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Vols groupés, réciprocité avec l’Algérie… Comment Retailleau veut faciliter les expulsions des sans-papiers

Le ministre de l’Intérieur a avancé ce mercredi 2 octobre devant les députés plusieurs mesures pour expulser plus facilement les personnes sans titre de séjour. Bruno Retailleau souhaite multiplier les vols vers les pays de retour et tente de faire pression sur eux, en se rangeant du côté de Gérald Darmanin et de Nicolas Sarkozy.

Près de 36 heures après la déclaration de politique générale de Michel Barnier, la lutte contre l’immigration clandestine prend forme. Son ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau a dévoilé mercredi son plan d’action aux députés. A commencer par le recours aux « vols groupés » à Mayotte.

Interrogé sur la situation sur l’île lors des premières questions d’actualité gouvernementale, le locataire de la place Beauvau a indiqué avoir demandé au préfet d’organiser des « vols groupés » pour renvoyer les ressortissants de la République démocratique du Congo (RDC), présents illégalement, dans leur pays d’origine.

Des « vols groupés » comme les « vols charters » de Sarkozy

« Au moins trois vols sont prévus pour le seul mois d’octobre pour vider partiellement le centre de rétention administrative » de Mayotte, précise alors son entourage. La manœuvre vise à faciliter les expulsions sur le territoire qui voit arriver chaque année des migrants de la région des Grands Lacs africains, principalement de RDC, transitant par les Comores.

La situation migratoire a déclenché la situation l’année dernière avec le blocage des routes principales de l’île par des groupes exigeant l’expulsion des immigrés sans papiers.

Les « vols de groupe » ne sont pas une nouveauté. Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, avait lui-même déployé des « vols charters » hebdomadaires pour rapatrier les personnes sans titre de séjour en 2003, notamment vers l’Afghanistan, le Sénégal et la Côte d’Ivoire.

Retour possible du délit de séjour irrégulier

Le locataire de la place Beauvau a précisé les contours de ce dispositif ce jeudi matin sur RTL. Notre politique « consiste à dire que ceux qui sont arrivés irrégulièrement en métropole ou en outre-mer n’ont pas vocation à rester chez nous », a affirmé Bruno Retailleau.

“Quand on viole nos frontières, cela doit être un délit”, a encore précisé le ministre de l’Intérieur, semblant ouvrir la porte au rétablissement du délit de séjour irrégulier.

Soutenue par François Hollande en 2012, cette mesure législative posait le principe selon lequel toute personne présente illégalement en France pouvait être condamnée à une amende, sans peine de prison.

Retenue par le gouvernement dans la loi sur l’immigration après un ajout par les sénateurs, la disposition avait été censurée par le Conseil constitutionnel et n’existe donc plus actuellement dans la loi.

La mesure faisait partie du programme du Rassemblement national lors des dernières élections législatives et a été rappelée à la tribune par Marine Le Pen mardi. Le président des députés RN a déjà appelé Michel Barnier à travailler sur une future loi sur l’immigration au risque de le censurer autrement.

Multiplier les laissez-passer consulaires

Au-delà de cette question, Bruno Retailleau veut s’intéresser aux laissez-passer consultatifs, ce document délivré par le pays d’origine de la personne soumis à une OQTF (obligation de quitter le territoire français) et sans lequel la France ne peut l’expulser.

“Il n’est pas question de décoller des avions d’un point de départ sans être certain qu’à leur arrivée il y aura l’acceptation des autorités locales”, a assuré Bruno Retailleau.

Un défi donc alors que certains pays délivrent peu de laissez-passer consulaires. De quoi pousser Bruno Retailleau à espérer « des accords bilatéraux pour que les pays d’origine et les pays de transit acceptent que des nationaux leur soient renvoyés ».

Problème : ces accords signés entre deux nations sont souvent pour une durée déterminée. Il est souvent nécessaire d’attendre l’expiration de ces accords avant de les renégocier.

« Réciprocité » entre visas et expulsions

Le ministre de l’Intérieur, visiblement conscient de la situation, appelle donc à « un dialogue » avec les pays refusant le retour de leurs ressortissants. Les échanges pourraient cependant prendre des allures de bras de fer : Bruno Retailleau a ainsi appelé à la « réciprocité » entre les pays.

Concrètement, cela signifierait que la France continuerait à accorder des visas aux ressortissants de certains pays seulement si ces derniers acceptent en échange de délivrer des laissez-passer consulaires.

Avec un exemple en tête : l’Algérie. « Nous délivrons 200 000 visas et nous avons en retour un peu moins de 2 000 laissez-passer consulaires », a relevé le ministre de l’Intérieur.

Si l’exemple peut faire débat, le pays bénéficiant d’un accord bilatéral qui facilite le regroupement familial et l’accès à certains métiers, le constat est le même pour le Maroc. En septembre 2021, sur 3 301 OQTF délivrées aux ressortissants marocains, seules 80 expulsions avaient eu lieu, selon Gabriel Attal, alors porte-parole du gouvernement.

Ce chiffre s’explique en partie par la crise sanitaire actuelle, le Maroc exigeant un test PCR négatif pour délivrer le pass consulaire, mais qui ne peut à lui seul expliquer le constat.

Une méthode proche de celle de Darmanin

Gérald Darmanin, alors ministre de l’Intérieur, a donc décidé de suspendre la moitié des visas français délivrés aux Marocains et aux Algériens à l’automne 2021. Avec un certain succès : un an plus tard, il annonce un retour à la normalejugeant que la délivrance des laissez-passer consulaires était revenue à son niveau de 2019.

Bruno Retailleau adoptera donc la méthode de son prédécesseur et compte également actionner d’autres leviers. Il veut par exemple « conditionner l’aide au développement » aux pays accordant des laissez-passer consulaires. Or, l’aide au développement a déjà diminué de 11 % en 2023 sans changement clair dans les flux.

Enfin, Bruno Retailleau appelle encore à jouer sur les « tarifs douaniers » à l’échelle européenne pour les pays récalcitrants. La mesure semble difficile à appliquer : les accords tarifaires douaniers sont conclus au niveau de la Commission européenne et sont les mêmes pour tous les membres de l’UE.

 
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