Au 4 rue des Crayères, sous le nouveau pavillon transparent conçu par l’architecte Sou Fujimoto, « la cave vintage » permet à la maison qui aura bientôt 300 ans de réinterpréter le temps.
Montrez patte blanche. Une condition sine qua non pour être invité à descendre les quelques marches taillées dans la pierre de Soissons jusqu’à « la cave vintage ». Car dans ce caveau secret aménagé au sous-sol du nouveau pavillon Nicolas Ruinart conçu par l’architecte Sou Fujimoto « tout en transparence et en courbes »s’exclame le maître de chai de la maison Ruinart, Frédéric Panaïotis, seuls les connaisseurs et les collectionneurs sont invités à entrer. A l’abri des regards, tous les millésimes – sauf trois – de Dom Ruinart depuis sa création sont ici rassemblés, 1959 pour le blanc de Blancs, 1966 pour le rosé Dom Ruinart. Les bouteilles, pour la plupart, ne sont pas à vendre. Mais qui, pour certains millésimes – à partir de 1985 – et surtout 1988, peut être dégusté sur place. Et ce dans des conditions optimales.
« Une expérience unique et exclusive mais sous un éclairage artificiel de couleur orange pour préserver les vins de l’altération du temps et de la fraîcheur de la température, prévient le chef de cave. Quand, il y a trois ans, la plus ancienne maison de Champagne, fondée en 1729, envisage de construire un nouveau pavillon pour la célébration de son tricentenaire, Frédéric Panaïotis se met à réfléchir.
Une librairie avec tous les vieux millésimes
« Par le passé, il n’y a malheureusement eu aucune volonté de conservation de la part de Ruinart. Mais j’avais en cave quelques bouteilles de Dom Ruinart qui avaient été mises de côté par mes prédécesseurs. En particulier certains 2 000 bouteilles et 500 magnums qui ont été utilisés pour les premiers tests « d’impression du bouchon » en 1998. Des bouteilles incroyables. Fraîcheur exceptionnelle. On les a dégustés, on en a gardé un peu pour la postérité mais je me suis dit qu’il y avait peut-être aussi un moyen de le partager avec des passionnés, des amateurs qui aimeraient découvrir cet aspect du vieillissement avant que la « couronne capsule » ne devienne la norme à partir des années 1960. . Je me suis dit qu’il fallait constituer une bibliothèque avec tous les vieux millésimes car nous les avions presque tous perdus. Avant la Seconde Guerre mondiale, nous n’avions presque rien, pareil pour les années 1970-1980. »
Commence alors un vaste travail de récupération des millésimes manquants. Ainsi pour le 1959, trouvé à New York via Los Angeles. Mais l’idée n’est pas seulement de se tourner vers le passé. Parce que les tests de 1998 ont convaincu Frédéric Panaïotis que l’impression en liège est « la bonne voie pour atteindre une plus grande complexité, en particulier pour chardonnay ». Depuis 2010, le maître de chai a relancé cette façon de faire.
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Ce sont donc également ces bouteilles Dom Ruinart Réserve mises sur le marché à partir de 2012 qui sont proposées. Ainsi que quelques magnums de cuvées Ruinart Blanc de vins brut au dégorgement tardif datant d’avant le changement de bouteille en 2004. Ces quatre millésimes (2004, 2005, 2006, 2007) “conservés d’abord sur l’axe, donc horizontalement, puis sur la pointe pour remuer les dépôts au contact de la capsule afin de bloquer leur évolution”, ont été dégorgés en février dernier. Le résultat est magnifique. Preuve, s’il en est, de l’art de Ruinart à réinterpréter le temps.
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