C'est la France d'Eric Fottorino

En ces temps de rentrée littéraire et de retour à l’école, en ces temps aussi de dématérialisation qui s’incarne dans tous les écrans qui peuplent nos poches, j’ai envie de vous parler de ce vaillant survivant des temps anciens qu’on appelle le livre. Des livres de toutes sortes, des romans – c’est la saison des feuilles vivantes et vibrantes lorsque tombent les premières feuilles mortes – mais aussi des essais, des beaux livres, des romans graphiques, des recueils de poésie, des dictionnaires, sans oublier les iconiques Pléiades en papier bible, les livres de poche, les polars et bien sûr les bandes dessinées cartonnées qui contiennent souvent de beaux souvenirs d’enfance transmis tant bien que mal à notre progéniture gavée d’images électroniques.

La première question est de savoir quoi faire de ces livres, de tous ces livres qui s'accumulent au fil des années. Certains n'ont jamais été ouverts mais qui sait pourquoi, on les garde. D'autres ont été lus et relus, cornés, annotés, la tranche cassée, les voilà un peu déchirés, un peu froissés, mais on les garde avec affection, des déménagements sans grande considération aux voyages, ou aux vacances, d'où ils reviendront avec entre les pages quelques grains de sable d'une plage adorée ou une carte postale glissée entre deux chapitres.

Voici une description en quelques images de cet étrange attachement que nous avons, enfin plusieurs d'entre nous, non pas aux livres en général, mais à nos livres, avec ce constat de Julien Bisson dans le 1 des libraires sur la rentrée littéraire, et que je partage avec vous : il y a des livres à lire et des livres à être là.

Comment les classer ?

Je ne vais pas vous parler du classement spécial poubelle vertical des livres que l'on ne lira pas. Ceux-ci relèvent d'un choix personnel, voire intime, entre ceux qui ont fait leur temps, et ceux pour lesquels on n'aura certainement pas le temps. Au contraire, ceux que l'on a envie de garder pour les lire un jour, les relire ou simplement les regarder, obéissent à toutes sortes d'impulsions : l'impulsion logique et raisonnable : le classement par ordre alphabétique, que l'on peut franchir en introduisant un classement par éditeur ou par collection. L'impulsion esthétique qui harmonise les couleurs et fait se succéder l'ivoire de Gallimard avec le blanc-bleu de Minuit, le jaune de Grasset avec les nouveaux venus colorés comme Iconoclaste, les éditions colorées de Zulma ou les dos illustrés de Philippe Rey, entre autres exemples. Sans oublier l'impulsion géométrique, les grands avec les grands, les petits avec les petits…

Un ordre immuable ?

Pas forcément ! Classer, ce n'est pas figer. Il suffit que vous trouviez soudain, comme dans la bibliothèque de François Morel, sympathique de réunir Vian et Prévert, parce qu'ils s'aimaient dans la vraie vie, et voilà, votre bel échafaudage alphabétique est ruiné. Il suffit qu'il n'y ait plus de place au bout d'une étagère pour que l'harmonie des couleurs savamment trouvée soit menacée. Et je ne parle pas des livres trop hauts qui ne rentrent pas, sauf horizontalement. Ni de la nécessité d'une double rangée pour ranger le surplus. Mais peu importe. Ce qui compte au final, c'est que votre bibliothèque vous ressemble, qu'elle soit une sorte de carte d'identité rêvée, remplie de tous les divers et de tous les ailleurs de la vie. Car c'est une certitude : si nous lisons des livres, les livres nous lisent aussi, et nous disent qui nous sommes.

Et donc à lire dans l'une des librairies !