“So it’s good”, by Clémentine Mélois, Gallimard, “L’arbalète”, 208 p., €19.50, digital €14.
C’est la plus belle croix du cimetière. Une grande croix en fonte du XIXème sièclee d’un bon mètre soixante de haut, avec son Christ et, au pied, la tête de mort et les os croisés. Mais ce qui le distingue des autres, ce qui le rend unique, c’est qu’il est émaillé d’un bleu outremer vibrant. Elle se dresse sur la tombe de Bernard Mélois (1939-2023), sculpteur qui, justement, a fait de la tôle émaillée recyclée (seaux, cruches, casseroles, bassines) le matériau essentiel d’une œuvre où hommes, bêtes, allégories absurdes et inversées, les Les pièces assemblées d’un puzzle polychrome et joyeux naissent.
L’avenir devient trop court
« Nous allons peindre ton cercueil, papa. Quelle couleur souhaiteriez-vous ? Rouge ? JAUNE ? Ou doré à la feuille, comme un sarcophage ! — Oh non, tu ne vas pas utiliser de feuilles d’or pour ça… Le bleu de la croix sera bien. » Clémentine Mélois, d’une tendresse débordante, tient bon Donc c’est bon la difficile chronique de la longue maladie de son père, de ses derniers jours, de sa mort et de ses funérailles. Elle retient les instants, les instants que le temps disperse. Il met en boule le chagrin, l’inquiétude, les éclats de rire, la fatigue, les efforts, les hasards, le ridicule, la délicatesse. « Je dois raconter cette histoire alors que j’ai encore de la peinture bleue sur les mains. Elle finira par disparaître, et je crains que les souvenirs ne l’accompagnent, comme un rêve qui s’échappe au réveil et qu’on ne peut retenir. »
Une fois le squelette de ferraille assemblé, et avant de recouvrir ses sculptures de plaques colorées, Bernard Mélois a placé en leur centre un cœur en émail. Un cœur caché, aux battements silencieux. De la même manière, le livre ressemble à une sorte de reliquaire. Il est constellé d’anecdotes, couvert d’images vivantes, agrémenté de petites phrases et de bons mots, de chansons et de rires. Une fois la mauvaise nouvelle annoncée, l’avenir devient trop court pour les lamentations. Il y a tant de choses à faire tant qu’il ne reste qu’un souffle. Céder au chagrin est un effort inutile.
Donc c’est bon est un hommage ou plutôt une révérence à la vie. Celui de Bernard Mélois, que l’on voit à l’œuvre dans le vacarme de son atelier. Martelage, meulage, ponçage, soudage, mains noires de poussière métallique. Originaire d’un paysan breton parti étudier les beaux-arts à Nancy comme on part en Amérique, il se consacre à son travail loin du monde de l’art et du monde en général. Les acheteurs ont dû faire l’effort de venir. La célébrité a été une longue attente. Rester ainsi, à la fois poète et rêveur, n’aurait sans doute pas été possible sans Michèle (« Ma coquille »dit-il), la femme aimée et aimante qui, avec son salaire, pendant des années, a fait bouillir la marmite du couple, puis de la famille : trois filles, dont Clémentine Mélois est la plus jeune. « Un amour comme celui de mes parentselle se confie, On ne le voit que dans les livres ou les séries de Noël à la télévision. »
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