Quand la maternité féconde la littérature, en cinq livres passionnants

Quand la maternité féconde la littérature, en cinq livres passionnants
Quand la maternité féconde la littérature, en cinq livres passionnants

Si la maternité a longtemps été absente de la littérature et de la philosophie, elle semble avoir fait une entrée remarquée ces dernières années. Cette expérience, pourtant si universelle, était muette ou, en tout cas, absente, voire dénigrée dans les écrits intellectuels.

On voit aujourd’hui qu’elle peut néanmoins constituer un formidable vivier littéraire. Des auteurs s’y attaquent donc avec un certain succès, qu’il s’agisse de réflexions métaphysiques sur un possible bouleversement identitaire, de témoignages intimes et sensibles, ou encore de thrillers ou de polars prenants. Dans cette sélection, il y en a pour tous les goûts.

Murmurs, d’Ashley Audrain : thriller façon Desperate Housewives

Dans “Grand bien à vous” (consacré aux films de Steven Spielberg), Yolaine de Chanaud, rédactrice en chef de Week-end parisiena évoqué un véritable coup de cœur pour le livre Chuchotements, dont elle a loué l’écriture fine et incisive, teintée d’ironie et de cynisme. L’histoire se déroule dans un quartier résidentiel de banlieue. On imagine l’Amérique du Nord, dans un environnement privilégié, avec une atmosphère comme Femmes au foyer désespéréesses barbecues, ses voisins qui se connaissent, etc.

Très bien à vous ! Écoute plus tard

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Quels sont les personnages de ce thriller maternel ? Yolaine de Chanaud : « Whitney est la businesswoman flamboyante. Elle a trois enfants et elle est la plus sexy du groupe. Il y a Blair, moins sexy, la mère dévouée avec sa fille unique, et qui prépare la lunch box avec application. Rebecca est la médecin courageuse. Elle souffre de fausses couches. Elle ne peut pas être mère et c’est sa douleur qui est un peu le témoin de tout cela. un modeste octogénaire qui veille très discrètement sur ce petit monde.

Dans ce paysage de banlieue calme, un terrible accident va survenir qui va troubler la paix de tous. Le fils de Whitney est tombé par la fenêtre de sa chambre, située au dernier étage de la maison, et sa vie est en danger. La rumeur se répand et les langues se délient. On se demande vite si Whitney n’est pas finalement un peu responsable car tout le monde se souvient du jour où elle a insulté et crié après son garçon de neuf ans. L’invité de “Grand bien à vous” explique que chaque chapitre livre la version d’une de ces quatre femmes et à travers leurs yeux, on découvre aussi leurs secrets, leurs fissures, leurs jalousies.

Chuchotementspar Ashley Audrain, traduit par Julia Kerninon, JC Lattès, 2024.

Le gamin, de Nadia Daam : une mère et sa fille

Comme le dit Nicolas Demorand, octogénaire, c’est Titiou Lecoq qui décrit le mieux le contenu de ce petit livre qui se lit d’une traite tant il est captivant : « C’est la plus belle déclaration d’amour d’une mère à sa fille. . Souvent, on a le contraire, une écrivaine qui parle de sa mère. Ici, Nadia parle de son enfant, mais surtout d’elle-même et elle ne se ménage pas.

Au début de l’histoire, le père de l’enfant décède, suivi de plusieurs semaines de silence entre la mère et sa fille, alors qu’elles campent dans un lit cabane, composé d’un canapé-lit déplié et d’un toit en toile. couette dans le salon, regarder la télévision et manger des nachos et des quesadillas. Nadia Daam décrit ensuite ses manquements, ses erreurs, ainsi que ses efforts pour que sa fille grandisse sereinement, puis ses ambitions de parent qui se heurtent parfois à la réalité. Elle parle de leur famille biparentale, monoparentale, qui ne ressemble ni à celle des parents de l’auteur, ni à celle des parents des amis de sa fille, « un petit miracle de l’ébénisterie. Un tabouret dont le troisième pied s’est détaché et qui est toujours debout”, comme l’écrit l’auteur. Nadia Daam raconte aussi ses histoires d’amour difficiles en tant que mère célibataire, et espère qu’elle n’a pas donné le mauvais exemple à sa fille, en montrant ses relations avec certains hommes qui la traitaient comme un paillasson.

L’auteur explique aussi qu’elle a consigné les premières fois de la gamine – qu’elle regardait déjà avec une certaine mélancolie – dans des cahiers très chers, car elle n’en connaîtra jamais d’autres : « Les enfants ont beau être d’abominables petits cabots, ils ne reviennent jamais. pour les rappels. Un livre très beau et émouvant dont la fin marque une nouvelle étape dans la relation de ces désormais deux femmes.

L’enfantpar Nadia Daam, Grasset, 2024.

Être mère, réalisé par Julia Kerninon : le pouvoir du collectif

Dans cet ouvrage collectif, les voix d’autrices mères exposent avec beaucoup de finesse diverses facettes de la maternité (peur, accouchement, allaitement, etc.). Ils racontent leurs expériences avec sensibilité, et pour certains avec une touche d’humour.

Adeline Dieudonné consacre son texte à la peur, qui ne lâche pas les parents, et aux obsessions de certains dangers qui nous habitent parfois. L’auteur de Kérosène s’inquiète constamment d’une attaque terroriste contre l’école de ses filles. Clémentine Beauvais, avec son humour habituel – presque british –, concentre ses questions sur l’accouchement. Doit-elle choisir un accouchement avec ou sans péridurale ? Elle navigue entre de nouvelles injonctions pour l’accouchement physiologique et une plus grande liberté pour les femmes de choisir un accouchement qui leur convient.

