Une plongée dans le Harlem des années 60, des intrigues dans l’Italie de la Renaissance, une saga SF ambitieuse… Nos suggestions de livres à glisser dans vos poches cette semaine.
Publié le 28 septembre 2024 à 11h30
“Harlem Shuffle”, de Colson Whitehead
Il est, dans l’histoire de la littérature américaine, le troisième écrivain – après William Faulkner et John Updike – à avoir reçu à deux reprises le prix Pulitzer de fiction. En 2017, c’était pour Chemin de fer clandestin, et en 2020, pour Nickel Garçons. Deux fictions dramatiques qui ont éloigné un temps Colson Whitehead de New York, sa ville natale (en 1969) et creuset de son inspiration pendant près de vingt-cinq ans. Il revient avec Mélange de Harlemun savoureux roman noir embrassant les années 1959-1964, tous ensemble placés sous les auspices de Chester Himes et Patricia Highsmith – l’ambiguïté du personnage principal, Ray Carney, un père de famille ordinaire et, sinon un escroc, du moins “un petit filou”, rappelle peut-être celui de Tom Ripley. « Archéologie du quartier de Harlem », replongeant un demi-siècle dans l’histoire de New York, le roman s’est irrésistiblement élargi pour devenir une trilogie, dont le deuxième tome La règle du crime vient de paraître en France et le troisième est en cours de rédaction. — Par.C.
Éd. Le Livre de Poche, 9,40 €.
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“On ne peut pas demander au lecteur de passer 500 pages avec un type ennuyeux”
« Léonard et Machiavel », de Patrick Boucheron
Urbino, un jour de juin 1502, au Palais Ducal. Il y en a trois. Cela peut être du théâtre ou du roman. C’est de l’histoire. César Borgia, 27 ans, fils du pape, nouveau maître d’Urbino, dit « le Valentinois », nouvelle étoile prometteuse de la politique italienne ; Niccolo Machiavel, notre Machiavel, 33 ans, secrétaire de chancellerie au service de la République de Florence, futur auteur de Prince ; et Léonard de Vinci, le grand Léonard, 50 ans, parmi les artistes les plus reconnus et nouvel « ingénieur ducal » de César Borgia. Trois hommes donc, en tout point dissemblables et pourtant contemporains, acteurs ou témoins de l’incroyable bouleversement de leur époque. Commencez, par cette réunion, Léonard et Machiavel, le « premier vrai grand livre », selon lui, par Patrick Boucheron, historien du XVee siècle, spécialiste de la Renaissance italienne et auteur d’une thèse sur l’urbanisme et les pouvoirs princiers à Milan au XVe sièclee siècle. — CC
Éd. Verdier Poche, 10,50 €.
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s « Léonard et Machiavel »
« Que notre joie demeure », par Kevin Lambert
Ici, tout commence (pas forcément bien) et se termine (plutôt mal) par un accueil somptueux chez les hyper riches. Pour son troisième roman, auréolé du prix Médicis 2023, le Québécois Kevin Lambert abandonne les ouvriers d’une scierie en lutte contre leurs patrons des puissants. Querelle, son deuxième livre. Place cette fois-ci à une plongée dans les riches, à travers le personnage de Céline Wachowski, partie de rien, devenue une architecte star, qui signe des contrats partout dans le monde et une série sur Netflix, côtoie le All-Hollywood et vit avec certitude que son art contribue à la beauté du monde. Nous suivrons son ascension, sa chute et sa rédemption – car au faîte de sa gloire, elle tombera, accusée de favoriser la gentrification des villes, lynchée par les réseaux sociaux et abandonnée par ses actionnaires. — SE
Éd. Points, 8,95 €.
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r « Que notre joie demeure »
«Ceux qu’on tue», de Patricia Melo
Un avocat de São Paulo atterrit à Cruzeiro do Sul, dans l’État d’Acre, pour suivre le procès de trois jeunes hommes accusés du meurtre d’un adolescent indigène. Si elle reste sur le territoire brésilien, sa traversée en diagonale du pays équivaut à un changement de monde. Loin de l’agitation de la mégalopole, elle se retrouve en contact direct avec la forêt amazonienne. Ce dépaysement et l’atmosphère éprouvante du procès vont réveiller dans ses souvenirs un passé traumatisant enfoui : le meurtre de sa mère. C’est là, sur les rives du Rio Juruá, que ce personnage anonyme, comme s’il visait l’universel, va trouver certaines réponses et tenter de se libérer d’une relation toxique. — YL-S.
Éd. 10-18, 8,60 €.
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r “Ceux qu’on tue”
“Terra Ignota Vol. 1 – Trop semblable à la foudre”, par Ada Palmer
Elle est spécialiste de la Renaissance, enseigne l’histoire à l’Université de Chicago, a déjà écrit un ouvrage scientifique sur la De la nature des choses de Lucretia, et nous propose une saga de science-fiction d’une rare ambition : un personnage étrange comme Ada Palmer (née en 1981) qui fait une entrée fracassante sur la scène de l’imaginaire. Nous sommes au XXVe siècle, dans un monde presque idéal : il n’y a plus d’États-nations, les humains se regroupent par affinités dans des « ruches », la faim est abolie, la guerre aussi, les genres et les religions ont disparu, et même le travail n’est plus obligatoire. Mais tout cela peut être remis en cause par un tout petit incident : le vol de la liste des dix influenceurs les plus importants de ce monde… Difficile de résumer cette fascinante création, qui puise autant au siècle des Lumières qu’à Hypérion ou Dune. -HP
Éd. Le Livre de Poche, 12,40 €.
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r «Terre inconnue, tome un»