Huit hauts gradés français jugés pour favoritisme – Libération
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Huit hauts gradés français jugés pour favoritisme – Libération

La justice a jugé que les appels d'offres pour le transport de militaires chargés d'opérations spéciales et de leur matériel étaient irréguliers. Un procès s'ouvre ce lundi 9 septembre pour huit militaires et une société de location de fret.

La grande muette va devoir s’expliquer devant la justice. A partir de ce lundi 9 septembre, un procès assez exceptionnel va débuter devant la 32e chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Paris. Huit militaires du Centre de soutien aux opérations et aux transports (CSOA) et du commandement des opérations spéciales sont jugés pour favoritisme, et l’un d’eux pour corruption. Ils devront expliquer comment ont été attribués, entre 2011 et 2015, les appels d’offres pour le transport de soldats et de leur matériel vers le théâtre d’opérations extérieures. Ce que le ministère des Armées appelle dans son jargon « opex ». Pour la période en question, il s’agit principalement de missions en Afrique dans le cadre du dispositif Barkhane ou en Afghanistan où sont présents des contingents de militaires français.

L'armée française ne dispose pas d'avions adaptés pour transporter simultanément plusieurs centaines de soldats et leur matériel, comme des véhicules blindés. Il est donc nécessaire d'affréter des avions cargos militaires. L'état-major a alors deux options : recourir à un contrat global attribué par l'OTAN pour les États membres ou choisir son propre prestataire. Le ministère des Armées choisit en fait les deux options pour ne pas dépendre d'un seul fournisseur. Une société française, International Chartering Systems (ICS), est donc choisie pour louer les avions nécessaires.

Plus de 16 millions d'euros de coûts supplémentaires

C’est précisément ce choix qui marque le début de l’affaire aujourd’hui jugée par le tribunal correctionnel. En 2016, la Cour des comptes avait établi un rapport sur le coût des « opex » et avait ensuite reçu des courriers anonymes laissant entendre que les appels d’offres passés auprès de la société ICS étaient irréguliers. Il semblerait, sans que cela puisse être formellement vérifié, que les rapports non identifiés émanaient d’un salarié licencié d’ICS. La Cour des comptes avait alors choisi d’utiliser l’article 40 du code de procédure pénale, qui impose à un fonctionnaire ou à un service de l’État informé de faits délictueux d’engager des poursuites judiciaires.

Le Parquet national financier a alors ouvert une enquête préliminaire confiée à la section de recherches des gendarmes de Paris. Après une série de perquisitions et de gardes à vue, ils ont établi qu'ICS avait bénéficié d'étranges avantages comme des informations confidentielles sur des marchés d'affrètement. De plus, les résultats de l'appel d'offres avaient été grossièrement modifiés au stylo rouge afin de faire apparaître ICS comme le mieux disant. Pire encore, l'ancien chef d'état-major du CSOA devait être embauché par le prestataire ICS, qui jusqu'à présent n'avait jamais recruté un seul militaire. L'enquête menée par le Parquet national financier évalue à 16,3 millions d'euros le surcoût payé par l'armée française compte tenu de ces appels d'offres irréguliers.

« Déclarations incomplètes »

Libérer contacté chacun des dix prévenus : huit militaires et deux dirigeants d'ICS. La plupart d'entre eux n'ont pas donné suite. Arnaud Claret, l'avocat de l'entreprise et de son PDG, estime que « L’armée française ne souhaitait pas dépendre uniquement de l’OTAN pour ses affrètements d’avions, d’où le choix de la société ICS. » Myriam Mayel, l'avocate d'un membre du service achats, constate que son client, pas plus que la plupart de ses confrères « n’est pas coupable d’enrichissement personnel » dans ce cas. Reste le cas du colonel du CSOA qui a été embauché par l'ICS. Normalement, ce type de recrutement doit d'abord être approuvé par un comité d'éthique. Libérer, Le ministère des Armées indique que l'intéressé a soumis son dossier au comité d'éthique sur la base de « déclarations incomplètes » […] ne correspondant pas à la réalité de ses fonctions”. Ce qui lui aurait permis de recevoir l’approbation de son ministère.

En 2017, Florence Parly, la ministre des Armées, avait eu connaissance de l'affaire de l'appel d'offres et avait résilié le contrat avec ICS, récupéré en partie par l'entreprise Bolloré Logistics. Le procès devrait durer deux semaines et les prévenus risquent deux ans de prison et 200 000 euros d'amende pour favoritisme. La personne poursuivie pour corruption encourt dix ans de prison.

 
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