« Notre connexion avec les autres êtres vivants est si intime qu’elle nous altère »

« Notre connexion avec les autres êtres vivants est si intime qu’elle nous altère »
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Pourquoi avez-vous écrit ce livre?

Dans mes cours, je devine ou j’entends souvent, en échangeant avec le public, des conceptions biaisées ou erronées de la vie, de mon point de vue de biologiste. J’ai voulu bousculer les idées reçues sur la nature et les réécrire en incluant l’humain, qui se croit trop libre du reste de la vie. Je revisite notre position dans les écosystèmes et l’évolution. Cela nous amène à éviter certaines pratiques de consommation ou de gestion environnementale, mais cela offre aussi des perspectives d’action insoupçonnées : basé sur des histoires naturelles, ce livre apporte de bonnes nouvelles pour la santé, l’alimentation, le lien entre les sexes…

Dans l’évolution, y a-t-il plus de gagnants que de perdants dans la lutte pour la survie ?

On voit les gagnants, adaptés et capables de se reproduire : la nature semble « bien faite ». Mais non seulement personne n’y est parvenu, mais il y a des perdants dans la sélection naturelle. Il produit un charnier invisible d’individus ou d’espèces qui se sont moins reproduits et n’ont laissé aucune descendance. C’est plutôt mauvais pour eux… Cela fonctionne pour les humains : sous les tropiques, un teint foncé prévient le cancer de la peau grâce à la mélanine qui protège des rayons UV ; aux hautes latitudes, la peau claire laisse passer les UV, moins abondants, mais indispensables à la production de vitamine D. Sous les tropiques, les individus à la peau claire disparaissent sans descendance, tandis que ceux à la peau foncée sont éliminés aux hautes latitudes…

Les cultures sélectionnent-elles pour des caractéristiques biologiques ?

Oui ! Une spécificité de l’homme est son évolution culturelle, qui ressemble aussi beaucoup à l’évolution biologique dans ses mécanismes et son caractère perpétuel. Il interagit avec l’évolution biologique : par exemple, partout où les vaches sont élevées pour la traite, la digestion du lactose a été sélectionnée à l’âge adulte ; Dans les populations qui cultivent des céréales, les gènes de l’amylase salivaire, une enzyme qui attaque l’amidon contenu dans les graines, sont plus actifs. Nous sommes à la confluence de deux évolutions, culturelle et biologique – sans toujours la comprendre ni vouloir les contrôler.

Sommes-nous encore liés à d’autres espèces vivantes ?

Nous sommes soumis à une règle des écosystèmes : les espèces ont des relations de dépendance. Pensez à ceux que vous mangez (méditez là-dessus devant votre frigo, avant de faire votre propre chair au prochain repas) ou à ceux qui vous habillent (devant votre armoire… peut-être en bois !). Imaginez tous les organismes qui étaient nécessaires à ces espèces et qui vous servent donc indirectement… L’autonomie est un mythe et notre lien avec les autres êtres vivants est si fort et intime qu’il peut nous altérer. Prenons l’exemple du cadmium, un métal toxique qui contamine les engrais phosphatés fournis aux plantes : à travers eux, il passe dans nos assiettes et surcontamine la moitié des Français, exposés à des problèmes rénaux et osseux supplémentaires ou à des cancers !

Biologiquement, avons-nous toujours besoin de quelqu’un de plus petit que nous ?

Oui, il s’agit de notre dépendance interne au vivant : nous sommes habités par un microbiote composé de bactéries et de levures aussi nombreuses que nos cellules humaines. Elle nous maintient en bonne santé, et aujourd’hui son déclin en diversité est une des causes de l’explosion moderne des maladies du métabolisme (obésité, diabète), du système immunitaire (asthme, allergies…) et du système nerveux (Parkinson). , autisme…). Notre mode de vie occidental trop hygiénique affecte la biodiversité du microbiote et ses fonctions. Mon livre, quant à lui, explore les gestes qui sauvent des vies, comme manger des plantes riches en fibres qui nourrissent le microbiote ou éviter les savons et les aliments riches en conservateurs ou émulsifiants… On peut gérer cette dépendance au quotidien !

Sommes-nous les seuls animaux à produire des déchets ?

Non pas du tout ! L’air que nous respirons est un déchet végétal, les forêts regorgent de feuilles mortes… Mais ces déchets, produits depuis longtemps, ont sélectionné des espèces qui les consomment. Les nouvelles molécules issues de l’industrie chimique (plus de 5 000 par an !) et nos plastiques (aux deux tiers non recyclés) sont trop récents pour être dégradés. Ils génèrent des perturbateurs endocriniens et cancérigènes, toxiques pour les écosystèmes et pour nous… Côté déchets positifs, il faut redécouvrir le rôle de fertilisant de nos déchets de table et… de nos urines : la fertilisation est aussi notre lien avec le vivant ! Les Français urinent chaque année un tiers des besoins en azote et en phosphore de leur agriculture, mais ils les dispersent dans les stations d’épuration. Redécouvrons le sens biologique de nos déchets !

D’un point de vue biologique, avons-nous une conception dangereuse de l’égalité des sexes ?

Oui, mon travail aborde cette facette du biologique en nous : la différence entre les sexes, que nous gérons assez mal. Un exemple d’égalité dangereuse est la notice unisexe des médicaments : comme ceux-ci sont testés sur des hommes, les surdosages et les effets indésirables sont deux fois plus fréquents chez les femmes ! On ne comprend pas ce qui a façonné les sexes et leurs comportements chez l’humain, et on va parfois jusqu’à nier cet héritage biologique. Par exemple, les hommes harcèlent souvent les femmes, mais les dauphins ou les moineaux mâles ne font pas autrement avec leurs femelles : lutter contre ces excès intolérables dans notre pays nécessite de comprendre leurs racines, non seulement culturelles, mais surtout biologiques. C’est à ce prix que nous bâtirons l’équité entre les hommes et les femmes.

Qui est Arnaud Rafaelian, qui a illustré votre livre avec un humour aussi cinglant qu’hilarant ?

D’abord un ami ! Mais aussi un dessinateur qui vous aide à prendre du recul par rapport au texte en souriant ou… en plaisantant. Il appuie le propos tout en l’allégant…

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Nature et préjugésActes Sud, 2024

Actes Sud

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