Camille Anseaume, quant à elle, raconte les deux fois où elle est devenue maman, à douze ans d’intervalle, et toujours avec le même bonheur. Elle introduit même son histoire, à la fois touchante et amusante, par cette phrase : « Je n’ai pas fait de dépression post-partum. Cela me dérange beaucoup, car tous mes amis intelligents en ont souffert. Victoire de Changy décrit sa vie avec ses enfants, et aussi comment ils l’ont transformée, elle qui était lors de ses deux grossesses une version vaudeville d’elle-même à cause des hormones. Ce qui la réjouissait habituellement l’exaltait et ce qui la blessait la détruisait. Claire Berest écrit sur le tourbillon qu’est la maternité et le changement de vie, pour toujours. Louise Browaeys, à la fois auteure et ingénieure agronome, parle d’allaitement, abandonnant les statistiques pour restituer des sensations et des intuitions.

Être mèreréalisé par Julia Kerninon, L’Iconoclaste, 2024.

La Grande Table de la Culture Écoute plus tard

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Le bébé, de Marie Darrieussecq : l’amie du livre

Marie Darrieussecq est partie de son expérience personnelle pour écrire un livre intimiste, à partir de cahiers qu’elle rédigeait à la naissance de son fils. Constatant la quasi-absence de ce sujet de la maternité dans la littérature, elle commence en 2002 à raconter ses interrogations, ses tâtonnements face à ce nouvel être et les soins qu’il allait recevoir. Elle a trouvé extrêmement pénible de s’occuper de ce bébé et a écrit ce livre pour cela.

Le grand atelier Écoute plus tard

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Dans « Le grand atelier » dédié à Marie Darrieussecq, suite à la parution de son nouveau livre Faire une femmel’auteur avait invité Juliette Armanet. Ce dernier en a profité pour faire l’éloge du livre Le bébé, qui l’avait grandement aidée lorsqu’elle était elle-même devenue mère. Elle le décrit comme un « livre convivial ». Juliette Armanet : « C’était une œuvre littéraire qui recherchait un sujet que pratiquement personne n’a abordé. » Pour elle, c’est un chef-d’œuvre de pureté et d’impureté. « Nous étions plusieurs amis qui avions des enfants en même temps et nous nous sommes transmis ce livre, presque comme sous le radar, presque comme une forme de résistance. Lisez ceci, cela vous accompagnera, cela vous aidera à comprendre vos émotions, à mettre des mots sur tout ce que vous pouvez ressentir et ce que très peu de gens sont capables d’entendre aussi, car il y a un énorme tabou social. Même ma propre mère a un peu menti. moi. en disant que c’était facile, que c’était une évidence, la maternité.

Le bébépar Marie Darrieussecq, POL, 2002

L’effet maternel, par Virginie Linhart : mère célibataire

C’est un livre sur une jeune femme abandonnée par l’homme qu’elle aime alors qu’elle est enceinte. Cette femme est Virginie Linhart. Dans « Être et savoir » sur France Culture, elle revient sur l’expérience de la maternité : « Je trouve que rien n’est plus fort à l’épreuve du réel que l’arrivée du bébé. Et à ce moment-là, oui, c’est matière à réflexion.»

Être et savoir Écoute plus tard

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Dans ce texte, elle raconte à la fois l’éducation anticonformiste reçue par sa mère, qui était toxique, et questionne sa position de femme enceinte, de mère célibataire au tout début de la vie de l’enfant. Virginie Linhart déplore la faible représentation des mères célibataires : « J’ai l’impression qu’il n’y a pas de place pour les femmes, les femmes de mon milieu qui pourraient avoir un enfant seules et c’est très difficile, il y a un jugement. Les gens sont très conformistes. Très tôt dans la vie de ma fille, j’ai rencontré mon nouveau compagnon qui est aussi le père de mes deux autres enfants et qui l’a adoptée, qui est elle. papa absolument. Mais cette fois où j’étais toute seule avec ce bébé m’a semblé incroyablement difficile parce que j’avais l’impression que j’étais anormale, qu’il n’y avait pas de place pour une mère. avec un enfant C’était il y a plus de 20 ans et peut-être que les choses ont un peu évolué avec Equal Marriage, avec PMA, etc. Mais c’est vrai que je me posais beaucoup de questions là-dessus. façon dont nous regardions ces femmes célibataires avec des enfants comme si elles l’avaient fait exprès, elles l’avaient cherché, elles avaient eu un bébé dans leur dos.

Virginie Linhart parle aussi dans ce livre de sororité, car ce sont ses amies qui lui ont appris beaucoup de choses sur la maternité, qui ne lui ont pas été transmises par sa mère, et ensuite comment “élever son enfant avec imagination”. Car comme l’écriture, la maternité demande une bonne dose d’imagination.

L’effet maternelde Virginie Linhart, Flammarion, 2020.

La maternité féconde non seulement la littérature, mais aussi les essais incarnés. France Inter rassemble les voix de mères, souvent des auteurs, d’horizons divers qui réfléchissent sur ce que signifie être mère, quand on ne rentre pas dans des cases. Une sélection d’épisodes de la série Marge met les mamans à l’honneur, toutes mamans. Sortie le 24 mai !

 
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