que vaut le dernier roman d’Hervé Le Tellier ? – .

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Comme ça doit être dur d’écrire, le deuxième roman après un succès comme L’anomalie (2022, Gallimard), auréolé du prix Goncourt en 2020. Concernant ce fameux “nom sur le mur”celui d’André Chaix, dans sa nouvelle “Lieu de naissance” originaire de la Drôme Provençale, Hervé Le Tellier a-t-il immédiatement imaginé que ce serait son prochain livre ?

« Sans aucun doute, toutes les vies sont romantiques. Certains plus que d’autres. »

L’histoire qu’il faut raconter

Nous ne connaissons pas André Chaix. Il était cependant résistant au sein des Forces françaises de l’intérieur (FFI). Son destin est celui des autres : être tué à 20 ans, en 1944. Un destin, certes, mais certainement pas une trajectoire universelle. En reconstituant ce que l’on peut savoir de la vie d’André Chaix, Hervé Le Tellier montre que la vie de ce résistant est une histoire singulière, en aucun cas un symbole.

Le nom sur le murle nouveau livre d’Hervé Le Tellier, sur les traces d’André Chaix.©Gallimard

Fragments de soi

Tout écrivain est-il destiné à aborder, un jour, un sujet dont la mémoire est le pivot, comme Patrick Modiano ? Probablement pas, mais il semble qu’en faisant des parallèles (toujours bien ressentis) avec sa propre vie, Hervé Le Tellier parvient à nous faire oublier ce qu’on a l’impression d’avoir déjà lu.

Ce qui semble encore une fois essentiel à lire. Un exemple ? Le souvenir du suicide de Piette, la femme que l’auteur aimait, alors qu’elle avait 20 ans. Par coïncidence, c’est aussi l’âge auquel André Chaix est tué, laissant Simone, sa fiancée, livrée à leur amour. Le Tellier n’imaginait sans doute pas que ce nom inscrit sur ce mur l’amènerait à raconter ces instants de sa vie. Mais c’est ainsi que va la littérature : elle éclaire parfois les coins sombres.

« André aura toujours 20 ans, Simone sera toujours sa femme. »

Le sujet de ce livre est ce qu’on pourrait appeler un sujet périlleux, oserons-nous dire le terme, même “Casse-gueule”. C’est aussi la raison pour laquelle, avec son petit ton plein de malice qu’on prend plaisir à retrouver, l’auteur nous plonge dans les rouages ​​de l’écriture, peut-être pour se vider l’esprit. Permettez-vous. Il nous présente ce qu’il aurait pu faire, ce qu’il a refusé de faire (typiquement, une lettre ouverte à André Chaix). Une sorte de coulisses, où l’on réalise aussi que 2024 est l’année du centenaire de la naissance d’André Chaix. Une coïncidence, une énième, en forme de rappel que le sujet reste crucial. Cela le restera.

Sur les traces d’André Chaix

Et puis il y a les images. Le nom sur le mur est un livre illustré. Parce qu’Hervé le Tellier a rassemblé tout ce qu’il a eu l’occasion de rassembler. Par exemple, lors d’une exposition sur la résistance dans la Drôme, il découvre des photos d’André Chaix et de son frère, mais, point d’orgue de cette petite quête, il se retrouve avec une boîte contenant les papiers d’identité d’André, son fume-cigarette, ou même un article de Le Dauphiné libéré qui annonce ses funérailles.

Rappelons-le, Hervé Le Tellier est l’actuel président de l’Oulipo (Ouvroir de littératurepotentielle). Au fil des pages, on retrouve les noms de certains membres : Perec, Queneau, le Lionnais, Calvino. Mais il ne s’agit pas à proprement parler d’un livre oulipien. Du moins, pas frontalement. Le nom sur le mur est plutôt un livre de sensibilité, qui pourrait, à certains égards, nous rappeler Toutes les familles heureuses (LgF), un autre livre de l’auteur, paru en 2017, dont l’écho autobiographique pourrait être un fil à tirer.

Penser l’Histoire

Le nom sur le mur est aussi un livre qui rappelle qu’au-delà de la démocratie, l’homme est fragile. Pas aussi fort qu’on voudrait le croire. Qu’il veut le croire. L’occasion pour Le Tellier de parler une nouvelle fois de sa découverte du film Nuit et brouillard (1956) d’Alain Resnais.

L’auteur tire également cet exemple frappant de l’expérience de Stanley Milgram, reportée au cinéma par des films comme La vague (2008). Un exemple qui, une fois de plus, nous montre que nous reconnaissons la démocratie peut-être moins par le fait de parvenir à un accord, que par la capacité que nous avons de ne pas être d’accord, en paix.

Bande-annonce pour La vague.

Au fond, quand on y pense, on ne sait pas vraiment si Le nom sur le mur est une enquête. On ne sait pas trop ce que l’on cherche avec André Chaix. Mais cela nous convient. Nous aimons le trouver, ensemble. Car André Chaix n’est autre que le nom d’un homme qui nous ressemble, un peu. Beaucoup. Certainement pas.

Le nom sur le mur de Hervé Le Tellier, Éditions Gallimard, 176 p., 19,80 €, depuis le 18 avril 2024 en librairie.

 
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