“Une famille détruite” : Florian, David et Caroline, les trois enfants du couple Pelicot, sont revenus une dernière fois lundi sur l’explosion qu’a constitué pour eux et leurs enfants cette décennie de viols orchestrés par leur père, sur leur mère, par des hommes qu’il a recrutés sur Internet.
“À mon avis, [ce procès des viols de Mazan, ndlr.] c’est le procès de toute une famille, qui a été totalement détruite”, a affirmé, d’un ton ferme, l’aîné de la fratrie, David, 50 ans, devant le tribunal correctionnel du Vaucluse, lundi après-midi : “Et “C’est très compliqué d’expliquer à ses enfants qu’ils ne reverront plus leur grand-père.
Mais “ma famille veut et continuera à se battre et espère surtout qu’à l’avenir, on puisse effacer, faire disparaître dans nos têtes l’homme à ma gauche”, a-t-il poursuivi en parlant de son père, Dominique Pelicot, assis sur le banc des accusés. : “Aujourd’hui, nous n’avons plus de photos des albums de famille.” Tout au long de son témoignage, il l’a décrit comme « ce monsieur ».
« Ce que j’attends de ce procès, c’est que les décisions que vous serez amenés à prendre seront à la mesure de nos souffrances. Que ces hommes qui sont dans mon dos [les coaccusés]”, cet homme qui est dans cette boîte, soit puni pour les horreurs et les atrocités qu’ils ont commises sur ma mère”, a insisté le quinquagénaire, avant de s’adresser directement à son père, droit dans les yeux : ” Si tu as encore un peu d’humanité, tu entends ? [Je voudrais que] tu dis la vérité sur les actes que tu as commis sur ma sœur, qui souffre tous les jours et qui souffrira toute sa vie, car je pense que tu ne diras jamais la vérité !
“Le diable lui-même”
“Et sur mon fils aussi”, a-t-il ajouté, faisant référence aux échanges entre Dominique Pelicot et l’un de ses petits-enfants, à qui il aurait demandé de “jouer au docteur”. “Rien du tout !”, lui crie son père depuis sa loge. “Détends-toi, c’est moi qui parle, tu parleras plus tard !” David a rétorqué, avant d’ajouter, s’adressant au tribunal : « Cela fait deux mois qu’il fait du spectacle. .c’est insupportable !
Auparavant, David Pelicot avait décrit « le tsunami » vécu par la famille lorsque, à l’automne 2020, ils ont appris les agissements de leur père. Et comment, en l’espace de deux jours, les enfants avaient déplacé toutes les affaires « de cette maison de l’horreur » où se sont déroulés les événements, à Mazan, dans le Vaucluse.
« Nous sommes tous tombés du 38e étage. Aujourd’hui encore, on se pose des questions”, confirme ensuite Florian Pelicot, 38 ans, le benjamin de la fratrie : “J’ai beaucoup de gratitude d’avoir encore ma mère en vie. Mais il y a encore beaucoup d’incompréhension sur les raisons pour lesquelles il a fait ça. » Et affirme calmement à son père : « Tu as toujours dit que notre mère était une sainte, mais tu étais le diable en personne ».
Caroline Darian, persuadée d’avoir été droguée et violée par son père
Caroline Darian, 43 ans, fille du couple Pélicot, se considérait comme « l’oubliée » du procès pour viol de Mazan, se disant persuadée qu’elle aussi avait été droguée et violée par son père Dominique, comme sa mère Gisèle : « La seule La différence entre elle et moi, c’est le manque de preuves me concernant, pour moi c’est un drame absolu”, a-t-elle expliqué devant le tribunal correctionnel du Vaucluse.
Entendue dès la première semaine du procès, qui a débuté le 2 septembre, Caroline Darian [son nom de plume – inspiré du prénom de ses deux frères – sous lequel elle a publié un livre en avril, “Et j’ai cessé de t’appeler papa“, ndlr.]45 ans, a répété qu’elle « essayait de se reconstruire » car sa vie était « entre parenthèses depuis quatre ans ».
À l’automne 2020, les trois enfants du couple apprennent cette décennie de viols orchestrés par leur père, sur leur mère, qu’il drogue avec des anxiolytiques pour la proposer à des dizaines d’hommes recrutés sur internet. Mais, sur les fichiers stockés dans l’ordinateur de Dominique Pelicot, les enquêteurs ont également découvert des images de Caroline nue, prises à son insu.
Dans certaines, elle apparaît endormie, portant parfois les sous-vêtements féminins de sa mère. Depuis, elle est « persuadée » qu’elle aussi a été droguée par celui qu’elle appelle son « géniteur », avec le doute lancinant d’avoir elle aussi été violée dans son sommeil. Des faits que Dominique Pelicot a persisté à nier lundi.
Après avoir assisté aux premières semaines d’audience, en septembre, Caroline est revenue en région parisienne, où elle travaille et vit : « J’ai demandé à retourner à la clinique, pour espérer retrouver la paix intérieure, car je sais que je ne pourrai jamais avoir mes réponses (…) Tu n’auras jamais assez d’amour pour ta fille”, a-t-elle déclaré lundi à son père.
Cet essai est aussi le procès historique de soumission chimique en France.
« Dans vos dossiers dégoûtants, (…) vous ne me regardez pas comme un père regarde sa fille, mais de manière incestueuse. Mais vous n’aurez jamais le courage de dire la vérité », a-t-elle insisté. « Si j’arrive à m’en sortir, c’est parce que je m’engage à travers mon association [M’ endors pas]« Aide aux victimes de soumission chimique, « car Gisèle Pelicot, c’est 1 % des victimes », selon elle.
>> Lire : La soumission chimique se produit principalement avec les proches
« Pour moi ce procès, (…) c’est aussi le procès historique de soumission chimique en France. Je travaille en coulisses, j’interpelle les pouvoirs publics. Mais à quel prix ? Celle de ma santé mentale, au prix de ma survie et de ma réparation personnelle”, a-t-elle déclaré.
“Je n’abandonnerai pas, je m’engage jusqu’au bout : tant qu’on n’aura pas réussi à obtenir des mesures [sur cette question des soumissions chimiques] en France, je continuerai à me mobiliser sur le terrain », a conclu Caroline Darian.
sjaq et AFP
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