Donald Trump le promet depuis de nombreuses semaines. À son arrivée à la Maison Blanche en janvier, le président nouvellement élu envisage d’imposer des droits de douane particulièrement élevés à ses trois principaux partenaires commerciaux. 25 % contre le Canada et le Mexique, avec lesquels les États-Unis partagent un accord de libre-échange. Et jusqu’à 60% sur les produits chinois. Au-delà d’une volonté protectionniste, Trump leur reproche de ne pas suffisamment freiner l’immigration clandestine et le trafic de drogue, notamment de fentanyl, en provenance de leurs pays.
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De quoi susciter une vague de panique parmi les entreprises américaines. Notamment ceux qui importent des biens intermédiaires de l’étranger. ” S’ils produisent un bien concurrent d’un bien importé d’Europe et que leurs biens intermédiaires viennent de Chine, cela leur est plutôt défavorable. », précise Antoine Bouët, chercheur et directeur du CEPII. En d’autres termes, les entreprises qui importent de Chine vendront leurs produits finaux à des prix bien plus élevés que leurs concurrents, par exemple européens. Parmi les secteurs les plus touchés par ces éventuelles taxes : l’automobile, l’électronique et l’agriculture, note John Plassard, économiste à la banque Mirabaud.
Entre--, certaines entreprises n’ont pas perdu de - et ont déjà commencé à stocker des marchandises à court terme. Preuve en est, les importations américaines en provenance de Chine ont augmenté de 10,4% en moyenne sur un an entre juillet et septembre, souligne Allianz Trade dans une note.
D’autres ont déjà envisagé de répercuter les taxes sur les consommateurs américains, c’est-à-dire d’augmenter leurs prix, alimentant ainsi l’inflation. De quoi peser sur l’économie alors que les ménages ont déjà vu leur pouvoir d’achat diminuer. Une nouvelle augmentation pourrait donc être difficile à accepter.
Autre solution : les entreprises peuvent aussi réduire leurs marges.
« Ce qui implique de vendre plus, pour rattraper les volumes et cela peut être compliqué selon la compétitivité de certaines industries. », soulève néanmoins l’économiste John Plassard.
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Répété deux fois
Ce n’est cependant pas la première fois que les entreprises sont confrontées à ce type de scénario. Lors de son précédent mandat, le milliardaire américain avait déjà augmenté les droits de douane contre la Chine, mais aussi sur des produits et matières premières comme les panneaux solaires ou encore l’acier et l’aluminium.
Les entreprises ont alors mis en place différentes stratégies, dans le but de réduire leurs coûts. ” Certains ont délocalisé leurs chaînes d’approvisionnement pour que leurs produits ne soient pas soumis à des droits de douane élevés », note John Plassard. Mais les entreprises envisagent désormais également de délocaliser leur production ou de signer des contrats avec des pays comme le Vietnam ou la Malaisie. Une solution qui peut toutefois allonger les délais de certaines livraisons.
De plus, ” d’autres entreprises avaient négocié avec leur fournisseur pour réduire leurs coûts, notamment les grands groupes qui ont plus d’influence », ajoute l’économiste.
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Un lobbying au secours des entreprises
Des groupes et des entreprises ont également afflué vers les cabinets d’avocats et les lobbyistes pour obtenir conseils et protection. ” Nous avons reçu beaucoup d’appels », confie à La Tribune Nicole Bivens Collison, directrice de la division commerce international et relations gouvernementales du cabinet d’avocats Sandler, Travis & Rosenberg. Les entreprises peuvent en effet les aider à minimiser les tarifs douaniers grâce à l’ingénierie tarifaire ou en jouant sur les accords de libre-échange.
Surtout, le lobbying pourrait être le ticket d’or pour être exonéré des droits de douane. ” Donald Trump accordera certainement des exemptions en échange d’un soutien financier, c’est l’approche qu’il a toujours adoptée », constate Antoine Bouët. En 2018 déjà, certaines catégories de produits étaient exonérées des droits de douane imposés à la Chine. Le média américain CNBC rapporte également que de telles faveurs ont été accordées lorsque les demandes émanaient de lobbys où les salariés étaient des contributeurs du parti républicain. ” On ne sait pas si ce sera pareil sous le deuxième mandat de Trump », prévient néanmoins Nicole Bivens Collison.
Les petites et moyennes entreprises qui dépendent des importations pourraient toutefois payer le prix fort des droits de douane. Compte tenu de leur taille, ils ont plus de difficulté à faire du lobbying et à réduire les coûts. Par exemple, ” les petits détaillants craignent de ne pas pouvoir supporter l’augmentation des coûts. Cela pourrait les obliger à fermer leur entreprise », prévient Meghan Cruz de la Fédération américaine du commerce de détail (NRF) dans une note.
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Mais les entreprises devront attendre l’arrivée du républicain pour savoir ce qu’il a réellement en tête. Selon l’économiste John Plassard, les menaces tarifaires de Trump sont « sa façon de négocier, il faut prendre ces promesses avec des pincettes », analyse-t-il. Mais pour Nicole Bivens Collison, alors que beaucoup pensaient que Trump ne prendrait pas de telles mesures lors de son premier mandat, ce scénario s’est réalisé.