Les maladies à transmission vectorielle, un problème émergent avec le changement climatique

Les maladies à transmission vectorielle, un problème émergent avec le changement climatique
Les maladies à transmission vectorielle, un problème émergent avec le changement climatique

Pour le 25e fois, le vétérinaires s’exprimant dans la Creuse a répondu à l’invitation de Philippe Monteil, président de GDS Creuse et le Dr Nicolas Athanassiadis, président du Groupe Technique Vétérinaire 23. Avec 30 personnes présentes, le thème choisi, le maladies vectoriellesfortement mobilisé et permis des échanges riches.

Immunité et vaccination…

Pour mieux comprendre les différences de résistance à ces maladies dans les élevages, une revue des deux branches de l’immunité a été réalisée. L’immunité innée permet à n’importe quel organisme d’identifier un agent pathogène et de mettre rapidement en œuvre des mécanismes de défense non spécifiques pour neutraliser l’attaque. Cela implique « globules blancs» (neutrophiles, cellules tueuses, macrophages) et molécules (cytokines, complément). Elle reste cependant limitée et pour mieux se défendre, l’organisme active au bout de quelques jours la deuxième branche, l’immunité acquise ou adaptative. Le pathogène ayant été identifié, des mécanismes se mettent en place : production de lymphocytes B et T, mais surtout de molécules (anticorps). Cette immunité est donc plus tardive mais spécifique, et surtout avec une capacité de mémoire qui permet de réagir très rapidement en cas de nouvelle attaque. La vaccination utilise cette capacité du système immunitaire à mémoriser un agent pathogène, en exposant l’animal à un virus ou à des fragments de virus inactivés afin de le sensibiliser.

…avec facteurs de variation

Pour que l’organisme réagisse en cas d’attaque ou pour que la mémoire s’établisse suite à une vaccination, il faut que le système immunitaire soit pleinement fonctionnel. De nombreux facteurs entrent en jeu :

  • Génétique, les animaux étant naturellement plus résistants, des travaux de recherche sont en cours sur ce point.
  • L’âge, les jeunes étant plus vulnérables (d’où la nécessité de prendre du colostrum) mais aussi les animaux plus âgés qui peuvent avoir des défenses moins efficaces.
  • Le microbiote (flore présente avec laquelle l’organisme vit en équilibre, que ce soit au niveau digestif, respiratoire ou cutané) de l’animal, qui perturbe l’arrivée des pathogènes.
  • L’état de santé des animaux, notamment s’ils sont parasités ou porteurs d’une maladie affectant leur système immunitaire (paratuberculose par exemple).
  • Des facteurs alimentaires au sens large, qu’il s’agisse d’apports énergétiques ou protéiques, mais surtout d’oligo-éléments et de vitamines. Toute carence aura un impact majeur sur la capacité des animaux à lutter contre les agressions.
  • Les facteurs environnementaux, trop souvent sous-estimés, comme le stress, l’ambiance du bâtiment, l’hygiène générale du troupeau.

FCO et MHE, virus émergents en

Le Dr Guillaume Convert, vétérinaire spécialiste de ces maladies, a fait le point sur le FCO et le MHE. Ces virus ont de nombreux points communs : famille des orbivirus, transmis par les moucherons du genre Culicoides, provoquant des signes cliniques assez similaires chez les ruminants. Ils se distinguent par leur numéro de sérotype (plus de 30 pour FCO et au moins 7 identifiés pour MHE) et on ne peut malheureusement pas compter sur une immunité croisée entre sérotypes. Comme tous les virus à ARN, ils peuvent facilement muter, ce qui entraîne une pathogénicité variable, même au sein d’un même sérotype. Ils sont endémiques en Afrique et plus généralement dans les zones tropicales à subtropicales.

