Un président climato-sceptique qui promet de tout miser sur les énergies fossiles reviendra à la Maison Blanche en janvier prochain. La lutte contre le changement climatique va-t-elle souffrir du retour de Donald Trump ? Réponses et explications.
Publié à 1h13
Mis à jour à 6h00
Le retour de Donald Trump est-il si catastrophique pour le climat de la planète ?
« Oui », répond sans hésiter Hugo Séguin, chercheur au Centre d’études et de recherche internationales de l’Université de Montréal et spécialiste des négociations climatiques. « Il a promis de le faire et il le fera : faire dérailler les engagements sur le climat ainsi que ceux sur l’environnement. Il l’a fait lorsqu’il a pris le pouvoir en 2016, en démystifiant tout l’héritage environnemental de Barack Obama. S’il a retiré les États-Unis de l’Accord de Paris, il va refaire la même chose. »
Cela se limiterait-il à un retrait de l’Accord de Paris ?
Donald Trump a clairement fait savoir qu’il irait beaucoup plus loin lors d’un second mandat, rappelle Hugo Séguin. «Nous allons forer, bébé, forer. Nous avons plus d’or liquide sous nos pieds, plus d’énergie, de pétrole et de gaz que n’importe quel autre pays au monde. Nous avons beaucoup de revenus potentiels », a déclaré le candidat lors d’un rassemblement en février dernier avec les électeurs républicains. Des propos qu’il a répété après sa nouvelle victoire électorale. Il a également qualifié les énergies renouvelables de « nouvelle arnaque commerciale ».
Comment pourrait-il promouvoir davantage l’industrie pétrolière et gazière ?
« Il a dit qu’une de ses premières décisions sera de développer davantage la production pétrolière et gazière aux États-Unis, qui est déjà devenue la plus importante au monde sous l’administration Biden », rappelle Hugo Séguin. Il faut également s’attendre à ce que l’administration fédérale offre des crédits d’impôt à l’industrie et même autorise les forages dans les zones protégées, estime-t-il. Donald Trump aurait également promis à l’industrie de mettre fin aux amendes imposées sur les émissions de méthane, un puissant gaz à effet de serre (GES), a récemment rapporté le journal. Washington Post. « De très beaux jours s’annoncent pour l’industrie pétrolière et gazière aux États-Unis, estime Hugo Séguin.
A-t-on une idée de l’impact de ces éventuelles décisions sur les émissions de gaz à effet de serre aux Etats-Unis ?
Dans une analyse publiée au printemps dernier, le média spécialisé Carbon Brief soulignait que le retour de Donald Trump à la Maison Blanche pourrait entraîner une augmentation de 4 milliards de tonnes de GES d’ici 2030. Une augmentation équivalente aux émissions annuelles de l’Union européenne et du Japon réunies. . « Autrement dit, les 4 gigatonnes de CO2 Un deuxième mandat supplémentaire de Trump effacerait – deux fois plus – toutes les économies réalisées grâce au déploiement de l’énergie éolienne, solaire et d’autres technologies propres dans le monde au cours des cinq dernières années », a déclaré Carbon Brief.
Comment arrive-t-on à des chiffres aussi précis ?
L’analyse de Carbon Brief s’est appuyée notamment sur une méta-analyse publiée en 2023 dans la revue Science. Des chercheurs américains ont alors établi qu’une des mesures phares de l’administration Biden, laLoi sur la réduction de l’inflationavait le potentiel de réduire les émissions de GES des États-Unis de 43 à 48 % d’ici 2035 par rapport aux niveaux de 2005. Rappelons que cette législation du président Biden vise, entre autres, à accroître les investissements dans les énergies renouvelables et l’électrification des transports. Donald Trump s’est toutefois engagé à mettre un terme à cette mesure.
Dans quelle mesure ces chiffres sont-ils fiables ?
Les deux experts de Carbon Brief, Simon Evans et Verner Viisainen, ont reconnu que leurs résultats pouvaient varier, à la baisse comme à la hausse, et qu’ils ne prenaient pas en compte les incertitudes sur l’économie ou le prix des carburants et des technologies dans les années à venir. Ils ont également ignoré la promesse de Donald Trump de soutenir encore davantage l’extraction de combustibles fossiles.
Quel impact le nouveau président aura-t-il sur la communauté internationale ?
« Dans le reste du monde, cela pourrait avoir un effet d’entraînement. À partir du moment où vous avez un leader aussi important, et qui est aussi décomplexé dans son attitude anti-environnementale, ça va désinhiber des centaines de politiciens à travers le monde, qui se diront : hé, cette recette marche », croit Hugo Séguin. Selon l’expert, il faut aussi s’attendre à quatre années de querelles dans le commerce international, où « le climat sera exclu de ces discussions ».
Quel impact cela aura-t-il sur le réchauffement climatique ?
« Nous nous dirigeons vers un monde à plus de 2 degrés [de réchauffement]et l’élection de Trump renforce le fait que nous nous dirigeons vers un monde à plus de 2 degrés », affirme Hugo Séguin. Les GES ne connaissant pas de frontières, d’autres pays devront compenser l’augmentation des émissions des États-Unis, ce qui est loin d’être acquis. Selon M. Séguin, on peut néanmoins s’attendre à ce que la Chine, premier émetteur mondial de GES, poursuive ses efforts de décarbonation, tout comme l’Union européenne. « Dans plusieurs pays, la décarbonisation va se poursuivre parce que cela a du sens pour ces pays. »