Alors que les abus s’accumulent dans divers conflits mondiaux, le président du CICR, Pierre Krähenbühl, s’inquiète de l’érosion considérable du respect du droit international humanitaire. Il déplore le manque de volonté politique pour faire appliquer réellement les règles existantes.
En Ukraine, au Moyen-Orient, au Soudan, au Yémen et en République démocratique du Congo, les guerres meurtrières se multiplient partout dans le monde et donnent lieu à de graves violations des droits humains. Et alors que le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) dénombre plus de 120 théâtres de guerre dans le monde, son président a dénoncé vendredi « un problème de manque de respect généralisé du droit international humanitaire ».
« C’est pourquoi le CICR profite de chaque occasion pour exprimer son indignation, car nos collègues sont sur le terrain et constatent le coût humain absolument dramatique », poursuit-il vendredi dans La Matinale.
Fini le « frein à main »
Ces humanitaires sont parfois impliqués depuis des décennies. « Nous sommes en Israël et dans les territoires occupés [palestiniens] depuis 70 ans, en Afghanistan depuis 40 ans, au Yémen et au Congo depuis 35 ans… Il ne semble y avoir aucune perspective de mettre fin à ces conflits et cela doit cesser », insiste Pierre Krähenbühl.
Le président du CICR s’inquiète d’une « norme d’abus » qui s’installe et de ses répercussions à long terme. “On a le sentiment qu’il n’y a plus de frein à main, que personne ne semble vouloir intervenir pour apporter des solutions politiques.” Notamment les pays alliés des Etats qui commettent ces violations, insiste-t-il.
Le principal problème aujourd’hui est le manque de volonté politique d’appliquer les règles existantes.
Pierre Krähenbühl cite notamment la situation dans la bande de Gaza, assiégée et bombardée depuis plus d’un an par l’armée israélienne. « Aucun être humain ne devrait rester indifférent face à l’ampleur des tragédies qui se déroulent actuellement à Gaza. Cela nous concerne tous. Si nous acceptons aujourd’hui ce type de comportement sur les champs de bataille, ne soyons pas surpris qu’il s’installe et crée un environnement d’insécurité généralisée sur la planète », prévient-il.
Le haut responsable humanitaire constate également un manque de volonté politique pour appliquer réellement les règles existantes. «Quand il y a eu la pandémie de Covid, il y a eu une vraie mobilisation. Alors que lorsqu’il y a des conflits armés, on les observe, on commente le type d’armes utilisées… Mais il faudrait « Insurgés, nous devrions tous nous mobiliser pour dire que la guerre n’est pas une fatalité ».
Les sections nationales du CICR affichent leur unité
Du 28 au 31 octobre, Genève a accueilli la 34e Conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, dont Pierre Krähenbühl s’est félicité des résultats. « J’ai été très impressionné par cette conférence, dit-il.
« Nous avons réussi à rassembler toute la communauté des États, et avec eux toutes les sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. Nous avons fait preuve d’une très forte unité et les États ont dû entendre nos appels et notre indignation face au manque de respect actuel du droit international humanitaire », dit-il.
Le président du CICR souligne que les résolutions présentées par son organisation ont toutes été approuvées sur une base consensuelle. «C’est un très bon résultat et je suis extrêmement fier du travail de nos collègues ces derniers jours dans les négociations», se réjouit-il, soulignant également le rôle «très important» joué par l’ambassadeur suisse auprès de l’ONU Jürg Lauber.
Le courage de construire des ponts
Pierre Krähenbühl salue particulièrement une résolution réunissant le Croissant-Rouge palestinien et son équivalent israélien, le Magen David Adom. « Il faut que cela se reflète sur le terrain, c’est sûr », dit-il, mais « réussir à remettre ces deux entreprises nationales autour d’une table est vraiment un signal très concret et très important.
Pierre Krähenbühl rappelle enfin l’importance du dialogue. « J’entends très souvent dire que le courage politique, c’est de ne pas parler aux autres. Mon expérience est exactement le contraire. Le courage politique cherche des points de pont. Que ce soit entre Russes et Ukrainiens, entre Israéliens et Palestiniens, nous devons pouvoir faire un travail de fond pour rappeler que les principes humanitaires s’appliquent à tous », affirme-t-il.
Commentaires recueillis par Pietro Bugnon
Texte Web : Pierrik Jordan
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