Des tas gigantesques de sacs de vêtements, des files interminables de voitures, des klaxons, des cris, des larmes, mais aussi de la joie. Depuis la chute de Bachar al-Assad le 8 décembre, plus de 25 000 Syriens ont traversé la frontière depuis la seule Turquie. L’espoir de retourner dans un pays qu’ils avaient fui pour échapper à la dictature, de retrouver leurs proches et de rendre justice aux prisonniers de l’ancien régime. Mais le voyage peut être long et fastidieux. « 20 minutes » a vécu cela ces derniers jours, tout bien considéré.
En Turquie, les douanes de Kilis, près de Gaziantep, et de la province de Hatay sont débordées. Taxis et bus défilent pour amener des familles entières, avec les quelques biens qu’elles possèdent, à la frontière, et uniquement à pied. Une fois arrivés, alourdis de sacs parfois plus gros qu’eux, c’est aux Turcs de décider qui peut quitter le pays. Rappelons qu’au nord de la Syrie, des tensions opposent combattants pro-turcs et Forces démocratiques syriennes (Kurdes). La Turquie explique qu’elle est responsable de la sécurité des personnes qui traversent sa frontière pour se rendre en Syrie.
En principe, seuls les Syriens ont le droit de quitter le sol turc, mais uniquement avec un départ définitif. En revanche, si une personne a une autre nationalité, elle n’a pas le droit de passer. « 20 minutes » a donc subi un échec total en tentant de passer les différentes douanes turques. Le choix s’est alors porté sur la frontière libano-syrienne.
Au Liban, près de Beyrouth, le poste de Masnaa accueille également un grand nombre de réfugiés syriens rentrant au pays. Ici, les voitures sont autorisées à passer, tout comme les passeports non syriens. Aucun visa ou autre formalité n’est exigé par le nouveau gouvernement syrien. En revanche, cette « facilité » d’accès attire une foule encore plus nombreuse qu’en Turquie. Si les autorités libanaises n’hésitent pas à laisser passer les gens, ceux-ci sont sous l’eau, épuisés. Là où une autre nationalité est disqualifiante en Turquie, ici elle permet de réduire les files d’attente. Dans les bureaux, des centaines de personnes se pressent, agitant leurs passeports et criant. Les voitures s’entassent, même à contre-courant, pour embarquer quelques personnes supplémentaires. Certains décident de partir à pied (Damas est à 1 heure de voiture), d’autres attendent que quelqu’un décide de les emmener, s’ils ont les moyens de payer un chauffeur.
Chacun, en revanche, ressent une forme d’excitation, mêlée d’anxiété. Leur pays est à quelques mètres, prêt à les accueillir à nouveau. Certains n’ont plus de nouvelles de leur famille depuis près de 15 ans. L’attente est difficile, mais une fois toutes les stations franchies, une seule émotion persiste : la joie.