Voici les livres qui inspirent la cinéaste Lea Pool

Maintenant queHôtel son nouveau film, sorti en salles, la réalisatrice Léa Pool prend la parole pour nous inviter à découvrir son univers littéraire.

Quelles bonnes choses avez-vous lu récemment ?

L’usure d’un monde de François-Henri Désérable. En novembre 2022, François-Henri Désérable se rend en Iran alors même que les manifestations liées à la mort de Mahsa Amini se multiplient. Il s’inspire et rend hommage à Nicolas Bouvier qui fit également ce voyage en 1955 et le raconta dans L’utilisation du monde. Traversant le pays d’ouest en est, de la Turquie jusqu’à l’entrée du Pakistan, il témoigne de la violence, de la répression et de la vie des gens dans ce contexte. J’ai fait ce voyage moi-même en 1972 avec un ami sur une Vespa. De la Suisse à Kaboul…

Photo fournie par les Éditions Gallimard

Et si vous regardez en arrière, quels romans ont été pour vous de grands favoris ?

  • L’enfant brûlé de Stig Dagerman est l’un de mes grands favoris. L’auteur a écrit ce livre en 1948, alors qu’il avait 25 ans. Pour moi, c’est un chef-d’œuvre et j’avais déjà envie d’en faire un film, qui aurait été très bergmanien. On se concentre beaucoup sur la relation mère-fils, car c’est à la mort de sa mère que le fils de 20 ans découvre que son père avait une maîtresse. J’ai aimé cette détresse émotionnelle, qui est décrite de manière très profonde.
  • L’écume des jours de Boris Vian. Un roman d’amour onirique, l’un des plus beaux de son époque. Pour moi, à 18 ans, c’était un livre culte. J’ai trouvé qu’il y avait une liberté, une permissivité incroyable dans l’écriture. Il s’agit d’une œuvre unique en son genre, tant par son style que par son sujet.

Photo fournie par les éditions Le Livre de Pocket

  • La part de l’autre par Éric-Emmanuel Schmitt. Et si Adolf Hitler avait été admis à l’École des Beaux-Arts de Vienne au lieu d’être rejeté ? J’ai aimé la structure et la proposition de ce livre, car si un événement dans notre vie change, il peut aussi changer complètement notre trajectoire.
  • La tristesse des éléphants, Jodi Picoult. Nous suivrons ici une adolescente qui n’a jamais accepté la disparition inexpliquée de sa mère. Elle partira donc à sa recherche et sa quête nous mènera jusqu’au refuge des éléphants où elle travaillait. J’adore les éléphants et dans ce livre, nous en apprenons beaucoup sur eux.


Photo fournie par les éditions Actes Sud

  • Détresse et enchantement par Gabrielle Roy. Il s’agit d’un livre autobiographique, qui s’étend principalement de son enfance au Manitoba jusqu’à son retour d’Europe à la fin de la Seconde Guerre. J’ai réalisé un documentaire sur cette période de sa vie et j’ai été particulièrement touché par sa relation avec sa mère.


ENT-Portrait de la réalisatrice Léa Pool à Montréal.

Photo fournie par les Éditions Boréal

Y a-t-il un livre qui a été vraiment important dans votre vie ?

Oui, Lettres à un jeune poète de Rainer Maria Rilke. À l’âge de 27 ans, Rilke reçoit une lettre d’un jeune poète qui lui demande si ce qu’il a écrit en vaut la peine. Dans ce recueil de 10 lettres, Rilke révèle ses pensées les plus profondes. Un ouvrage précieux qui a longtemps été mon livre de chevet.

Hôtel Silence est adapté du roman Or de l’Islandaise Audur Ava Ólafsdóttir. Qu’est-ce qui vous a pris dans cette histoire ?

Or signifie « cicatrices », et j’aime la façon dont l’auteur traite un sujet sérieux avec pudeur et humanité. En faisant un parallèle entre les cicatrices d’un homme et celles d’un peuple traumatisé par la guerre, il met en lumière non pas la violence et la destruction (dont nous sommes quotidiennement bombardés), mais plutôt le travail de résilience, de solidarité et de reconstruction. La reconstruction de soi et de celle d’un peuple. C’est un livre d’espoir.

Quel autre roman aimeriez-vous un jour porter à l’écran ?

J’ai longtemps voulu adapter le roman Pèlerin par Timothy Findley, un écrivain canadien anglophone. Le personnage du Pèlerin est incapable de mourir, il est condamné à vivre éternellement. Mais si nous lisons la philosophie, nous savons que si nous aimons la vie, c’est parce qu’elle a un but. J’ai eu des commentaires élogieux sur le scénario, mais je n’ai jamais pu faire le film…


ENT-Portrait de la réalisatrice Léa Pool à Montréal.

Photo fournie par les Éditions Gallimard

Quel livre vous a marqué parce que vous ne pouviez pas le lâcher ?

Le merveilleux ami d’Elena Ferrante, et tout le reste de la série ! J’ai beaucoup aimé l’histoire de ces deux filles intelligentes, l’une qui va étudier et l’autre qui va réussir en aidant son père cordonnier. C’est très riche, avec en toile de fond.


ENT-Portrait de la réalisatrice Léa Pool à Montréal.

Photo fournie par les Éditions Gallimard

Qu’est-ce que vous lisez en ce moment?

Qimmik par Michel Jean. C’est une histoire en deux parties : d’abord celle d’Ève, une jeune avocate chargée de défendre les Inuk accusés du meurtre de deux policiers. Puis celle d’un couple qui, à une autre époque, vit avec leurs chiens, indispensables dans les régions rudes de la toundra. Michel Jean évoque les transformations qu’ont connues les peuples du Nord à l’arrivée des Blancs. La poursuite barbare des chiens de traîneau par la police m’a fait monter les larmes aux yeux.

Par quel roman souhaitez-vous terminer cette interview ?

Ça aurait pu être un film de Martine Delvaux, un livre que j’ai lu récemment. Un producteur de cinéma invite Martine Delvaux à écrire le scénario d’un film sur l’histoire d’amour entre Joan Mitchell et Jean Paul Riopelle. Mais Martine Delvaux s’intéresse rapidement à un troisième personnage, le jeune peintre américain Hollis Jeffcoat qui se retrouve au milieu du couple. […] C’est un texte féministe sur le monde de l’art, sur la place des femmes, ces femmes si souvent mises à l’écart, oubliées de l’Histoire.

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

NEXT Auteur de deux livres à 19 ans, Louis Lefèvre utilise les mots pour guérir