“Le livre est à la fois le crime et l’excuse”

“Le livre est à la fois le crime et l’excuse”
“Le livre est à la fois le crime et l’excuse”

Je l’ai découvert grâce à ma meilleure amie, qui m’a conseillé A l’ami qui ne m’a pas sauvé la vie. C’est une lecture merveilleuse qui frise l’indicible et l’insoutenable. Et à partir d’Hervé Guibert, j’ai vraiment commencé à m’intéresser à l’autofiction, qui me paraissait jusqu’alors presque trop académique… Découvrir les phrases haletantes de Guibertqui peut durer des pages entières sans qu’on s’en rende compte, m’a réconcilié avec les miennes, qui étaient très longues. Je parle souvent de Fou de Vincent parce que j’ai beaucoup aimé cette tentative désespérée d’enfermer un homme dans un livre, avec des petites notes, des observations, en se disant qu’on n’aura certainement pas tout dit sur cet homme, mais que les images auront été captées au moment où elles se sont présentées.

Et dans vos livres, on retrouve aussi de l’humour – ce qui était aussi le cas de Guibert, on a tendance à l’oublier. Comme preuve Mon voiturier et moi, Par exemple…

L’humour deHervé Guibert est très noir. Alors même si ce que je rapporte peut donner l’impression que je suis méchant, j’essaie constamment de ne pas l’être ! Un des passages de Mal joli Les plus compliqués à écrire ont été l’été avec la belle-famille. A ce moment-là, j’essaie de décrire mon mari comme une présence, de le nommer le moins possible, de ne pas l’accabler car ce n’est pas le but de l’opération. Quand on aime quelqu’un d’autre et qu’on vit entre les griffes des enfants et de la belle-famille pendant l’été qui n’en finit pas, et qu’en plus on a du travail à la fin de la journée, soit on a envie de s’arracher les cheveux et de crier, soit on dit vous-même qu’il y a là quelque chose d’irrésistible. C’est rire pour ne pas pleurer. Mais je crois que lorsqu’on est parent, on est sauvé par l’humour sur soi-même.

Et par désir aussi. Le désir, un fil conducteur finalement encore peu exploré par les auteures féminines. Il y avait Marguerite Duras, Régine Déforge…

Le vélo bleu de Régine Déforge est un modèle du genre. Son personnage masculin principal, François Tavernier, était l’homme de ma vie ! Ce qui pourrait expliquer cette sorte d’attirance-répulsion que j’avais pour les hommes de droite… Parce que Tavernier c’est l’homme de droite incarné, le salaud plein de nuances, on ne sait jamais comment l’attraper. Mais cette façon d’évoquer si directement la sexualité sans être pornographique, je l’ai trouvée chez Françoise Rey, un livre de poche tout lové dans la cave de mes parents. j’avais croisé Marcel Facteur, puis j’ai lu Plaisir et extasesur Anaïs Nin Et Henri Miller. Alors que la littérature érotique féminine a longtemps été riche de métaphores, de champs lexicaux de fleurs ou d’animaux, bref très précieux, Françoise Rey écrit comme peu d’hommes savent le faire. C’est à dire qu’elle est très directe sans jamais tomber dans la vulgarité. Elle ne mâche pas ses mots, elle appelle un chat un chat. Il y a un délice qui m’a toujours laissé sans voix. Je voulais être dans le même état que ses personnages et surtout écrire de la même manière. Pour que les lecteurs restent allumés sur le feu de leur propre désir pendant des heures, des jours, des semaines. Parce que la littérature érotique n’a pas pour but de faire jouir le lecteur, il s’agit de le faire bander… et de réfléchir en même temps.

C’est dans la collection de Vanessa Springora que vous avez publié votre avant-dernier livre, Odile en été

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

PREV Les Délicieuses, a recipe book for Pink October
NEXT Un nouveau festival, des ateliers d’artistes, du playback, du rap et des livres, voici votre week-end à Montpellier et ses environs