudié la criminologie pour ça. Eh bien, c’est parce que je pense avoir abordé les questions qui me tenaient à cœur et ce que j’avais à dire sur le sujet. Peut-être qu’un jour j’aurais de nouvelles idées, que j’aurais envie d’y retourner, de mélanger qui je suis, moi, au service d’une histoire.

 
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