…en lien avec les échanges internationaux et l’activité vectorielle

Plusieurs éléments peuvent expliquer l’arrivée de ces virus en Europe. Les Culicoides ont des capacités de vol limitées, mais les vents chauds leur ont permis de survoler la mer Méditerranée et ont permis l’introduction du MHE 8 en Espagne et en Sicile. Pour le FCO, l’arrivée aux Pays-Bas des sérotypes 8, puis 3 et enfin 12 est due à des mouvements internationaux et même si on n’a jamais pu identifier précisément l’origine de la contamination, la présence de moucherons dans des contenants de fleurs est une hypothèse sérieuse. Transmis par les culicoïdes africains ou méditerranéens comme C. imicola les virus se sont parfaitement adaptés aux culicoïdes nordiques comme C. obsolèteouC. pulicaris. Avec le changement climatique, plusieurs facteurs contribuent à expliquer la meilleure transmission de ces virus : une température moyenne plus favorable à la multiplication du virus chez l’hôte, moins de froid et donc une plus grande période d’activité des moucherons et des périodes humides très favorables à leur reproduction. Les mesures de lutte anti-vectorielle étant très limitées, les seules solutions pour se protéger restent la vaccination et la santé globale des troupeaux.

Retour sur l’épisode MHE 8 en 2023

Le Dr Jérôme Lafon, vétérinaire en exercice à Oloron-Sainte-Marie (64) est venu témoigner de ce qu’il avait observé lors de l’arrivée du MHE 8 en France à l’été 2023. Les informations venant d’Espagne étaient contradictoires et globalement, ils ont été surpris. par l’étendue et la violence des symptômes observés. Le tableau clinique était similaire à celui du FCO, avec dépression, lésions du museau et de la bouche, salivation, lésions des pieds et hyperthermie variable. Ils ont rapidement mis en place des traitements sur les animaux les plus touchés, principalement des anti-inflammatoires (AINS et corticoïdes) pour les soulager. Pour ceux qui ne pouvaient plus boire, on leur donnait de l’eau par perfusion ou par trempage. La maladie a touché principalement les bovins et si la mortalité est restée faible (de l’ordre de 0,5%, surtout chez les animaux plus âgés), la morbidité a été beaucoup plus élevée (13% des bovins en moyenne) avec les conséquences associées : avortements, naissances prématurées de vaches sans lait et de nombreux animaux devenus malades. économiquement sans valeur et ont dû être euthanasiés plusieurs semaines ou mois plus tard. Une étude est en cours pour évaluer l’impact sur la reproduction et bien qu’il ne semble pas y avoir de problème de stérilité chez les vaches, les taureaux atteints présentent souvent des lésions testiculaires avec une baisse de fertilité. Le taux de bovins contaminés en 2023 a varié selon les troupeaux, ce qui peut expliquer la deuxième vague observée fin 2024, d’animaux non immunisés.

Une nécessaire adaptation des élevages à ces maladies vectorielles

La journée a été riche en échanges, instructive et force est de constater qu’il va falloir s’habituer à vivre avec ces vagues de maladies à transmission vectorielle. Elles conduisent à des exigences commerciales avec vaccination ou PCR pour l’export, des négociations européennes sont en cours à ce sujet. La Creuse n’a pas encore été impactée par FCO 3 ou MHE 8 (seulement deux foyers déclarés), plus que jamais la recommandation reste la même, protégez vos outils de travail ! Contactez votre vétérinaire pour déterminer le protocole le mieux adapté à votre situation. Et pour avoir un troupeau plus résistant à tous ces aléas, la gestion du troupeau reste la principale mesure à mettre en œuvre, en gérant l’alimentation, la minéralisation au sens large, la gestion du parasitisme, l’allotissement, etc. Pour vous aider, votre vétérinaire et vous pouvez compter sur la boîte à outils GDS Creuse (kit parasitisme, dosage des oligoéléments, transferts immunitaires…). Pour plus d’informations, n’hésitez pas à nous contacter ou à contacter votre vétérinaire.

 
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