“Charlotte Chérie” de Sandrine Lucchini, plongée dans l’enfer masculiniste – rts.ch

“Charlotte Chérie” de Sandrine Lucchini, plongée dans l’enfer masculiniste – rts.ch
“Charlotte Chérie” de Sandrine Lucchini, plongée dans l’enfer masculiniste – rts.ch

L’auteure française Sandrine Lucchini signe avec « Charlotte Chérie » un thriller fiévreux et captivant où un dangereux masculiniste d’extrême droite manipule de jeunes perdus et les incite à exprimer leur haine des femmes par l’action.

Premières pages, premiers frissons. Charlotte se réveille avec un corps endolori et un cerveau embrumé. Ligotée, bâillonnée, ballottée, elle est prise de terreur lorsqu’elle comprend qu’elle est à la merci d’un ravisseur, prisonnière dans le coffre d’une voiture en marche.

Quelques pages plus loin, Paris. Un chantier. Des policiers et un médecin légiste s’agitent autour du corps d’une femme au visage fracassé, violée et tuée par deux assassins d’une rare sauvagerie. L’enquête commence pour le capitaine Hippolyte Lebon et son équipe Crime. Une chasse aux meurtriers qui les mènera à Père et son petit groupe masculiniste.

Des jeunes dans un brouillard total. Alors qu’ils ont du mal à se projeter dans l’avenir, il leur fait croire qu’en adhérant à cette pseudo obéissance de « l’Orchidée », ils trouveront enfin une famille… Avec au bout, la promesse de devenir des hommes… de vrais !

Extrait de « Charlotte Chérie » de Sandrine Lucchini

Avec Charlotte Chérie”, Sandrine Lucchini livre un thriller captivant sur la thématique sous-développée des incels, ces célibataires involontaires. De moins de 25 ans, ces hommes se considèrent comme des indésirables sur le marché de la séduction, injustement rejetés par la gent féminine. Leur précarité sexuelle conduit les plus haineux à considérer les femmes comme un gibier à chasser, à capturer, à battre, à violer et à tuer.

Repris par des mouvements masculinistes extrémistes souvent liés à l’ultra-droite, les incels constituent un danger bien réel pour toutes les femmes, selon Europol.

Tueries de masse

La couverture du livre « Charlotte Chérie » de Sandrine Lucchini. [éd. Black Lab, 2024]

Depuis la fusillade de l’École Polytechnique de Montréal en 1989, premier cas d’un masculiniste commettant une tuerie de masse, le mouvement a pris de l’ampleur, atteignant son apogée avec un meurtrier qui fera des émules, Elliot Rodger, l’autoproclamé « suprême ». gentilhomme”. Emporté par une pulsion délirante, il a froidement tué des femmes à Isla Vista, en Californie, en 2014 pour les punir, les exécuter étant un moyen de les posséder. Mais comme le rappelle Muller, le psycho-criminologue appelé en renfort par Lebon dans « Charlotte Chérie », contrairement aux masculinistes dans leur cas, ils ont agi seuls et se sont suicidés après leur acte barbare.

Sandrine Lucchini, réalisatrice expérimentée de reportages d’investigation, a su ancrer son récit dans la réalité et lui donner plus d’épaisseur en rencontrant des magistrats et des policiers, un psychologue et un joueur en ligne, en fréquentant également clandestinement sous une fausse identité les forums de certaines plateformes de jeux vidéo. Ils constituent le terreau idéal pour accrocher les jeunes les plus en difficulté.

Pression de la hiérarchie

Si pour Lebon et son équipe les coups de malchance se multiplient au début de leurs enquêtes, la roue tourne enfin dans un cybercafé. Une belle occasion de calmer Audrey, la chef de la Criminalité, qui doit gérer l’impatience en haut lieu. Depuis les attentats du 13 novembre 2015, la peur du carnage est bien réelle. Le fonctionnement de ces petits groupes masculinistes étant comparable à celui des terroristes jihadistes, Audrey doit présenter des résultats rapidement.

Au-delà de l’enquête, “Charlotte Chérie” raconte aussi l’histoire de ces femmes policières, comme la jeune brigadière Alice Lecoeur, assaillie par un patron qui la surnommait Idéfix dans le commissariat de quartier où elle travaillait avant d’être dépêchée à la Crime’. Audrey doit vivre avec ceux qui se plaignent dans son dos, l’accusant d’avoir obtenu une « promotion en jupon ». Dans l’enceinte du Bastion, nouveau bâtiment ultramoderne de la police judiciaire, le patriarcat a encore de l’avenir ! Sandrine Lucchini le souligne à juste titre dans ce thriller glaçant, très bien réalisé.

Philippe Congiusti/ms

Sandrine Lucchini, « Charlotte Chérie », éd. Laboratoire noir, 2024

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