(Surprise) Pour arbitrer le duel serré entre Donald Trump et Kamala Harris, Camille Kroskey a attendu le jour du scrutin pour se rendre aux urnes. Voter par correspondance était impensable pour cet électeur républicain de l’Arizona, un État clé en proie au complotisme.
Publié hier à 20h50
Romain FONSEGRIVES
Agence France-Presse
“Je veux être sûr d’avoir voté là où il atterrira réellement quelque part”, a déclaré mardi à l’AFP cette assistante médicale de 62 ans devant la mairie de Surprise, dans la banlieue de Phoenix. « Maintenant, est-ce que ça sera compté ? […] Je ne sais pas. »
Urnes bourrées, machines électorales piratées, votes par correspondance manipulés… depuis des années, Donald Trump multiplie les accusations de fraude imaginaire, amplifiées par un écosystème de désinformation en ligne.
En conséquence, la suspicion ronge la démocratie américaine comme un cancer. Les symptômes sont particulièrement graves en Arizona, où le milliardaire républicain a perdu de moins de 10 500 voix en 2020 face à Joe Biden.
Cette défaite sans précédent, mal acceptée dans un Etat qui n’avait pas voté pour un président démocrate depuis Bill Clinton, alimente toutes sortes de psychoses.
Par exemple, des guetteurs armés ont surveillé certaines urnes en 2022 pour les élections de mi-mandat. Lors de ce scrutin, des problèmes techniques affectant certaines machines électorales ont également fait scandale dans le comté de Maricopa, le plus peuplé de l’État, où se trouve Surprise.
Cela a provoqué de longues files d’attente dans certains bureaux de vote. Le tribunal a jugé que personne n’était privé du droit de vote, mais certains républicains locaux contestent toujours leur défaite.
« Pas sûr »
« Depuis toutes ces années que nous votons, comment pouvons-nous soudainement avoir des problèmes avec les machines à voter ? », s’indigne M.moi Kroskey.
« Notre système n’est pas sécurisé. Nous ne sommes pas sûrs que tout le monde soit correctement compté», déplore-t-elle, expliquant qu’une de ses collègues de travail a reçu trois bulletins de vote chez elle, ce qui, selon elle, pourrait lui permettre de commettre une fraude.
L’Arizona sera encore scruté de près cette année. En 2020, des manifestants armés en colère ont manifesté plusieurs nuits de suite devant le centre électoral du comté de Maricopa, lors des longues opérations de dépouillement des bulletins de vote.
Pour tenter d’enrayer la spirale complotiste, alimentée par Donald Trump qui assure déjà à ses partisans que des « tricheries » sont probables cette année, les responsables électoraux locaux augmentent leur transparence. Des caméras retransmettent en direct les opérations de dépouillement dans le centre électoral du comté de Maricopa.
Mardi après-midi, le responsable des élections en Arizona, Adrian Fontes, a assuré que « dans l’ensemble, […] le jour des élections se passe très bien dans la majeure partie de l’État. »
Cet élu démocrate a néanmoins évoqué des « problèmes mineurs ».
Certaines machines à voter ont connu des problèmes techniques dans le comté d’Apache, où vivent de nombreux autochtones. Cela a provoqué de longues files d’attente et les autorités locales ont demandé une prolongation de l’ouverture des bureaux de vote après 19 heures, selon les médias locaux.
Dans l’après-midi, ces problèmes étaient en train d’être résolus, a déclaré Fontes, et « la plupart des sites du comté d’Apache » étaient « opérationnels ».
De fausses « menaces à la bombe » provenant de « Russie » ont également visé le comté voisin de Navajo, a-t-il ajouté. Mais « aucun bureau de vote n’a fermé dans cette région. »
” Tricherie ”
Malgré cette transparence en temps réel, la confiance dans le processus électoral semble durablement ébranlée.
En août, moins de la moitié des électeurs républicains (47 %) aux États-Unis étaient convaincus que l’élection présidentielle serait « menée équitablement », selon une étude du Pew Research Center.
Devant la mairie de Surprise, plusieurs volontaires républicains venus distribuer des tracts se montrent très méfiants. Une méfiance renforcée par les règles locales en Arizona, qui prolongent souvent le décompte des voix bien après l’élection.
“J’ai des doutes”, a déclaré à l’AFP Bob Branch, 66 ans, car “nous ne saurons pas ce soir qui a gagné ou perdu”. »
Sous sa casquette camouflage « Trump 2024 », ce professeur d’université est persuadé que les immigrés qui n’ont pas la nationalité américaine votent dans d’autres États. Un phénomène techniquement possible, mais lourdement sanctionné par la loi et qualifié d’infinitésimal par les experts.
“C’est une méthode qui permet la fraude”, estime-t-il. « Alors, y a-t-il de la triche ? » Absolument. Est-ce suffisant pour voler une élection ? J’espère que non.