Si le site antique, inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1984, a jusqu’ici été épargné, la destruction de deux enceintes juxtaposées, dite caserne Gouraud, datant du Mandat français et de l’époque ottomane, a fait peur le 28 octobre. .Baalbeck est une ville historique dans son ensemble, lorsqu’elle est bombardée, c’est l’histoire de la vie romaine jusqu’à aujourd’hui qui est attaquée.», raconte un archéologue qui a travaillé dans la ville, sous couvert d’anonymat. Elle craint que reconstruire ces murs après la guerre ne soit une mission impossible.»Certaines pierres ont été simplement réduites en poussière. Pour le reste, il faudra examiner chaque fissure, chaque pierre, chaque plafond, pour savoir s’ils ont bougé.», observe-t-elle.
Pertes irrécupérables
Au Liban, la violence des bombardements israéliens n’épargne ni les civils – dont plus de 3 360 sont morts depuis octobre 2023, selon un dernier bilan du ministère libanais de la Santé – ni les pierres. Depuis le 23 septembre, date de l’intensification des frappes menées par Tel-Aviv contre le Hezbollah, les milliers de trésors archéologiques et patrimoniaux mis au jour sur le territoire libanais sont menacés de destruction. Certains ont déjà été rayés de la carte. Mi-octobre, les Libanais ont été choqués de découvrir la disparition des souks patrimoniaux de Nabatiyé, construits il y a quatre cents ans, datant de l’époque ottomane et mamelouke. Il ne reste plus rien, réduit en ruines par un déluge de tirs israéliens sur la ville. “C’était un point de rencontre pour tous les agriculteurs et producteurs du Sud Liban, sa restauration a été achevée il y a à peine deux ans. […]. Nos racines sont dans ce patrimoine et dans ces pierres »l’ONG Beit el-Baraka s’est indignée.
Le lendemain, le village de Mhaybib, à environ 2 km de la Ligne bleue (frontière provisoire délimitée par l’ONU, NDLR), dans la région de Marjayoun au sud Liban, a été dynamité par l’armée israélienne au motif que «un tunnel du Hezbollah traversait le cœur du village », réduisant en poussière un maqâm (sanctuaire, NDLR) dédié à la figure biblique de Benjamin, petit-fils d’Abraham cité dans l’Ancien Testament et le Coran, construit avant l’ère chrétienne.
Le calvaire des Libanais, sous le déluge de tirs israéliens : « Nos voisins sont tous morts »
Quelques jours plus tard, le 23 octobre, un ordre d’évacuation massive lancé par l’armée israélienne dans la ville de Tyr attise les pires craintes des Libanais. Fondée près de 3000 ans avant Jésus-Christ, la ville portuaire possède plusieurs sites romains, phéniciens et byzantins classés au patrimoine mondial de l’UNESCO, parmi lesquels des thermes romains, des mosaïques extrêmement bien conservées, un hippodrome et un arc de triomphe. Certains des bâtiments visés par Tsahal se trouvent à seulement 200 mètres des ruines romaines.
Une « stratégie très claire »
Fin octobre, un mur entier de la forteresse de Toron, une citadelle médiévale construite au XIIe siècle à l’époque des croisés, à Tebnine, près de Bint Jbeil, a été détruit par des frappes israéliennes. Le site est, selon l’archéologue libanaise Joanne Farchakh Bajjaly, «très endommagé par les bombardements ».
“Les vibrations du sol provoquées par les bombes, le souffle des explosions et la pollution de l’air qui contamine la pierre ainsi que le sol fragilisent la structure des chantiers.», indique cet archéologue, membre de l’ONG Biladi pour la protection du patrimoine, particulièrement inquiet des sites de Tyr construits avec «pierre sablonneuse composée de calcaire et de sable.
Dans l’Est du Liban bombardé, un détail souligne : « C’est la principale différence avec la guerre de 2006, et ce qui met le Hezbollah en danger »
“Nous avons atteint de nouvelles échelles de destruction. C’est pire que ce qui s’est passé à Palmyre», a martelé Joanne Farchakh Bajjaly, qui a porté plainte «une stratégie très claire visant à annihiler l’autre dans toutes ses dimensions, culturelle, religieuse, patrimoniale, historique« . C’est, selon elle, «pour éradiquer la mémoire et faire perdre aux habitants toute forme de repère spatio-temporel. C’est un acte politique réfléchi.
L’UNESCO, qui doit se réunir ce lundi 18 novembre à la demande du Liban, validera-t-elle la demande de protection renforcée de 34 sites, demandée par les autorités libanaises ? “Il s’agit d’un énorme défi pour l’UNESCO et la communauté internationale.» craint Mme Farchakh Bajjaly, qui souhaiterait que des mesures soient prises.protéger et ne pas avoir à reconstruire“.