« Le mot « expatrié » ne convient pas aux Noirs du monde occidental »

« Le mot « expatrié » ne convient pas aux Noirs du monde occidental »
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L’écrivain Lucy Mushita, en 2024. NIASHA MICHOT

Deux océans de distance et l’intermédiaire d’un écran d’ordinateur n’y peuvent rien : depuis l’Australie, où elle vit la moitié de l’année, le rire de Lucy Mushita éclate avec la même intensité que dans Blues des expatriés. Tant mieux. Car, depuis la lecture de son nouveau livre, sorte de carnet de voyage aussi douloureux que drôle, dans lequel elle confie son expérience du racisme aux Etats-Unis et en des années 1980 à aujourd’hui, on n’a qu’une envie : entendre ça rire. Saisissez ce qu’il recouvre et révèle.

Depuis 1986, l’écrivaine, née en Rhodésie du Sud (aujourd’hui Zimbabwe), suit son mari, un scientifique français, en France, aux Etats-Unis et en Australie. En Lorraine, où elle donnait des cours d’anglais à des étudiants en école de commerce, la secrétaire l’a prise pour une femme de ménage. A Paris, une femme l’a frappée avec son sac à main sur les Grands Boulevards, parce qu’elle en avait assez de « tous ces noirs ». Citons également cette inconnue dans la salle d’attente d’un cabinet médical qui se réjouit pour elle du chemin parcouru par ces anciens esclaves. “comme toi”. Sans oublier la passagère du train qui la prévient qu’elle était assise en première classe.

N’importe qui serait énervé pour moins que ça. La première réaction de Lucy Mushita en faisant ses valises en France a été plutôt un soulagement. « En Lorraine, où je suis arrivé dans un milieu intellectuel et instruit, je me suis senti accueillielle se souvient. J’ai rencontré pour la première fois des Blancs qui n’étaient pas racistes. » Une agréable surprise pour quelqu’un né en 1960 sous le régime de l’apartheid. Où disparaissent les voisins trop intéressés par la politique. Où l’on croit ce que l’on voit, à savoir que les blancs abrités dans leurs grandes maisons sont supérieurs aux noirs. « Mon père et ma mère m’ont dit : ‘Tu vois un homme blanc, tu t’enfuis’ »elle se souvient. Ses parents, qui avaient un « L’enfance dickensienne »travaillent dur comme serveurs, domestiques, ouvriers et enfin agriculteurs. Avec l’argent des récoltes, ils financent l’école de leurs quatre enfants. Car seuls les Blancs bénéficient de la gratuité de l’enseignement jusqu’au baccalauréat. Très jeune, Lucy Mushita a compris le pouvoir de l’éducation. En Rhodésie du Sud, la population est divisée en quatre « races » : Européens, Asiatiques, Métis et Noirs. “Jusqu’à l’indépendance en 1980, le racisme était réglementéelle explique. Il y avait des lignes. On pourrait lire « Européens uniquement », ou encore « Pas de Noirs, pas de chiens ». » C’était « clair comme du cristal ».

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