Les bibliothèques universitaires allemandes traquent les livres contaminés à l’arsenic

Les bibliothèques universitaires allemandes traquent les livres contaminés à l’arsenic
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Cette histoire n’est pas sans rappeler le célèbre roman d’Umberto Eco le nom de la rose, publié en 1980 et adapté au cinéma par Jean-Jacques Annaud. Les livres en question, les livres toxiques, ont tous été publiés au XIXème siècle, à une époque où le pigment vert était très à la mode. Celui qui pose un problème particulier est un colorant qui contient de l’arsenic : le « Vert Schweinfurt », également connu sous le nom de « Vert Paris ». Les éditeurs l’utilisaient pour fabriquer des couvertures, des reliures, des pages de garde ou des dos de livres. Pour quoi ? Eh bien, parce que cette teinture donnait aux œuvres une belle couleur verte, vive et brillante, elle rendait les volumes particulièrement attractifs et on dit que Goethe aimait beaucoup ce vert. Le « vert Schweinfurt » n’était pas seulement utilisé dans le monde de l’édition, mais aussi pour fabriquer du papier peint, teindre des vêtements et des bougies ou décorer des jouets pour enfants, par exemple. Ce sont des scientifiques de l’Université du Danemark du Sud qui ont découvert, un peu par hasard, la présence d’arsenic dans certains ouvrages, alors qu’ils radiographiaient des livres à la recherche de textes latins. les anciens cachés dans les reliures. Peu de temps après, l’Institut des sciences de la restauration et de la conservation de Cologne a examiné une sélection de livres et a également découvert de l’arsenic.

Une couleur verte attrayante mais toxique

Oui, mais l’arsenic, qui porte le numéro atomique 33 dans le tableau périodique de Mendeleïev, est aussi un puissant perturbateur endocrinien. Une exposition prolongée peut favoriser le développement de cancers et endommager les voies respiratoires, les vaisseaux sanguins et même le système nerveux. Si vous manipulez un livre réalisé avec du « Schweinfurt Green », votre peau sera en contact avec l’arsenic, et si vous humidifiez vos doigts avec votre langue pour tourner les pages plus facilement par exemple, vous risquez de l’absorber. une petite quantité. C’était un poison idéal pour les meurtriers car il était très difficile à détecter, bon marché et facile à obtenir pour lutter contre les rongeurs. L’histoire est pleine de tueurs qui ont utilisé l’arsenic pour empoisonner leurs victimes. On peut citer Vera Renczi, une Roumaine dite « Madame Barbe Bleue » qui élimina 35 hommes dans les années 1920 ou l’Américaine Amy Archer-Gilligan dont l’histoire inspira une pièce de théâtre puis le film de Franck Capra « L’Arsenic et les vieilles dentelles. Dans le cas de livres contaminés, le danger pour la santé est heureusement bien moindre, car l’exposition à l’arsenic reste très faible. Cependant, il existe toujours un risque de malaise, de vomissements ou de diarrhée.

L’ampleur de la contamination

Selon l’Association des bibliothèques allemandes, 5 à 7 % des quelque deux millions d’ouvrages du XIXe siècle conservés dans les bibliothèques sont concernés. Si nous prenons le bas de gamme, cela signifie qu’au moins 100 000 livres sont potentiellement contaminées par l’arsenic. Ces volumes sont facilement reconnaissables à leur couleur vert vif. Ce sont des ouvrages qui couvrent tous les sujets : mathématiques, sociologie, littérature, manuels de droit, recueils de poésie. Evidemment, toutes les œuvres qui ont une couverture verte ne contiennent pas d’arsenic, car il y avait d’autres procédés de coloration. Mais les autorités ont décidé d’appliquer le principe de précaution. Les bibliothèques universitaires revoient actuellement leurs stocks. Celui de Düsseldorf a par exemple fermé ses portes pendant 5 jours pour retirer de ses rayons 15 000 livres suspects. À Bielefeld, au nord-est de l’Allemagne, la direction de la bibliothèque s’apprête à mettre en quarantaine 60 000 livres ; les 24 000 étudiants ont été alertés des risques via une messagerie interne et ont dû restituer les livres potentiellement contaminés. Il est demandé au personnel de porter des gants et des masques de protection FFP2, du même type que ceux utilisés pendant la crise covid. D’autres universités sont concernées, à Sarrebruck, Siegen, Kaiserslautern et Duisburg.

L’avenir des livres contaminés

Des scientifiques de Cologne et de Kiel développent des tests de dépistage rapides pour évaluer les dangers potentiels, mais il est impossible de savoir combien de temps il faudra pour examiner tous les livres, probablement plusieurs mois. Entre-temps, ils sont exclus du système de prêt et mis sur la touche. Les livres contaminés subiront ensuite un traitement dont le processus est actuellement en cours de perfectionnement, mais il est probable que ces livres ne reviendront jamais dans les rayons. Au lieu de cela, certains devraient être numérisés et rendus à nouveau disponibles, sous forme de livres électroniques.

 
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