Le thon en conserve est largement contaminé par du mercure, une substance nocive pour la santé, a dénoncé mardi l’ONG Bloom qui, avec Foodwatch, appelle à des “mesures d’urgence”, notamment à l’abaissement des limites autorisées.
Bloom, une ONG de défense des océans, a sélectionné au hasard 148 boîtes de conserve dans cinq pays européens (France, Allemagne, Angleterre, Espagne et Italie) et les a fait tester par un laboratoire indépendant. Résultat : « 100 % des cartons sont contaminés par du mercure », révèle son enquête.
Pour plus d’une conserve testée sur deux, la teneur en mercure dépasse la limite maximale fixée pour d’autres espèces de poissons comme le cabillaud ou les anchois, soit 0,3 mg/kg.
Pour le thon, la limite a été fixée à 1 mg/kg.
Mais ce seuil est calculé sur le « produit frais ». Cependant, selon les calculs de Bloom, cela équivaut à une teneur d’environ 2,7 mg/kg dans la canette, car le mercure est plus concentré une fois le produit déshydraté.
En France, une boîte de thon de marque Petit Navire testée lors de l’enquête a montré une teneur de 3,9 mg/kg.
L’entreprise, contactée par l’AFP, affirme que ses produits sont “parfaitement sûrs pour les consommateurs”.
Les contrôles qu’elle dit effectuer mensuellement n’ont jamais révélé des taux de mercure supérieurs aux normes européennes, et se situent en moyenne entre 0,2 et 0,3 mg/kg, soit 70 à 80 % de moins que la limite autorisée. , s’est défendu Petit Navire.
“La manière dont les normes sanitaires ont été fixées au niveau européen est absolument scandaleuse”, dénonce la chercheuse Julie Guterman de Bloom.
Ils “ont été établis en fonction du taux de contamination du thon observé et non en fonction du danger que représente le mercure pour la santé humaine”, précise-t-elle.
« Opacité totale »
En cause selon l’ONG : un règlement sur les contaminants révisé en 2022 par un « comité technique » de la Commission européenne, le SCoPaFF (Comité permanent des plantes, des animaux, de l’alimentation humaine et animale), qui « travaille dans l’opacité totale ».
« Les niveaux maximaux sont fixés de manière à commercialiser le plus de poissons contaminés possible : c’est ce que nous appelons la méthode ALARA, « aussi bas que raisonnablement possible ». Autrement dit : aussi bas que les intérêts commerciaux le permettent», dénonce Bloom.
Pour l’ONG, « aucune raison sanitaire ne justifie cette différence : le mercure n’est pas moins toxique s’il est ingéré via le thon, seule la concentration en mercure de l’aliment compte ».
Le mercure est classé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) « parmi les dix substances les plus préoccupantes pour la santé publique », rappelle Bloom.
Dans l’océan, le mercure se mélange aux bactéries et se transforme en méthylmercure, un sous-produit encore plus toxique.
“Des troubles neurologiques et comportementaux peuvent être observés après une exposition à différents composés du mercure par inhalation, ingestion ou contact cutané”, indique l’OMS.
L’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Anses) reconnaît qu’à forte dose, le méthylmercure est toxique pour le système nerveux central de l’homme, notamment au cours du développement in utero et pendant la petite enfance. .’
Elle recommande de limiter le thon, mais pas de l’éviter, chez les femmes enceintes et les enfants de moins de trois ans.
“En termes de recommandations, il est difficile d’aller plus loin”, d’autant “que le poisson présente des bénéfices très difficiles à substituer”. C’est un ajustement assez subtil», explique à l’AFP Irène Margaritis, adjointe au directeur de l’évaluation des risques à l’Anses.
“Garantir les normes de sécurité alimentaire les plus élevées pour les citoyens de l’UE est une priorité essentielle”, a déclaré la Commission européenne à l’AFP.
“En 2022, les teneurs maximales en mercure dans les denrées alimentaires ont été révisées en tenant compte des données les plus récentes”, a-t-elle assuré.
“Les données sur la présence de mercure dans le thon ont montré qu’il n’était pas possible de réduire davantage le niveau maximum en appliquant le principe du “aussi bas que raisonnablement possible””, conclut Bruxelles.
Face à ce qu’ils qualifient de « véritable scandale de santé publique », Bloom et l’ONG de défense des consommateurs Foodwatch réclament des « mesures d’urgence » de la part des pouvoirs publics : ils appellent la Commission européenne et les autorités françaises à s’aligner sur les mesures maximales les plus strictes. niveau de 0,3 mg/kg.
Ils demandent également aux distributeurs de commercialiser uniquement les produits en dessous de ce seuil.
/ATS