Quatre paramilitaires ont été tués mardi au Pakistan dans des affrontements entre les forces de sécurité déployées en masse à Islamabad et des milliers de partisans de l’ancien Premier ministre Imran Khan entrés tôt dans la capitale pour exiger la libération de leur champion.
La foule avance vers D-Chowk, la place où les manifestants entendent faire pression sur les autorités qui siègent dans le quartier adjacent, afin d’obtenir la libération de leur champion, actuellement emprisonné et poursuivi dans une centaine d’affaires.
Plusieurs ministres ont annoncé la mort des quatre paramilitaires, renversés selon eux par des manifestants à bord d’un véhicule. Lundi soir, la police a fait état de la mort d’un de ses agents, tué à l’extérieur d’Islamabad, alors que les manifestants marchaient vers la capitale.
Galvanisés par Bushra Bibi, la nouvelle épouse de l’ancienne star du cricket de 72 ans, des milliers d’entre eux sont entrés à Islamabad.
Non sans difficulté : il a d’abord fallu déplacer les centaines de containers installés pour bloquer les routes.
Puis, à intervalles réguliers, ils ont reçu des volées de grenades lacrymogènes et de balles en caoutchouc provenant des cordons de policiers et de paramilitaires stationnés à intervalles réguliers.
Les manifestants ont répondu avec davantage de grenades lacrymogènes, jetant des pierres et des bâtons.
Ils ne sont plus qu’à quelques kilomètres de D-Chowk, cœur politique du cinquième pays le plus peuplé du monde, où le Premier ministre Shehbaz Sharif accueille en même temps en grande pompe le président biélorusse Alexandre Loukachenko.
– 20 000 policiers et paramilitaires –
Depuis dimanche, “plus de 20 000 membres des forces de sécurité ont été déployés”, selon la police d’Islamabad.
Le ministre de l’Intérieur Mohsin Naqvi a été clair en se rendant plusieurs fois à D-Chowk dans la nuit : « Ceux qui viennent ici seront arrêtés ».
Washington a « exhorté » les autorités à « respecter les droits de l’homme », tout en appelant les manifestants au « pacifique ».
Si toute la nuit les médias locaux ont évoqué des tentatives de négociations entre le gouvernement et le Tehreek-e-Insaf (PTI), le parti de M. Khan, peu de gens imaginent une désescalade sereine.
Car les deux camps font monter la tension depuis des jours autour de ce que le PTI présente comme « son dernier acte ».
L’appel à manifester avait été lancé pour dimanche. Ainsi, le cortège du PTI est parti des provinces limitrophes de la capitale – le Pendjab à l’est, où Imran a longtemps vécu, et Khyber-Pakhtunkhwa, fief du PTI, à l’ouest.
– « Containeristan » –
Il a fallu plus de 48 heures pour arriver aux portes d’Islamabad, où M. Khan, 72 ans, est incarcéré.
En revanche, les autorités avaient tout mis en œuvre, allant jusqu’à soulever des questions.
En début de semaine, Islamabad avait déclenché « l’article 144 » qui interdit tout rassemblement de plus de quatre personnes – pendant deux mois. Le Pendjab, où vit plus de la moitié des Pakistanais, a emboîté le pas samedi, pendant trois jours.
« Les autorités vivent dans une mentalité de siège, un état dans lequel elles se voient toujours en danger et vivent dans la peur permanente d’être renversées », accuse Maleeha Lodhi, une ancienne diplomate pakistanaise, dans un article.
Dawn, le principal quotidien anglophone, “se demande si la police d’Islamabad ne se prépare pas à une guerre” avec des centaines de conteneurs éparpillés dans les rues.
« Islamabad se transformera à nouveau en +Containeristan+. Est-ce vraiment nécessaire ? », poursuit Dawn.
Les écoles d’Islamabad restent fermées et l’État insiste sur le fait que « le réseau Internet mobile et le Wi-Fi seront coupés » partout où il voit « un danger ». Depuis dimanche, aucun quartier n’a échappé à ces coupes.
La Commission des droits de l’homme du Pakistan (HRCP), principale ONG de défense des libertés dans le pays, dénonce des blocages qui « pénalisent les citoyens ordinaires, notamment les travailleurs journaliers dont les revenus dépendent de la liberté de circulation ».
– « Sacrifiez nos vies pour lui » –
Les pro-Khan, de leur côté, écartent invariablement les menaces.
“Nous sommes prêts à sacrifier nos vies pour lui et nous irons à D-Chowk”, a déclaré à l’AFP Kalat Khan, 56 ans, qui se présente comme “un soldat d’Imran Khan”.
“Nous y resterons jusqu’à la libération d’Imran Khan”, ajoute Raïs Khan, 36 ans.
Le chef du gouvernement du Khyber-Pakhtunkhwa, Ali Amin Gandapur, ne cesse de narguer les autorités : « Vous pouvez nous tirer dessus, nous bombarder et bloquer les routes avec vos containers. Si cela devient incontrôlable, vous en serez responsable.
M. Khan, au pouvoir de 2018 à 2022, est actuellement poursuivi dans une centaine de dossiers concernant des manifestations violentes de ses partisans.
En juillet, un panel d’experts de l’ONU avait demandé sa libération, jugeant sa détention « arbitraire ».