Un voyage onirique
Le roman s’ouvre sur un homme maudit parce qu’il a volé un miroir et tué le marchand. Depuis cet acte répréhensible, il crache des crapauds et des serpents. Il part à la recherche d’un sorcier, surnommé le Supervieux, qui pourra le sauver. Mais le personnage principal est protéiforme, change d’apparence dans la suite du roman. La narration devient plus complexe et le lecteur est plongé dans un labyrinthe narratif, entre réalité et fantastique, avec des personnages qui eux aussi évoluent et changent d’apparence comme dans un rêve. Le personnage initial semble brisé et se métamorphoser, quitte à désorienter le lecteur.
J’ai découvert Mohammed Khaïr-Eddine, cet auteur marocain, et j’ai beaucoup aimé son écriture. Il ne s’adresse pas à un lecteur qui attend un récit simple, avec des personnages clairement catégorisés dans un lieu et une époque clairement définis. Le lecteur de ce roman part à l’aventure et se laisse emporter par l’imagination de cet écrivain qui sera sans aucun doute parmi les meilleurs de ce pays. Il s’agit de voyage, mais lequel ? lesquels ? L’écrivain raconte-t-il un rêve et dans ce cas le voyage est mental ? S’agit-il d’une plongée aux Enfers dans la première partie du roman comme Dante l’avait déjà décrit poétiquement ? Est-ce une manière métaphorique de décrire l’exil et le moi d’un individu à l’époque de l’auteur ? Les choses ne sont pas simples et le lecteur doit l’accepter d’emblée s’il ne veut pas s’ennuyer.
Il y a quelque chose de cauchemardesque dans ce roman qui peut aussi faire sourire par moments. Certaines scènes sont presque grotesques, comme lorsque ce personnage criminel semble violé par Satan. La façon dont la scène est représentée est frappante, impressionnante et absurde à certains égards. C’est un texte fort débordant d’imagination qui nous est donné à lire. Le personnage a également beaucoup bougé, tant de villes marocaines sont convoquées. Les confidences de ce/ces personnage(s) sont comme des visions qui en disent long sur le personnage tout en le rendant insaisissable. Parfois, on a même l’impression qu’il est mort et qu’il réfléchit à ce qu’a été sa vie.
Un roman stimulant, riche et fantaisiste, mais qui ne tombe pas dans la simplicité.