sa relation tumultueuse avec Eve Babitz racontée dans un livre

sa relation tumultueuse avec Eve Babitz racontée dans un livre
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Froide, réservée, cachée derrière ses énormes lunettes de soleil. Ce sont souvent les premières choses qui nous viennent à l’esprit quand on pense Jeanne Didionun immense écrivain américain, à qui l’on doit des œuvres majeures dont L’année de la pensée magique Ou Mauvais joueurs. Sa plume est aussi à son image : à la fois distante et incisive, froide et chirurgicale. Par ses pairs, l’auteure était perçue, jusqu’à sa mort en décembre 2021, comme un personnage opaque et insaisissable.

Cette année, l’auteur et journaliste Lili Anolik propose de (re)découvrir Jeanne Didion à travers le prisme de son amitié avec un autre écrivain américain : Eve Babitz. Les deux femmes entretenaient en effet une correspondance intense, marquant une relation houleuse, étalée sur de nombreuses années. Dans Didion et Babitzdisponible dès le 12 novembre 2024, elle décrypte les moindres détails.

Joan Didion avec son mari, John Gregory Dunne, et sa fille, Quintana Roo Dunne, à Malibu, Californie, 1976.© John Bryson/Getty Images

L’intellectuel et la bimbo

Quand nous avons demandé Jeanne Didion qui étaient ses monuments littéraires, elle mentionnait rarement les femmes. Parfois elle avouait une certaine parenté avec les sœurs Brontëmais j’ai préféré me rappeler que c’était en lisant Ernest Hemingway qu’elle avait appris à écrire. De la même manière, l’idée d’être considérée comme une femme écrivain l’horrifiait au plus haut point. Aux yeux de la société, elle a mené une existence très respectable, de ses études à Berkeley à son travail pour Voguela publication de son premier roman et son mariage avec l’écrivain John Gregory Dunne. Il y a donc quelque chose d’étonnant dans l’admiration qu’elle portait à Eve Babitzqui aimait nommer Marilyn Monroe comme sa plus grande inspiration, et qui était, à l’époque, considérée plus comme une groupie que comme une écrivaine à part entière. Rares étaient alors à prendre au sérieux cette jeune mondaine dévorée par une envie insatiable de faire la fête et de multiplier les conquêtes célèbres. Encore, Didion il a immédiatement vu son talent et n’a jamais essayé de le nier.

Près de dix ans séparent les deux femmes. Quand leurs chemins se croisent pour la première fois, Jeanne Didion a presque 33 ans – Babitz, 24. Pourtant, leur correspondance témoigne du soutien que le premier a apporté au second, mêlé d’un certain ressentiment. Dans Hollywood’s Eve : Eve Babitz et l’histoire secrète de Los Angelesune biographie consacrée à Babitz et publié en 2019, le journaliste Lili Anolik est le premier à explorer le lien entre les deux auteurs, soulignant que Didion fut le premier à considérer Babitznotamment en le recommandant à Grover Lewisrédacteur en chef du magazine Pierre roulante, qui publiait les écrivains les plus tendances du moment. Il semble donc Le Cheikh, le tout premier article de l’auteur. Lorsque les deux femmes se rencontrent pour la première fois, en 1967, Didion est un auteur tourné vers l’avenir, dont le premier livre, Courez, rivière, publié en 1963, il promet déjà de flirter avec les sommets de gloire et de reconnaissance de ses pairs. Encore, Courir, rivière n’a pas réussi à captiver le public, ni même les critiques, en fait. Ceci est son prochain livre, le recueil d’essais Avachi vers Bethléem, publié en 1968, qui conforte son appartenance au nouveau mouvement journalistique, et attire l’attention d’un critique du New York Times. Il n’en fallait pas plus pour que ça clique. Un déclic qui se faisait attendre depuis longtemps Babitzdont le travail a toujours été sous-estimé, jusqu’à sa mort en 2021.

Après la disparition deEve Babitz, c’est un monde qui s’ouvre, découvert parmi ses cases intactes. De nombreuses lettres révèlent sa correspondance avec de nombreuses personnalités de l’intelligentsia américaine de l’époque, dont Jeanne Didion. En effet, durant cette période, rockstars égocentriques, starlettes hollywoodiennes et écrivains déprimés se retrouvaient tous au 7406 Franklin Avenue, où Didion avec son mari. Cette maison fut ainsi le théâtre de la relation compliquée entre les deux femmes, toutes deux ambiguës, nourries d’une amitié sincère mais empoisonnées par une certaine rivalité. Nous rencontrons les deux femmes lors de nombreuses réceptions, jusqu’à ce que leur lien, qui paraissait si tenace, se brise. Selon certains, Didion j’en ai eu marre de l’enfant terrible qu’était Babitz. Cette dernière précise que c’est elle qui a viré son aîné. La vérité se trouve sans aucun doute au carrefour de ces histoires. Dans une lettre datée de 1972, qui n’a probablement jamais été envoyée, il est par exemple Babitz qui attaque Didion et déplore qu’il ne puisse pas la convaincre de lire les écrits de Virginia Woolf. Elle écrit notamment cette phrase meurtrière : «Pourrais-tu écrire ce que tu écris si tu n’étais pas si petite, Joan ?», laissant entendre que sa sœur doit son succès à sa petite taille, ce qui n’inquiète pas les hommes qu’elle croise.

Joan Didion – Mauvais joueurs

Rivalités californiennes

Eve Babitz est décédé le 17 décembre 2021 à Los Angeles, des suites de la maladie de Huntington. Jeanne Didion la suit quelques jours plus tard, le 23 décembre, à son domicile de Manhattan, à l’âge de 87 ans. De quoi alimenter les croyances selon lesquelles le lien qui unissait les deux femmes était bien plus fort que les apparences pourraient le laisser croire – notamment dans leurs écrits. Didion Et Babitz sont en effet deux auteurs qui ont offert des regards singuliers sur Los Angeles, de ses excès les plus fous à son quotidien le plus acéré. Là où Babitz en propose une version idéalisée et fantaisiste, sublimée par son esprit libre, Didion a toujours eu à cœur de délivrer une vérité, sa vérité, aussi sombre soit-elle. Ainsi, elle devient une icône culturelle, et change profondément la perception de Los Angeles dans l’esprit des Américains des années 1960 et 1970 – une ville comme capitale mondiale de la culture pop, une usine à films, une usine à musique, une usine à rêves qui , pour Didiontirer davantage du côté de la chimère, où Babitz était une fille d’usine par excellence, un pur produit de Los Angeles. On pourrait ainsi lire Le Cheikhson premier article, pour défendre sa ville bien-aimée, après Didion en a peint une terrible fresque en Mauvais joueurs.

Eve Babitz – Eve à Hollywood

Durant toutes ces années, Eve Babitz et Joan Didion n’étaient-ils pas, en fin de compte, les deux faces d’une même médaille ? Deux ça les filles des figures littéraires aux visions curieuses et excentriques. Dans les remerciements de son livre Eve à Hollywood (1974), Babitz merci “Les Didion-Dunnes, pour devoir être ce que je ne suis pas». Un aveu de respect pour celle qui a publié son premier livre, écrit comme un mystère, une déclaration au sens caché – la confirmation qu’elle se définit dans tout ce qui Didion n’est pas non plus l’un des plus grands stylos américains, aussi célèbre, dans les années 1970, qu’un Hunter S. Thompson. Eve Babitz Il a fallu attendre sa mort pour que ses écrits suscitent une attention sans précédent, notamment auprès d’une nouvelle génération de lecteurs.

 
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