La presse au Liban | Un patrimoine ancien en péril

(Baalbek) C’est l’un des hôtels les plus emblématiques du Liban. En 150 ans d’existence, l’hôtel Palmyra à Baalbek a vu passer les plus grands noms : de Lawrence d’Arabie à Charles de Gaulle en passant par Nina Simone, Jean Cocteau et Ella Fitzgerald. Tous séduits par son architecture, ses sculptures anciennes, ses tapis persans et, bien sûr, sa vue imprenable sur les ruines antiques de la ville.

Hugo Lautissier

Collaboration spéciale

En ce matin de novembre, le spectacle n’a rien à envier à un film apocalyptique. Une frappe aérienne israélienne a eu lieu quelques jours plus tôt, le 6 novembre, sur le parking du site archéologique composé de trois temples romains dédiés à Jupiter, Vénus et Bacchus, ce dernier étant connu comme l’un des temples les mieux conservés du monde gréco-romain. On retrouve encore des carcasses carbonisées de camions et de voitures, couvertes de cendres.

« Je travaille ici depuis 56 ans. Je n’aurais jamais cru qu’une telle chose puisse arriver», raconte le concierge de l’hôtel Palmyra, Abou Ali, un homme âgé à la moustache grisonnante, vêtu d’une blouse de travail blanche.

Le mythique bâtiment Menchiyé, construit en 1928 dans un style ottoman, n’est plus qu’un amas de décombres. Derrière le parking, les colonnes intactes de l’odéon Boustan Al-Khan se détachent dans cette ambiance de bout du monde.

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PHOTO MAHER ABOU TALEB, ARCHIVES REUTERS

Décombres du bâtiment Menshiye, à l’est de Baalbek, détruit par une frappe israélienne au début du mois

La situation sécuritaire à Baalbek s’est détériorée fin octobre, lorsque l’armée israélienne a appelé tous les habitants à quitter cette ville à majorité chiite, connue comme un important bastion du Hezbollah.

« On estime que 60 à 70 % des 80 000 habitants de Baalbek ont ​​évacué la ville », explique le gouverneur de la région, Bachir Kodhr, dans un entretien. Rien que cette semaine, 50 frappes ont eu lieu sur Baalbek et les villages environnants, tuant 45 personnes. Au moment où je vous parle, je viens d’apprendre qu’il y a eu de nouvelles frappes à la Knesse et à Hadass, faisant au moins cinq morts. »

Le site de Baalbek est une fierté pour les Libanais. Il a vu passer les Phéniciens, les Romains, les Grecs et les Mamelouks. C’est notre patrimoine, nous devons le protéger à tout prix […]. C’est comme si les Israéliens essayaient d’effacer notre mémoire collective.

Bachir Kodhr, gouverneur de la région

Dans une pétition adressée à l’UNESCO, 300 professionnels de la culture, dont des archéologues et des universitaires, ont appelé dimanche l’institution à « mettre en œuvre tous les moyens » pour « protéger ces trésors irremplaçables » du patrimoine libanais à la veille d’une réunion cruciale au siège parisien de l’UNESCO. Agence des Nations Unies.

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PHOTO HUGO LAUTISSIER, COLLABORATION SPÉCIALE

Le parking du site antique de Baalbek a été bombardé par des avions israéliens.

Car outre Baalbek, plusieurs autres sites sont menacés. A Tyr, ville phénicienne qui abrite d’importants vestiges romains et édifices médiévaux datant des Croisades, des bombardements ont visé des bâtiments situés à quelques centaines de mètres des ruines romaines.

En octobre, les frappes israéliennes ont détruit tout le mur d’une forteresse construite au XIIe siècle.e siècle, à Tebnine, près de Bint Jbeil, dans le sud du pays. D’autres ont ciblé un souk vieux de 400 ans à Nabatiyé, l’un des plus anciens du pays, dont les origines remontent aux époques ottomane et mamelouke.

Vitres brisées et rues désertes

A quelques dizaines de mètres des temples romains, les rues pavées du centre-ville portent elles aussi les cicatrices des derniers jours. Dans ce quartier majoritairement chrétien, nous ne nous attendions pas à devenir une cible de l’aviation israélienne, les bombardements s’étant jusqu’alors concentrés sur sur les banlieues chiites de la ville. Ces dernières semaines, le quartier était même devenu un refuge pour cette population.

«Quand l’ordre d’évacuer la ville a été donné, tout le monde s’est précipité ici. Les gens sont partis sans rien, ils erraient dans les rues », résume sœur Mélanie Tannoury, religieuse de la congrégation des Sœurs de Notre-Dame du Bon Service, qui accueille jusqu’à 200 personnes déplacées dans le couvent.

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PHOTO HUGO LAUTISSIER, COLLABORATION SPÉCIALE

Sœur Hoda et Sœur Mélanie Tannoury prennent un café au couvent de la congrégation des Sœurs de Notre-Dame du Bon Service. Depuis le début de la guerre, ils aident les personnes déplacées malgré les risques.

Dans l’école voisine, le Collège des Sœurs des Saints Cœurs, qui héberge des dizaines de personnes déplacées, les fenêtres ont été soufflées par l’explosion. Plus loin, à côté des ruines antiques, se trouvent deux églises orthodoxe et maronite dont la toiture, les boiseries et les vitrages ont été endommagés.

«Maintenant, nous aussi avons eu notre part. Personne n’est plus en sécurité. C’est un choc supplémentaire pour les déplacés, et nous savons que ce n’est pas fini », résume sœur Hoda Tannoury avec un sourire triste.

Les deux sœurs biologiques trouvent encore la force de plaisanter et d’aider les déplacés. Les premières semaines, ils géraient seuls le sommeil et l’alimentation d’une vingtaine de personnes, avant que des associations ne leur viennent en aide. « Nous ne partons pas d’ici. Tant qu’il y aura des gens dans le besoin, nous ne pourrons pas les abandonner », promet sœur Hoda.

Avec l’Agence -Presse

 
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